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ministre du commerce de protéger des abus dans cette branche de service. L'orateur se plaint de l'énormité de la dépense de ces primes, et soutient qu'elles profitent à des compagnies. Il demande que la chambre mette un terme à ces dilapidations de nos finances.

M. d'Argoul monte à la tribune avant que M. de Mosbourg en soit descendu, et lui adresse quelques paroles piquantes, qui se terminent de part et d'autre par une espèce de provocation. Le ministre repousse avec vivacité les reproches du préopinant, et le somme de désigner les coupables. On s'écrie alors qu'il devroit donner l'état de ceux qui ont reçu des primes en argent. Il continue en déclarant qu'il n'est lui-même aucunement partisan du système des primes; mais qu'op ne peut trancher à la hâte une question qui intéresse essentiellement le commerce colonial, l'industrie et la navigation. M. Mosbourg persiste daus ses observations, en déclarant qu'il ne veut point remplir le rôle de dénonciateur, par les désignations que l'on demande. Avant, au surplus, de proposer son amendement, il avoit engagé le ministre à prendre l'initiative, en présentant une loi sur cette matière. M. Odier dément en partie cette assertion.

M. Mauguin défend l'amendement et s'étonne de la susceptibilité de M. d'Argoul. Il déclare qu'il proposera une enquête sur les différentes primes. M. le ministre du commerce promet de présenter, dans huit jours, une loi sur l'objet en discussion.

D'après cette promesse, M. B, Delessert, qui avoit proposé de supprimer absolument les primes, retire son amendement. M. Havin le reprend. Il est rejeté après deux épreuves douteuses à la suite d'une discussion à laquelle prennent part MM. Roul, de La Roche, de Mosbourg, Ch. Dupin, de Saint-Cricq, B. Delessert, Raynard et les ministres des finances et du commerce.

On procède au scrutin sur l'ensemble de la loi des douzièmes provisoires, et elle passe à la majorité de 2 45 contre 117.

Le 10, la séance s'est bornée à la lecture d'un rapport de M. J. Lefèvre, sur la proposition de M. Demarcay, relative au mode d'examen du budget. La commission propose de la modifier ainsi : une seule commission de 36 membres, nommés 4 par bureaux, seroit chargée de l'examen de la loi des comptes, de celle des dépenses et de celle des recettes de l'Etat. Elle se diviseroit en autant de sections qu'elle jugeroit convenable, lesquelles nommeroient chacune un rapporteur.

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COURS DES EFFETS PUBLICS. Bourse du 10 décembre 1832.

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Trois pour 100, jouissance du 22 juin, ouvert à 68 fr. ooc., et fermé à 68 kr. 20 c. Cinq pour 100, jouissance du 22 sept., ouvert à 98 fr. 05 c., et fermé à 18 fr. 05 c. Actions de la Banque.

1690 fr. 00 c.

IMPRIMERIE D'AD. LE CLERE ET COMP.

JEUDI 13 DÉCEMBRE 1832.

(N° 2036.)

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Récit de ce qui est arrivé à M. l'Archevêque de Paris de la révolution de juillet.

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Nous continuons à extraire d'un nouvel ouvrage ce q relatif à M. l'Archevêque. Cet ouvrage a pour titre: Chro de juillet 1830, par M. Rozet, 1832, 2 vol. in-8°. Ce nous citons aujourd'hui, comme ce que nous avons donne BRINE dans notre précédent numéro, est tiré du chap. XII, second volume. Ces détails n'avoient pas encore été publiés, et paroissent fort authentiques.

