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la célébration du service divin dans ce nouveau sanctuaire. Arriva la funeste journée du 4 septembre 1831, dont les désastres ont retenti dans les journaux. A la suite des inondations extraordinaires qui désolèrent le canton de Vaud et d'autres pays circonvoisins, le terrain qui supportoit l'église subit un mouvement; ce mouvement détermina, sur plusieurs points de l'édifice, de larges lézardes, qui descendoient du sommet à la base, et indiquoient un violent effort du sol vers un ruisseau situé à quelques toises au dessous des constructions. Une catastrophe aussi imprévue, aussi atterrante, plongea les catholiques dans la douleur la plus profonde, et cette juste douleur, nous avons le plaisir de déclarer qu'elle fut partagée par nos frères séparés, dont la touchante sympathie nous a, dans cette affreuse circonstance, vivement émus. Toutefois, personne ne croyoit encore le désastre irrémédiable; chacun se flattoit, au contraire, de triompher du terrain de nouveaux moyens. Vain espoir ! Une commission d'architectes, nommée pour examiner les avaries et y remédier s'il étoit possible, déclara positivement que force étoit de discontinuer les travaux; qu'on ne pouvoit garantir la solidité de l'édifice sur un sol aussi mouvant, que d'ailleurs les frais de réparations seroient très-considérables; bref, qu'il y avoit prudence, économie même à construire sur un nouveau terrain. Ces experts consignèrent leurs observations dans un rapport motivé qui finissoit ainsi : « On tenteroit en vain à s'y opposer (à la ruine » de l'église) par des ouvrages qui ne pourroient être adaptés que » d'une manière incertaine à l'effort auquel ils devroient résister, » et dont la dépense sercit d'ailleurs hors de toute proportion avec » l'avantage de conserver un bâtiment qu'il faudroit, dans tous les » cas, démolir en partie. Les soussignés n'hésitent point, d'après » ces considérations, à déclarer que le moyen le plus économique, » et même le seul praticable, d'utiliser, au moins en partie, les dé» penses faites jusqu'à présent pour la construction de l'église catholique, est d'en transporter avec soin les matériaux dans une » nouvelle localité, etc. »

»

» Ce rapport circonstancié des experts justifie pleinement l'architecte et l'entrepreneur, puisqu'il atteste que tous deux ont pris, pour assurer le succès de la construction, toutes les précautions de l'art et toutes les mesures de la prudence. Environnée de ces documens, l'administration a vu, dans le malheur qui pèse si douloureusement sur elle, la présence de l'axiome de droit vis major (force majeure). Elle éprouve le besoin d'exposer ici toute sa pensée. Ne voulant pas s'enfoncer dans le labyrinthe de la chicane, amie de la paix, fidèle à l'esprit de charité qui doit caractériser tous ses actes, et s'inspirant de la sagesse éprouvée de son chef spirituel, elle s'est applaudie et s'applaudira toujours d'avoir adopté la généreuse résolution de passer sur quelques textes encore très-contestables de la jurisprudence civile, pour s'élever aux con

sidérations plus imposantes de l'éternelle équité. Ces pertes, elle les a vivement ressenties; mais, pour les réparer, elle s'est confiée à l'inépuisable bonté de la Providence. Dans cette affaire, elle a la conscience d'avoir suivi la droite voie de la charité catholique.

» Pour cette importante entreprise, l'administration a acquis un nouveau local, convenablement situé, qui offre un presbytère et un bâtiment pour les écoles. Les travaux sont commencés; M. le curé a bénit la première pierre au mois d'août dernier, et depuis, on a travaillé avec activité.

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Catholiques, vous avez déjà entendu notre voix ; vous l'entendrez encore. Du milieu de nos ruines, nous poussons un cri d'espérance; votre active charité, nous n'en doutons pas, répondra comme naguère à notre appel. Les besoins de la paroisse de Lausanne, plus grands, plus multipliés que jamais, seront compris de vous et pesés à la balance du sanctuaire; nos efforts, notre persévérance, notre témérité peut-être, vous les justifierez, quand vous songerez quelle lâcheté eût été la nôtre, si nous eussions désespéré d'une si haute entreprise, désespéré de vous, désespéré de notre Dieu. A la vue de tant de dépenses, l'administration reculeroit épouvantéé, si elle n'envisageoit cette carrière pénible des yeux de la foi, si elle ne se rassuroit à l'idée que les âmes pieuses qui ne regardent comme de vrais biens que ceux qui, par les œuvres de piété et de charité, vont et conduisent au ciel, s'empresseront de la seconder. Résolue à tout faire pour Dieu, l'administration catholique de Lausanne a la douce confiance que Dieu fera tout pour elle, parce qu'elle ne respire que la gloire de son saint nom.

>> Les offrandes en faveur de cette œuvre seront adressées à M. l'évêque de Lausanne et Genève, résidant à Fribourg, en Suisse, ou à M. REIDHAAR, curé-président de l'administration catholique à Lausanne, ou à tout autre quêteur dûment autorisé par M. l'évêque ou par l'administration. >>

» Lausanne, le 4 juin 1831.

