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paru faire une critique trop générale et condamner indistinctement tous les ecclésiastiques qui montoient en chaire sans préparation. Nous devons croire qu'il n'a pas prétendu envelopper dans la sé- vérité de ses arrêts l'ecclésiastique laborieux qui ne néglige point les moyens de s'instruire, mais qui, trop occupé des soins du ministère, est quelquefois forcé de monter en chaire sans avoir pu faire à loisir une préparation immédiate. Nous pourrions opposer à M. Guillon l'avis de Fénelon qui approuvoit au contraire pour les prédicateurs la méthode de l'improvisation. Sans désapprouver les connoissances acquises dans les sciences profanes, M. Guillon veut que l'étude spéciale du prédicateur soit l'Ecriture sainte, mais commentée et expliquée par les Pères. En découvrant à ses auditeurs les riches trésors de cette mine inépuisable, l'habile professeur a fait de nos livres saints une brillante peinture. Les deux discours ont été fort applaudis.

On sait que le code pénal renferme, article 199, une disposition fort sévère contre les prêtres qui béniroient un mariage sans qu'il leur fût justifié de l'acte civil. Cet article porte pour la première fois une amende de 10 à 100 fr., pour la première récidive un emprisonnement de deux à cinq ans, et pour la seconde la déportation. Le ministère public se montre généralement très-ardent à poursuivre les curés soupçonnés d'avoir contrevenu à la loi sur ce point. Le procureur du Roi de Montpellier a fait traduire dernièrement en police correctionnelle ie curé de Mudaison, commune de l'arrondissement. Voici ce qui avoit donné lieu à cette poursuite. Le mariage du nommé Fontanieu et de la fille Viala devoit avoir lieu à Mudaison le 18 juillet dernier. On se rendit à la maison commune le soir pour l'acte civil. L'acte étoit rédigé et tout prêt à être signé, lorsque le greffier remarqua qu'il manquoit l'acte du décès du père de la fille. On fut fort embarrassé et on hésita beaucoup. La pièce ne pouvoit être rapportée que dans deux ou trois jours; le maire vouloit différer, la famille se récria, tous les préparatifs étoient faits. Enfin il fut convenu de se conduire comme si l'acte étoit signé, et de ne pas ébruiter cette difficulté. On devoit dans deux ou trois jours rapporter la pièce et signer en secret, et cependant on iroit le lendemain à l'église comme cela venoit d'être convenu avec M. le curé. En effet, les choses ainsi arrangées et le secret promis, on va le lendemain à l'église. M. le curé attendoit les époux qui étoient venus le voir la veille, et qui lui avoient annoncé qu'ils alloient de ce pas à la mairie. Il ne douta pas que tout ne se fût passé en règle, et il célébra le mariage. Deux jours après on porta à la mairie l'acte demandé et l'on signa. Le maire étoit absent, on croyoit qu'il signeroit plus tard. Mais point du tout, celui-ci, qui avoit réfléchi apparemment à l'irrégularité de son procédé, craignit de se compromettre, et, affectant une sévérité tardive, il refusa de signer et dénonca même les faits au pro

cureur du Roi, en dissimulant la part qu'il avoit eue à l'arrangement. C'est là-dessus que le curé fut poursuivi. Mais à l'audience, le 13 octobre, le curé a expliqué très-nettement l'affaire. Il étoit depuis long-temps d'usage à Mudaison, dit-il, de ne pas exiger pour la bénédiction nuptiale de certificats écrits du maire pour constater l'acte civil. Depuis la révolution de juillet, il en fit la demande au nouveau maire, M. Rivière, qui répondit que l'on continueroit, comme par le passé, à se contenter d'une attestation verbale. Le curé devoit d'autant plus croire à l'accomplissement de toutes les formalités requises, que les futurs lui avoient dit la veille qu'ils se rendoient à la mairie où tout étoit prêt et convenu. Les nouveau mariés et les témoins ont confirmé à l'audience ces explications. Le maire a nié avoir consenti à l'arrangement fait à la mairie, mais le greffier et d'autres témoins ont contredit son assertion. Il a été constaté que le maire refusoit habituellement des certificats écrits. Le substitut a soutenu la prévention, quoiqu'il reconnût la bonne foi du curé, et il a conclu à 16 francs d'amende; mais le tribunal, considérant que la loi n'exige pas de certificat écrit, qu'il suffit le curé ait que pu croire de bonne foi la formalité civile remplie, et que dans l'espèce le curé de Mudaison a dû croire que tout étoit en règle, l'a renvoyé de la plainte. Si quelqu'un devoit être traduit en police correctionnelle, ne seroit-ce pas plutôt le maire, et n'est-il pas singulier qu'il ait fait poursuivre le curé tandis qu'il étoit, lui, beaucoup plus répréhensible que le pasteur?