Pendant les journées de juillet, M. l'Archevêque étoit à sa maison de Conflans, où il passoit l'été. Le samedi 24, il s'étoit rendu à Neuilly, pour donner la confirmation au duc de Nemours et à la princesse Clémentine. Le lundi 26, il vint à Paris pour présider son conseil, et ayant vu les ordonnances dans le Moniteur, il dit à ses grands-vicaires : Tout cela est bon sur le papier, mais tenons bien nos tétes. Il retourna le soir à Conflans, et y resta les jours suivans. Le mercredi, on porta à l'Hôtel-Dieu environ 500 blessés. Les porteurs parloient fort mal de M. l'Archevêque; ils disoient que c'étoit un scélérat, qu'il faisoit tirer sur le peuple, qu'il falloit le tuer, et qu'on alloit le chercher partout. M. Caillard, médecin sédentaire à l'Hôtel-Dieu, et qui étoit le médecin et l'ami de M. l'Archevêque, entendant ces propos, résolut d'aller à Conflans prévenir le prélat. Il partit seul à pied le jeudi matin, et gagna le quai de la Rapée. Hors de la barrière, il trouva des bandes qui alloient et venoient; cependant il parvint à Conflans à l'heure du déjeuner, rapporta à M. l'Archevêque ce qu'il avoit entendu, et lui annonça qu'il falloit se sauver au plus vite. Le prélat ne pouvoit croire au danger; M. Caillard insista, et ajouta qu'il falloit se déguiser. Le maire de Charenton arriva, et donna le même conseil.

Mais où aller? M. l'Archevêque ne vouloit pas quitter son diocèse. M. Caillard offrit de le cacher à l'Hôtel-Dieu. Le prélat consentità partir, mais il déclara qu'il n'abandonneroit point M. l'abbé Desjardins, qui lui avoit rendu de grands services, et qui avoit été un père pour lui. Je le sauverai avec moi, dit-il, ou je mourrai avec lui. On lui représenta cependant que M. Desjardins ne couroit aucun danger, qu'on ne parloit point de lui, et qu'il étoit plus difficile d'en sauver deux qu'un. M. Desjardins prioit aussi M. l'Archevêque de ne pas s'occuper de lui. Le prélat persévéra à

Tome LXXIV. L'Ami de la Religion.

T

ne se point séparer de son ami. Ils partirent ensemble en calèche, et prirent le chemin de Paris par le nouveau pont sur la Seine, à la barrière de la Gare. Arrivés à la Verrerie, ils furent entourés par une troupe d'hommes armés, qui ouvrirent la portière et croisèrent la baïonnette sur la poitrine de M. l'Archevêque et de son grand-vicaire. Le prélat dit qu'il vouloit aller à l'Hôtel-de-Ville, et, après un colloque fort, animé, un individu referma brusquement la portière, en disant: Allez au diable, si vous voulez. Il y a toute apparence qu'il y avoit dans cette brusquerie une intention bienveillante.

Toutefois M. l'Archevêque, voyant de tous côtés des rassemblemens, comprit qu'il n'y avoit pas moyen de gagner l'Hôtel-Dieu. Il se détourna du côté de la Salpêtrière. La porte de cet hospice étoit fermée. Le prélat s'adressa à l'officier du poste, et dit qui il étoit, qu'il vouloit aller à l'Hôtel-Dieu, mais que le chemin n'étant pas libre, il souhaitoit entrer à la Salpêtrière. L'officier fit ouvrir la porte, et peu après, le poste fut désarmé par le peuple. M. l'Archevêque fut reçu par l'aumônier dans son logement. Tout le monde le reconnut; les femmes venoient se jeter à ses pieds et lui demander sa bénédiction. Il étoit clair que le prélat ne pourroit rester long-temps dans cet asile; on savoit qu'il y étoit, et un jeune homme avoit menacé d'y aller le tuer. M. Serres, médecin de la Pitié, consentit à le recevoir. Le soir, entre 9 et 10 heures, il se rendit à la Salpêtrière avec M. Caillard, son ami, et engagè rent M. l'Archevêque à les suivre. Les aumôniers de la maison insistoient pour que le prélat restât, et les pauvres qui remplissoient les cours se pressoient sur ses pas. Il avoit pris l'habit de M. Serres, qui lui donnoit le bras, et M. Caillard conduisoit M. l'abbé Desjardins. Comme on connoissoit M. Serres dans ce quartier, on le laissa passer.