L'Administration de la paroisse catholique de Lausanne, Silvain REIDHAAR, curé-présid., F. Dépierre, J.-C. COMBETTE, J. NEGRE, M. DÉPIERRE, J.-J. PAILLET, G. BLANC, secrétaire.

PIERRE-TOBIE, évêque de Lausanne et Genève, etc.

» Nous attestons l'exacte vérité de l'exposé ci-dessus dans tout son contenu, et recommandons l'œuvre éminemment chrétienne qui en est l'objet à tous ceux qui le liront, suppliant le souverain Rémunérateur de les récompenser au centuple, ici-bas et dans le ciel, des dons de leur charité.

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Nous n'avons rien à ajouter à cet appel en faveur d'une église si pauvre et si malheureuse. Nous ne doutons pas que

la voix des catholiques de Lausanne ne soit encore entendue, et que leurs frères en France ne soient sensibles à un désastre si déplorable. On a vu qu'un ecclésiastique de Suisse étoit venu pour recommander cette bonne œuvre; il est muni des pouvoirs de M. l'évêque de Lausanne, résidant à Fribourg, et des recommandations de plusieurs prélats. M. de Progin, qui est curé de Sales dans le canton de Fribourg, et qui est bien connu en France, où il fait son séminaire, et où il est venu en 1829, recueillera les dons de la charité. Il espère que MM. les secrétaires des évêchés voudront bien recevoir les offrandes qui leur seroient adressées pour cet objet. On pourroit aussi les transmettre au bureau de notre journal, ou à M. Rusand, à Lyon.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Il faudra désormais que les curés prennent bien garde à eux dans leurs recommandations au prône, ou dans les oraisons qu'ils diront à la messe. Ils croiroient peut-être qu'il leur est permis de prier ou d'engager à prier pour les veuves, pour les orphelins, pour les captifs, pour les vieillards, etc. Point du tout, tout cela est fort suspect, tout cela est punissable. Mais d'après quelle loi? Cette question paroîtroit peut-être aussi fort suspecte à certaines autorités. Voici ce qui s'est passé récemment dans ce genre. M. St-Rémi, curé de Surène, près Paris, pria, un dimanche du mois de novembre, pour une veuve; il fut dénoncé aussitôt par des patriotes zélés du lieu, qui certifièrent qu'ils avoient entendu le curé prier publiquement pour Madame la duchesse de Berri. M. le sous-préfet de StDenis prit feu sur un tel scandale et accourut à Surène pour réprimer ce commencement de complot. Il manda M. le curé à la mairie et lui adressa les questions les plus singulières. Quelles sont les intentions de vos messes depuis six mois ? N'avez-vous pas prié publiquement pour une veuve qui ne peut être que la duchesse de Berry? Quels sont les orphelins et les captifs pour lesquels vous priez au próne? A cet étrange interrogatoire, M. le curé répondit que si on avoit des griefs à articuler contre lui, on pouvoit s'adresser à M. l'archevêque de Paris auquel il rendroit compte de sa conduite, et que l'autorité éclairciroit ses doutes par cette voie qui étoit à la fois la plus naturelle et la plus régulière. M. le sous-préfet fut trèsmécontent de cette réponse, il fit une espèce d'enquête dans la commune, il entendit entre autres les chantres, qui ne savent pas le latin, mais qui n'en certifièrent pas moins que le curé avoit récité une prière pour la duchesse. Sur un témoignage si grave et sur des preuves si péremptoires, le sous-préfet adressa au ministre des cultes un rapport défavorable au curé. Le ministre prit un ar

rété qui supprimoit le traitement du curé, attendu qu'il avoit prié pour une veuve. Il me semble que pour rendre l'équité de la mesure plus palpable, le ministre auroit pu ajouter, attendu qu'il n'y a pas dans le monde d'autre veuve què la duchesse de Berry. Il faut avouer que cet arrêté est en parfaite harmonie avec l'interrogatoire. Ainsi on frappe arbitrairement trans autre forme de procès un ecclésiastique qu'on avoit vu pendant le choléra s'empresser à rendre à ses paroissiens tous les secours spirituels et corporels. Ces services sont oubliés aujourd'hui parce qu'il a invité à prier pour une veuve, et, comme les exemples venus de haut-lieu frappent davantage et sont plus souvent imités, le conseil de fabrique de Surène a voulu surpasser le zèle du sous-préfet. Il a décidé qu'on demanderoit un prêtre à Châtel. M. Saint-Rémi, qui se confie à la Providence, ne se laisse point décourager par ces tracasseries; il continue à exercer son ministère comme il l'avoit fait jusqu'à ce jour. Il faut espérer qu'après cela on ne lui reprochera pas du moins d'être intéressé.

