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SAMEDI 3 NOVEMBRE 1832.

(N° 2019.)

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Bref du Pape aux évéques de Bavière, sur les merges mixtes, commençant par ces mots : Summo jugtter.

A nos vénérables frères les archevêques et évêques du roya de Bavière.

GREGOIRE XVI, Pape,

Vénérables frères, salut et bénédiction apostolique. Le siége apostolique a de tout temps veillé avec le plus grand soin au maintien exact des canons de l'Eglise, qui défendent rigoureusement les mariages des catholiques avec les hérétiques. Quoi qu'il ait été quelquefois nécessaire de les tolérer en quelques lieux pour éviter un plus grand scandale, les pontifes romains n'ont cependant jamais manqué d'employer tous les moyens qui étoient en leur pouvoir pour qu'on y fit comprendre au peuple fidèle tout ce qu'il y a de difforme et de dangereux pour le salut dans ces sortes d'unions, et de quel crime se rend coupable l'homme ou la femme catholiques qui osent enfreindre les saintes lois de l'Eglise sur cette matière. S'ils ont consenti quelquefois à dispenser dans quelques cas particuliers de cette sainte et canonique défense, ce n'a jamais été que contre leur gré, et pour des motifs graves; mais, en accordant cette grâce, ils ont eu pour coutume d'exiger, comme condition préalable au mariage, que non-seulement la partie catholique ne fût point exposée au danger d'être pervertie par l'autre, qu elle s'engageât plutôt à faire tout ce qui dépendroit d'elle pour faire rentrer celle-ci dans le sein de l'Eglise, mais encore que les enfans de l'un et de l'autre sexe fussent élevés dans les principes de notre sainte religion.

C'est pourquoi, nous, que la divine Providence a élevé, malgré notre indignité, sur la chaire suprême de saint Pierre, considérant la très-sainte conduite de nos prédécesseurs à cet égard, n'avons pu, sans en être profondément affligé, apprendre, par des rapports exacts et en grand nombre, que dans vos diocèses et dans plusieurs autres lieux, il se trouve queques personnes qui s'efforcent, par tous les moyens possibles, de propager parmi les peuples qui vous sont confiés une entière liberté de contracter des mariages mixtes, et avancent, pour les mieux autoriser, des opinions contraires à la vérité catholique.

En effet, nous sommes informé qu'ils osent affirmer que les catholiques peuvent, librement et licitement, former de telles unions, non-seulement sans aucune dispense préalable du saint siége (laquelle, selon les canons, doit être demandée pour chaque cas particulier), mais encore sans remplir les conditions précédentes.

Tome LXXIV. L'Ami de la Religion.

B

requises, surtout celle qui concerne l'éducation des enfans dans les principes de la religion catholique. Ils en sont venus même jusqu'à prétendre qu'on doit approuver ces sortes de mariages lorsque la partie hérétique a été séparée, par le divorce, de sa femme ou de son mari encore vivant. De plus, ils s'efforcent d'effrayer les pasteurs des ames, en les menaçant de les faire poursuivre s'ils refusent d'annoncer au prône les mariages mixtes, et ensuite d'assister à leur célébration, ou au moins de délivrer aux futurs contractans des lettres dimissoriales, comme ils les appellent. Enfin, il s'en trouve parmi eux qui cherchent à se persuader, et à faire croire aux autres, que ce n'est pas seulement dans le sein de la religion catholique qu'on peut se sauver; que les hérétiques qui vivent et meurent dans l'hérésie peuvent aussi obtenir la vie éternelle.

Ce qui nous console toutefois dans notre affliction, vénérables frères, c'est d'abord le constant attachement que montre la plus grande partie du peuple de Bavière aux vrais principes de la foi catholique, et sa sincérité obéissante à l'autorité ecclésiastique; ensuite la conduite de presque tout le clergé du royaume, qui, dans l'exercice de ses fonctions, est demeuré ferme dans l'observation des canons; mais surtout cette preuve évidente que vous nous donnez, vénérables frères, de l'ardent désir que vous avez de remplir dignement les devoirs de votre charge: car, quoique vous ne soyez pas tous d'accord sur les règles à suivre dans cette affaire des mariages mixtes, ou sur quelques points qui la concernent, vous avez cependant pris unanimement la résolution de vous adresser au siége apostolique, de le prendre pour guide dans la conduite des ouailles qui vous sont confiées, et d'affronter même les périls, s'il y avoit lieu, pour assurer leur salut.

Aussi nous empressons-nous de remplir envers vous, vénérables frères, le dernier de notre ministère apostolique, et de vous raffermir par les présentes, afin que vous continuiez d'enseigner sur cette matière les principes invariables de la foi catholique, que vous veilliez avec plus de sollicitude que jamais au maintien des saints canons, et qu'informés de notre jugement sur cette affaire, vous soyez désormais plus parfaitement d'accord entre vous et avec le saint siége.