L'évènement prouva qu'on avoit eu raison de ne pas laisser M. l'Archevêque à la Salpêtrière: 200 hommes étoient en embuscade pour investir la Salpêtrière le lendemain de grand matin, ce qu'ils firent en effet à quatre heures; ils vouloient absolument se saisir du prélat. Il y est, disoient-ils; nous le savons, on l'a vu entrer, voilà sa voiture. On convint qu'il y étoit venu; mais on assura qu'il n'y étoit plus, et on ajouta qu'un médecin de l'HôtelDieu l'avoit emmené. La bande se saisit de sa voiture, qui fut conduite à l'Hôtel-de-Ville. Le bruit se répandit done que M. l'Archevêque étoit à l'Hôtel-Dieu, et deux élèves internes de cette maison vinrent avertir M. Caillard qu'on vouloit faire une visite domicilaire chez lui. Ils le prioient de leur confier M. l'Archevêque, promettant de le bien cacher; en effet, on n'auroit pas été le

chercher là.

Le prélat passa trois jours chez M. Serres, et y fut traité avec

les égards dus à son caractère et à sa position. M. Lisfranc, médecin, aussi très-libéral, partagea les soins de M. Serres. Ce fut à la Pitié que M. l'Archevêque apprit par les journaux, que lui, ainsi que les chanoines, avoient fait tirer sur le peuple, et que l'Archevêché avoit été dévasté. Après son départ de Conflans, une troupe venant d'Alfort, et ayant avec elle des élèves de l'Ecole vétérinaire, s'y étoit présentée pour prendre M. l'Archevêque, et le conduire à Vincennes; ils comptoient se faire rendre la place, en menaçant de le fusiller si on ne leur ouvroit les portes de la forteresse. Ne l'ayant pas trouvé, ils commirent des désordres dans la maison, burent le vin, forcèrent des armoires et des bureaux, et emportèrent un télescope et un portefeuille. Différens objets furent portés à l'Hôtel-de-Ville; le portefeuille y fut visité, et on lut les lettres. M. de Lafayette fit plus tard, à la prière de M. de Quelen, d'inutiles efforts pour lui faire rendre le portefeuille. Après le départ des gens d'Alfort, le maire de Conflaus fit mettre les scellés dans la maison du prélat, afin de conserver le mobilier. Les scellés furent levés au bout de trois semaines, sur la demande de M. l'Archevêque.

On avoit déposé les effets de M. l'Archevêque dans une pièce de l'Hôtel-de-Ville, à côté de ceux qui avoient été pris à M. le cardinal de Rohan, arrêté dans sa voiture à Vaugirard. La barrette et la calotte du cardinal se trouvèrent ainsi mêlées à ce qui appartetenoit à M. de Quelen, ce qui fit dire que celui-ci étoit cardinal in petto, et qu'il en avoit déjà les insignes. Ce bruit n'avoit aucun foudement; M. l'archevêque ne pouvoit être cardinal, puisqu'il n'avoit pas été présenté par la cour. On avoit pris aussi son pallium. Quelques jours après, il envoya M. l'abbé Quentin, chanoine, à l'Hôtel-de-Ville, pour réclamer ce qui lui appartenoit, tant à l'Archevêché qu'à Conflans.

Bientôt on apprit que le séjour du prélat, chez M. Serres, n'étoit point un secret, et on résolut de le faire passer chez les religieuses de l'hospice, en perçant une cloison qui sépare leur logement de celui de M. Serres. Cette opération se fit la nuit, trèssecrètement. On reboucha le trou, et on plaça une armoire devant; les religieuses cachèrent le prélat et M. Desjardins dans un cabinet étroit, humide et froid, avec une cruche d'eau et une bouteille de vin ils y passèrent la nuit. Ce nouvel asile étoit trop près du premier pour offrir quelque sécurité; il n'étoit bon que pour donner le temps d'en chercher un autre. Le samedi 30, M. Caillard, pensant qu'on n'avoit plus de soupçons contre lui, résolut d'emmener M. l'Archevêque à l'Hôtel-Dieu.