-M. de Nékére, évêque de la Nouvelle-Orléans, étant d'une mauvaise santé, a demandé un coadjuteur, et le saint Siége a nommé à cette place, le 3 février dernier, M. Antoine Blanc, missionnaire français, du diocèse de Lyon, qui étoit parti pour les Etats-Unis avec M. Dubourg. M. Blanc aura le titre d'évêque d'Apollonie. On trouve des lettres de lui dans les Annales de la propagation de la foi. Il arriva aux Etats-Unis en 1817, et fut placé successivement à Vincennes dans le territoire des Illinois, à Natchez sur le Mississipi, à Pointe-Coupée, à Nakitochès, et en dernier lieu à BatonRouge, toutes paroisses de l'ancienne Louisiane. Il y opéra beaucoup de bien, et bâtit une église à Natchez et une à Baton-Rouge. Il fit un voyage en France en 1824, et assista, en 1829, au concile provincial de Baltimore. Le choix d'un coadjuteur si capable et si zélé allégera pour M. de Nékère le fardeau de l'épiscopat. Dernièrement, trois Jésuites sont partis de France pour les missions d'Amérique; on croit qu'ils se rendent au Missouri, où leurs confrères ont formé un établissement.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Nous doutons que les précautions dont on entoure Mue la duchesse de Berri, pour la séparer de toute communication avec l'extérieur de sa prison, soient de nature à lui déplaire autant qu'on pourroit le croire. D'abord elles ont pour effet

de prouver que le vœu national n'est pas tout d'un côté, et qu'on veut bien faire à la France l'honneur de se méfier d'elle dans une affaire qui est toute de sentiment et de sympathie. Ensuite il est à croire que l'auguste prisonnière n'est nullement contrariée de se voir détenue de manière à ne pouvoir rompre ses chaînes et tromper la surveillance de ses gardiens. Elle a trop d'esprit et de jugement pour chercher à sortir d'une position qui ne fera que la grandir de jour en jour, et hors de laquelle peut-étré elle risqueroit d'affoiblir l'intérêt si vif qui s'attache à sa personne. Nous sommes donc parfaitement convaincus que madame la duchesse de Berri ne cherchera point à faire cesser une captivité qui l'élève si haut, et que c'est un service qu'elle se garderoit bien de rendre à ses ennemis, quand bien même ils laisseroient la porte de sa prison entre ouverte pour la tenter. Elle auroit trop à perdre et eux trop à gagner à ce que les choses ne restassent point comme elles sont.

Un rapport écrit et circonstancié sur tout ce qui s'est passé à Nantes, à l'occasion de l'arrestation de madame la duchesse de Berri, nous a été communiqué par une personne qui étoit chargée de le faire parvenir haut et loin. Nous y avons remarqué un trait de conduite honorable, qui caractérise très-bien les sentimens du peuple à l'égard de l'héroïque princesse qui vient de prendre un rang si élevé parmi les femmes et les mères. Deux maçons avoient été requis par l'au-, torité pour démolir, en cas de besoin, les murs qui pouvoient cacher S. A. R. L'un de ces ouvriers refusoit de se charger d'un pareil travail en disant : « Si j'avois le malheur de faire découvrir MADAME, je me tuerois de chagrin. » L'autre ne s'en défendoit pas précisément de la même manière, mais il disoit : « Si j'avois le malheur de vous faire trouver Madame, en rentrant à la maison ma femme me tueroit. »