Mais, avant d'entrer en matière, nous ne pouvons nous empêcher de vous dire que nous avons sujet d'espérer que notre trèscher fils en J. C., Louis, illustre roi de Bavière, dès qu'il aura été informé du parfait accord qui existe entre vous et nous sur le véritable état de la question présente, nous appuiera de son autorité avec ce dévoûment aux intérêts de la sainte Eglise catholique qu'il a hérité de ses augustes ancêtres; que, pour écarter les maux dont elle est menacée à cette occasion, il vous couvrira de sa protection, qu'ainsi l'Eglise catholique sera conservée dans son intégrité par tout le royaume de Bavière; les évêques et les autres

ministres des autels jouiront d'une pleine liberté dans l'exercice de leurs fonctions, comme il a été stipulé dans le concordat fait avec le saint siége en 1817.

que

Pour traiter maintenant de l'affaire qui nous occupe, il convient avant tout que nous considérions ce que nous enseigne, à cet égard, la foi, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu (1), et qui est en péril, comme nous l'avons déjà remarqué dans le système de ceux qui veulent étendre au-delà de certaines bornes la liberté des mariages mixtes; car enfin, vous savez comme nous, vénérables frères, avec quelle énergie, avec quelle constance nos Pères se sont appliqués à inculquer cet article de foi que ces novateurs osent nier, la nécessité de la foi et de l'unité catholique pour obtenir le salut. C'est ce qu'enseignoit un des plus célèbres disciples des apôtres, saint Ignace, martyr, dans son Epître aux Philadelphiens. Ne vous trompez pas, leur mandoit-il, celui qui adhère à l'auteur d'un schisme n'obtiendra pas le royaume de Dieu (2). Saint Augustin et les autres évêques d'Afrique, réunis en 412 dans le concile de Cirte, s'exprimoient ainsi à ce sujet : « Quiconque est hors du sein de l'Eglise catholique, quelque louable lui paroisse d'ailleurs sa conduite, ne jouira point de la vie éternelle, et la colère de Dieu demeure sur lui à cause du crime dont il est coupable en vivant séparé de l'unité de J.-C. (3) : »et, sans rapporter ici les témoignages presque innombrables d'autres anciens Pères, nous nous bornerons à citer celui de notre glorieux prédé cesseur, saint Grégoire-le-Grand, qui atteste expressément que telle est la doctrine de l'Eglise catholique sur cette matière. sainte Eglise universelle, dit-il, enseigne que Dieu ne peut être véritablement adoré que dans son sein: elle affirme que tous ceux qui en sont séparés ne seront point sauvés (4). » Il est également déclaré dans le décret sur la foi, publié par un autre de nos prédécesseurs, Innocent III, de concert avec le concile OEcuménique, quatrième de Latran, qu'il n'y a qu'une seule Eglise universelle, hors de laquelle nul absolument ne sera sauvé (5). » Enfin, le même dogme est exprimé dans les professions de foi qui ont été proposées par le siége apostolique; dans celle qui est à l'usage de toutes les églises latines (6); comme dans les deux autres, dont l'une est reçue par les Grecs et la dernière par tous les autres catholiques de l'Orient (7).

(1) Ep. aux Hébr., XI, 6.

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(2) Bibl. des anciens Pères, édit. de Galland, t. I, page 276.

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(3) Lettres syn. aux Donat., § 5, et Lettres de saint Augustin, n° 141, éd. de Saint-Maur.

(4) Moral, ou Expos. sur Job, XIV, 5.

(5) Cap. Firmiter, de summá Trin. et fide cath.

(6) Voy. Profession 6, Hanc veram.

(7) Voy. la Constit. de Grégoire XIII, Sanctissimus dominus, et celle de Benoît XIV, Nuper ad nos.

Nous ne vous avons pas cité ces autorités parmi tant d'autres que nous aurions pu y ajouter, dans l'intention de vous enseigner un article de foi, comme si vous aviez pu l'ignorer. Loin de nous, vénérables frères, un soupçon aussi absurde et aussi injurieux pour vous! Mais l'étrange audace avec laquelle certains novateurs ont osé attaquer un de nos dogmes les plus importans et les plus évidens, a fait sur nous une impression si douloureuse, que nous n'avons pu nous empêcher de nous étendre un peu sur ce point. Courage donc, vénérables frères, prenez en main le glaive de l'Esprit, qui est la parole de Dieu, et n'épargnez aucun effort pour déraciner cette funeste erreur qui se répand aujourd'hui de plus en plus. Faites en sorte vous-mêmes, et que, d'après vos exhortations, les pasteurs des ames qui sont soumis à votre autorité agissent de manière que le peuple fidèle du royaume de Bavière soit porté avec plus d'ardeur que jamais à garder la foi et l'unité catholique comme l'unique moyen de salut, et par conséquent à éviter tout danger de s'en séparer. Lorsque tous les fidèles bavarois seront bien convaincus et fortement pénétrés de la nécessité de conserver cette unité, ils seront plus touchés des avis et des exhortations que vous leur adresserez dans la suite pour les empêcher de contracter mariage avec les hérétiques; ou s'il arrivoit quelquefois que des motifs graves les y déterminassent, ils ne procéderoient point au mariage avant d'avoir reçu la dispense de l'Eglise, et rempli religieusement les conditions qu'elle a coutume, ainsi que nous l'avons dit, d'exiger en pareil cas.