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Le soir, il se promenoit avec M. Serres sur la place de la Pitié, attendant le moment de faire évader le prisonnier. Ils voient arriver M. Geoffroy-St-Hilaire, professeur au Jardin des Plantes, qui,

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ne

tout seul, parloit et gesticuloit avec feu. Qu'avez-vous? lui direntils; vous paroissez furieux. Oui, je le suis. Croiriez-vous que je viens d'entendre des gens qui disoient tranquillement : On dit que l'Archevêque est caché dans Paris; on a tort de le recevoir, c'est une téte qu'il faut rouler au peuple pour l'empêcher d'en demander d'autres.... Peut-on entendre cela de sang-froid? Eh bien! moi, je suis pas dévot, je ne connois pas l'Archevéque; mais je le cacherois chez moi s'il se présentoit: oui, je le cacherois. Pai votre affaire, dit M. Caillard en lui prenant le bras. L'Archevêque a logé deux jours chez M. Serres, mais il n'y est plus en sûreté; réfléchisJe ne m'en dédis sez : voulez-vous le prendre chez vous? le-champ, les deux médecins firent sortir le prélat par une porte de derrière; et M. Geoffroy ayant fait ouvrir la porte de la grille au coin de la rue de Buffon, ils entrèrent tous par là, traversèrent le jardin au clair de la lune, et arrivèrent chez M. Geoffroy par la petite porte de son jardin. M. Desjardins resta à la Pitié, où il ne couroit plus aucun danger, et le lendemain il se rendit chez les Dames de St-Michel dont il est le supérieur, et où le vénérable ecclésiastique reçut tous les soins que réclamoient son âge et sa position.

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Mais M. l'Archevêque étant chez M. Geoffroy, il s'agissoit d'empêcher qu'on ne le sût. Le professeur n'avoit pas eu le temps de prévenir sa femme; il l'alla chercher, et l'amena sans la prévenir. Dès que madame Geoffroy fut entrée, elle s'écria en joignant les mains, et toute immobile de surprise: Ah! mon Dieu! Monseigneur l'Archevéque! Puis avec cette bonté généreuse qui est surtout l'apanage des femmes, elle ajouta vivement: Je comprends ce que c'est. C'est moi qui servirai Monseigneur; j'entrerai seule dans sa chambre, et je réponds du secret. Le prélat resta près de quinze jours dans cette maison, où il fut comblé des soins les plus délicats et les plus respectueux. Il passoit ses soirées à faire de la charpie pour les blessés avec la famille Geoffroy; ensuite il souhaita rejoindre son ami, M. Desjardins, chez les Dames de St-Michel..

Il étoit chez M. Geoffroy, lorsque, le 2 août, la duchesse d'Orléans vint à l'Hôtel-Dieu visiter les blessés de Juillet. Pendant qu'elle parcouroit les salles, M. Caillard prit la liberté de lui glisserdans la main un petit billet sur lequel il avoit écrit: La duchesse d'Orléans est suppliée d'accorder une sauve-garde à l'Archevêque de Paris, dont les jours sont en danger. La princesse le lut, et fit signe à M. Caillard de ne rien dire. Avant de partir, elle le fit appeler pour lui demander l'adresse du prélat. Le docteur ne se crut pas autorisé à nommer M. Geoffroy-St-Hilaire, et donna l'adresse de M. Serres. Dans la journée, un agent de police vint l'inviter à se rendre chez le préfet. Celui-ci lui dit qu'il n'avoit pas indiqué la véritable demeure de M. l'Archevêque, qui n'étoit point chez

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