- Qu'est devenu le temps où le Constitutionnel et les autres journaux de la comédie vouloient absolument que les lois et règlemens sur les passeports fussent abolis à perpétuité! Que ne disoient-ils pas alors sur ce qu'ils appeloient le droit de locomotion, et sur la gênante formalité à laquelle on continuoit d'assujétir les voyageurs sans aucune nécessité! Selon eux, ce n'étoit plus qu'un impôt ridicule, qu'une manière d'extorquer un peu d'argent au profit du fisc. Le temps permet→ toit d'affranchir les citoyens de cet embarras; il n'y avoit plus aucun inconvénient à laisser jouir la nation d'une pleine et entière liberté sur ce point. Ah! ils doivent bien regretter tous les complimens qu'ils ont faits à ce sujet au gouvernement de la restauration, en reconnoissant que l'état de repos et de sécurité où il avoit amené la France permettoit désormais de renoncer aux vexations, et d'accorder tout ce qu'on voudroit en fait de liberté. Rien n'est plus curieux que de comparer là-dessus leur langage d'alors à celui qu'ils tiennent aujourd'hui. Non-seulement ils trouvent bon que le régime des passeports soit maintenu, mais ils sont les premiers à stimuler le zèle de la gendarmerie et de la police, pour que personne n'échappe ni à pied ni à chevol, au sévère contrôle qui est établi partout. De gîte en gîte, de village en village et de porte en porte, il faut que les amis de la liberté de juillet sachent qui vous êtes, d'où vous venez, où vous allez, et pourquoi vous n'êtes pas resté chez

vous. Ils vous poursuivent à table, dans vos visites, et souvent jusque dans votre chambre à coucher. Un passeport qui n'est visé que trente fois ne leur suffit pas tonjours, et si malheureusement vous avez brûlé une étape sans le faire rafrai chir, vous courez le risque d'attendre en prison les informations qu'on demandera par la poste à trente ou quarante lieues de là. Tel est le nouveau droit de locomo tion qui est sorti de la révolution de juillet, au grand étonnement des pauvres gens qui avoient précisément compté sur le règne de Louis-Philippe, pour faire cesser l'horrible inquisition du gouvernement de Charles X.

Le nombre des demandes adressées au ministère pour obtenir l'autorisation de se rendre auprès de madame la duchesse de Berri est si considérable, qu'on a pris, dit-on, le parti de faire lithographier des lettres de refus. M. Ravez a écrit le 15 au président du conseil des ministres, pour être admis à l'honneur d'offrir à la princesse le tribut de son dévoûment et de son expérience; on-lui a répondu qu'il ne pouvoit obtenir de se rendre auprès d'elle. M. de Taffart de Saint-Germain, ancien officier au 6a régiment de la garde royale, s'est adressé au préfet de la Gironde pour obtenir la permission d'offrir ses services à MADAME. M. de Preissac l'a renvoyé au colonel Chousserie, qui u'a répondu que par un refus. La lettre de M. de Taffart à S. A. R., inséréc dans la Gazette de Guyenne, respire le plus pur dévoûment. M. Bossange père, libraire, breveté du roi LouisPhilippe, a envoyé au commandant de la forteresse une caisse de livres destinés à la princesse. On lit dans la Gazette du Périgord deux protestations de MM. dé Merlhiac, électeur, et Gonthier de Soulas, coutre la mesure arbitraire dout S. A. R. est l'objet. Un grand nombre d'habitans de Lunel viennent aussi d'en signer une, qui n'est pas moins remarquable que celles des villes que nous avons citées.

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- La cour royale d'Aix a tenu, le 13 novembre, son audience de rentrée, qui n'avoit pu avoir lieu le 5 à cause des travaux à faire à la salle. La prise de possession du nouveau palais de Justice donnoit à cette audience une nouvellę solennité. Des officiers-généraux, des fonctionnaires, entr'autres le corps municipal, y assistoient. Une messe du Saint-Esprit fut célébrée; après quoi M. l'archevêque et le clergé de la Madeleine suivirent la cour à la salle d'audience. La plupart des ecclésiastiques n'ont point trouvé de siéges, mais ce ne devoit être là que le commencement de leurs tribulations. M. Borély, procureur-général, prononça la mercuriale; et ici c'est bien le mot propre, car ce fut une rude et âcre mercuriale contre les magistrats d'Aix, contre le clergé, contre toute la ville. Les magistrats avoient signé une adresse à Charles X en faveur des ordonnances; M. Borély le leur a reproché en face. Il n'a pas ménagé davantage le elergé, qui, a-t-il dit, n'étoit pas dévoué au gouvernement, soupiroit après Henri V, et ne savoit pas apprécier les lumières du siècle. Voilà ce qui a été dit en présence d'un prélat et de plusieurs ecclésiastiqués, qui n'étoient venus que sur une invitation de la cour, et qui ue sembloient avoir été appelés que pour être en butte à des reproches pleins de brutalité : c'étoient là les remerciemens qu'on leur fai