MM. les élèves du grand séminaire de Tours nous adressent la lettre suivante, que nous insérons suivant leur désir, et pour faire connoître un prélat à qui le saint Siége vient de confier une mission importante:

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Monsieur, vous avez annoncé dans un de vos derniers numéros le sacre de M. l'évêque de Babylone, prêtre de la maison de Picpus, et professeur de théo❤ logie au grand séminaire de Tours. La lecture de votre article a renouvelé notre douleur, en nous rappelant la perte que nous avions faite. Vous en avez dit assez, il est vrai, pour la modestie du prélat, mais non pour l'attachement que nous lui portons. C'est pourquoi nous nous permettons de vous adresser cette lettre, que nous vous prions d'insérer dans votre journal.

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M. Bonamie méritoit, à bien des titres, d'être élevé à la dignité de prince de l'Eglise. Au zèle le mieux entendu, à la piété la plus tendre, à l'humilité la plus profonde, il unit les talens les plus distingués. Objets de sa sollicitude et de sa charité, nous avons pu admirer ses qualités, et nous aimous à lui rendre ce témoignage. Il nous aimoit, nous le savons; il peut savoir aussi combien il étoit aimé de nous rien ne le prouve comme la tristesse qui couvrit tous les visages, lorsqu'on nous annonça le jour de son départ. En lui faisant nos derniers adieux, Lous confondimes ensemble nos larmes, et, n'espérant plus de nous revoir sur la terre, nous nous promîmes de nous revoir dans le ciel. Puissent ces lignes, tracées par la reconnoissance, arriver jusqu'à lui! Puisse-t-il les relire encore, assis sur les ruines de l'ancienne Babylone, et prier le ciel de bénir ses enfans dont il est séparé! Nous ne demandons pas autre chose,

Tours, 8 novembre 1832. >>

Le 29 octobre dernier, M. le curé de Gramond, département de la Loire, reçut une lettre pleine d'injures et de provoca

tions. On l'accusoit d'avoir outrageusement apostrophe, au confessionnal, une femme, sœur de celui qui écrivoit la lettre, et on lui envoyoit un cartel en règle, lui laissant le choix du lieu et du jour du combat, mais le prévenant que les deux champions devoient tirer leurs pistolets chargés. Le curé n'avoit qu'un moyen d'échapper à cette provocation, c'étoit de quitter sa paroisse dans le délai de trois mois; sans cela, sa perte étoit jurée.” Evitez-moi, lui disoit-on, la cruelle honte de me conduire en vil assassin envers vous. On ne sauroit expliquer une telle lettre que par un accès de folie. Celui à qui on l'impute est un homme de loi de St-Chamond, qui autorise lui-même à penser ainsi, puisqu'il dit que, depuis six semaines, il vit dans une irritation cérébrale des mieux déterminées. Ce qui lui a monté la tête est une absurdité, puisqu'il est constant que sa sœur ne s'est jamais présentée au confessionnal du curé de Gramond. Le journal auquel nous empruntons le fait nomme l'auteur de la lettre; mais il est probable qu'il y aura quelque réclamation : ce doit être l'avis de M. Point fils.

Un journal irlandais contient une notice sur le docteur Patrice Curtis, archevêque d'Armagh et primat d'Irlande, dont nous avons déjà annoncé la mort no 1987. Ce prélat étoit né en 1746 à Stamullen, paroisse du comté de Meath, il descendoit d'une ancienne famille du pays et reçut sa première éducation à l'école de Stamullen où, sous l'empire des lois pénales alors en vigueur, un de ces maîtres, répandus à cette époque en Irlande, préparoit en secret des jeunes gens pour l'état ecclésiastique. Le jeune Curtis alla ensuite en Espagne et acheva ses études dans un college irlandais, où il reçut les ordres. Dans la guerre d'Amérique, il fut placé comme aumônier sur un bâtiment de guerre espagnol en station dans l'Amérique méridionale. Au retour de ce bâtiment, il quitta la marine et devint président du collége irlandais et professeur de théologie à Salamanque. Dans cette place, qu'il occupa près de quarante ans, il eut successivement sous lui plusieurs jeunes gens, qui sont devenus depuis des membres distingués du clergé catholique d'Irlande, entr'autres 4 qui sont parvenus ensuite à l'épiscopat. Pendant la guerre de Buonaparte, on vit le docteur empressé à se servir de son influence pour soutenir la légitimité, et, après la bataille de Salamanque, il pourvut, autant qu'il étoit en lui, aux besoins de ses compatriotes dans un pays épuisé par une guerre meurtrière. En 1819, le siége d'Armagh étant devenu vacant, les évêques d'Irlande réunis, désignèrent unanimement le docteur Curtis pour cette place éminente, et le saint Siége approuva ce choix. Le docteur Curtis étoit alors à Paris en congé, et ne savoit rien de ce qu'avoient fait ses amis. Ce fut par M. Murray, archevêque de Dublin, qu'il apprit sa promotion. Ce prélat lui remit ses` bulles et eut besoin d'adresse pour déterminer son compatriote à accepter cette dignité. Le docteur Curtis étoit au nombre des cha

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