Vous devez donc faire connoître aux fidèles qui se proposent de contracter ces sortes de mariages, ainsi qu'à leurs parens ou à leurs tuteurs, les dispositions des saints canons à cet égard, et les exhorter fortement à ne pas oser les enfreindre au préjudice de leurs ames. Il faut, s'il est nécessaire, leur rappeler ce précepte, si généralement connu, de la loi naturelle et divine, qui nous impose l'obligation d'éviter non-seulement le péché, mais encore l'occasion prochaine d'y tomber; et cet autre de la même loi, qui ordonne aux parens de bien élever leurs enfans, en les corrigeant et les instruisant selon le Seigneur (1), et par conséquent, en leur enseignant le vrai culte de Dieu, qui est uniquement dans le sein de l'Eglise catholique. C'est pourquoi vous exhorterez les fidèles à considérer sérieusement combien ils outrageroient la majesté suprême, combien ils seroient cruels envers eux-mêmes et envers les enfans à naître de ces mariages, si, en les contractant témérairement, ils s'exposoient au danger de perdre la foi et de la faire perdre à leurs enfans. Mais enfin, s'il arrivoit, ce qu'à Dieu ne plaise! que, peu touché de vos avis et de vos exhortations, un catholique, homme ou femme persistât dans son dessein de contracter un ma(1) Aux Ephes., VI, 4.

riage mixte sans avoir demandé ou obtenu une dispense canonique, ni rempli toutes les conditions prescrites, alors le curé de sa paroisse regardera comme son devoir, non-seulement de ne pas honorer les contractans de sa présence, mais encore de s'abstenir de la publication de leurs bans, et de leur refuser des lettres dimissoriales. Le vôtre, vénérables frères, est de signifier aux curés de vos diocèses vos intentions à cet égard, et d'exiger d'eux formellement qu'ils ne prennent aucune part à ces sortes de mariages. En effet, tout pasteur des ames qui en agiroit autrement, surtout dans les circonstances particulières où se trouve maintenant la Bavière, paroîtroit approuver, en quelque sorte, ces unions illicites, et favoriser, par son concours, une liberté si funeste au salut des ames et à la cause de la foi.

D'après tout ce que nous venons de dire, il est à peine nécessaire de nous occuper des autres cas de mariages mixtes, bien plus graves que les précédens, où la partie hérétique est séparée, par le divorce, d'une femme ou d'un mari encore vivant. Vous savez, vénérables frères, que telle est de droit divin la force du lien conjugal, qu'aucune puissance humaine ne peut le rompre. Le mariage mixte seroit, en pareil cas, non-seulement illicite, mais encore nul, et un véritable adultère, à moins que la première union, regardée par la partie hérétique comme dissoute en vertu du divorce, n'eût été invalidement contractée, à cause d'un véritable empêchement dirimant. Dans ce dernier cas, et lorsqu'on aura d'abord observé les règles ci-dessus prescrites, il faudra se donner de garde de procéder au mariage avant qu'un jugement canonique, formé d'après une connoissance exacte de la nature du premier mariage, ne l'ait déclaré nul.

Voilà, vénérables frères, ce que nous avons cru devoir vous mander sur cette affaire. Cependant nous ne cesserons de prier avec ferveur le Tout - Puissant qu'il vous revête, ainsi que tout le clergé de Bavière, de la force d'en haut; qu'il vous entoure, vous et le peuple fidèle, de sa protection, et vous défende tous par la force de son saint bras. Comme gage du vif attachement que nous vous portons dans le Seigneur, nous vous donnons bien affectueusement, ainsi qu'au clergé et aux fidèles de vos diocèses, la bénédiction apostolique.

GREGOIRE XVI, Pape.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 27 mai 1832, an 2o de notre pontificat.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. S. S. continue à jouir d'une bonne santé à Castel-Gandolfo. Elle reçoit des députations des environs, fait des promenades, et visite des églises et des couvens. Quand elle arrive dans une ville ou dans un lieu quelconque, elle commence par entrer dans l'é

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