soit de leur complaisance. Il est difficile d'imaginer un procédé plus grossier. Ce n'est pas tout, M. Borély, qui étoit en train d'inconvenances, s'est plaint de l'esprit qui régnoit à Aix. Cette ville ne méritoit pas d'avoir une cour royale; on la transportéroit à Marseille ainsi que l'Ecole de droit, et l'une et l'autre y fleuriroient. Le magistrat s'est complu à retracer les grands avantages qui résulteroient de ce changement. Ajoutez à cela un fatras d'idées disparates sur les canaux, sur les chemins de fer, sur les machines à vapeur, et vous aurez une esquisse assez fidèle de cet étrange discours qui étoit écrit et qui n'a duré que trois heures. Tout le monde étoit stupéfait. Deux fois l'orateur a été interrompu par des murmures. Il avoit préparé un grand diner auquel toutes les autorités étoient invitées. M. l'archevêque se dégagea par une lettre fort significative dans sa briéveté. Le maire annonça à M. Rorély, immédiatement après le discours, qu'il n'iroit point à son dîner, et qu'il dénonceroit sa mercuriale au conseil municipal. Le président du tribunal et plusieurs conseillers ne se rendirent pas non plus au diner. Le soir, on a donné un charivari au procureur-général. Le conseil municipal a signé une protestation énergique : il y reproche à M. Borély et son projet de translation, et ses attaques amères contre des classes entières, et ce soin de chercher à ranimer des haines. On ne s'explique point cette incartade, si ce n'est qu'en supposant que l'orateur, accoutumé depuis deux ans à poursuivre les carlistes et à en voir partout, s'est fatigué la tête par sa manie de multiplier les plaintes et les accusations.

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- Les journaux ont annoncé la mort du comte de Montgelas, ancien ministre en Bavière, et en ont parlé comme d'un des plus habiles diplomates de notre siècle. Cet éloge a même été répété dans des feuilles religieuses, où M. de Montgelas ne devoit pas s'attendre sans doute à être prôné : il a fait à la religion, pendant son ministère, tout le mal qu'il a pu. Maximilien-Joseph, baron, puis comte de Montgelas, étoit d'une famille originaire de Savoie, mais naquit à Munich en ́1759. Après avoir fini ses études, il fit un voyage en France, et fut nommé trèsjeune conseiller de la cour à Munich et chargé de la censure des livres : c'étoit un très-bon moyen pour favoriser les plus mauvais ouvrages et pour entraver la circulation des bons. M. de Montgelas professoit les maximes de la philosophie nouvelle, dont il avoit peut-être connu les partisans en France. L'abbé Barruel, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, le cite comme un des adeptes de l'illuminisme de Weishaupt. Le baron fut exilé de Munich lors de la découverte des complots des illuminés ; il se retira à la cour de Deux-Ponts, et gagna toute la confiance du duc Maximilien, alors colonel au service de France. Ce prince, étant devenu duc de Deux-Ponts en 1795, et électeur de Bavière en 1799 par la mort de son oncle Charles-Théodore, prit M. de Montgelas pour son ministre. C'est à l'influence de ce dernier qu'on attribua la direction que prit le gouvernement du nouvel électeur. Les illuminés furent rappelés et protégés. On fit une guerre très-vive aux couvens, aux fêtes, aux processions, aux confréries, aux pélerinages. Les évêques furent humiliés et asservis, et l'instruction livrée au parti philosophique. On s'empara des biens des religieux. Enfin ce fut une suite de ré

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