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moyens qu'ils emploient pour arriver à ce qu'ils convoitent. La morale est donc pour eux chose peu coûteuse, et qui n'exige pas de sacrifices. Il n'en est pas de même de la religion, qui leur pèse parce qu'elle impose des privations; et voilà quoi tant d'hommes, dans une certaine position, ont trouvé tout à la fois très-commode et très-facile de s'en débarrasser, en se faisant pour leur usage un système de morale à leur gré. Mais il n'en est pas ainsi du peuple; quand il s'agit de lui imposer cette morale, qui lui coûte à lui parce qu'elle le contraint, on sent et l'on proclame volontiers le besoin d'y trouver une sanction dans la religion seulement, toute religion est bonne, pourvu qu'elle atteigne le but qu'on se propose. On se garde bien surtout d'insister sur celle dont tous les devoirs sont obligatoires, et le sont également pour tous, ou du moins on en retranche à son gré tout ce qu'on ne juge pas nécessaire. Une religion qui enseigne à être honnête homme dans le même sens qu'on l'est soi-même, indépendamment de la religion, c'est tout ce qu'il faut. Malheureusement ce système de la plupart des gens du monde n'est pas moins impuissant que la philosophie toute seule pour enchainer le peuple à ses devoirs, et le christianisme ne se laisse pas ainsi mutiler selon les caprices ou les intérêts des hommes. Une fois que certains devoirs de la religion peuvent passer pour indifférens, la religion qui les impose est bientôt regardée de même; et alors, comment espérer qu'elle puisse, à l'égard du peuple, servir de fondement aux autres, et leur donner une force qu'on n'ose pas attendre de la philosophie?

M. Cousin sent aussi bien que nous le vice d'un pareil système, et la nécessité pour le gouvernement de se montrer religieux d'abord, s'il veut rendre le peuple moral et religieux. Mais comment l'essayer ou même en faire la proposition, sans exciter le soulèvement, les clameurs et la risée des factions? Or, c'est là ce que l'on craint par-dessus tout ; et je conçois qu'un gouvernement les juge redoutables, quand il est né au milieu d'elles, qu'il les a trouvées déchainées, et n'a pu venir à bout de s'en rendre maître. Mais alors qu'on ne se fasse pas illusion sur le résultat des lumières qu'on cherche à répandre, et surtout qu'on n'accuse pas le clergé de s'opposer à leurs progrès, parce qu'il a souvent l'occasion d'en gémir. M. Cousin a trouvé sur sa route la Bible de Luther et d'autres ouvrages analogues entre les mains d'une population luthérienne; on trouveroit peut

être parmi nous le même livre, et sûrement des ouvrages philosophiques mis entre les mains d'une population catholique par ceux-là mêmes qui demandent le plus hautement qu'elle soit éclairée. Là, le progrès des lumières favorise le progrès de la religion; ici, au contraire, il y fait obstacle. Qui oseroit demander sérieusement que le clergé vint s'associer lui-même à un mouvement si évidemment hostile? Laissez-lui, je ne dirai pas le choix, mais l'inspection des livres qui seront à l'usage du peuple; chargez-vous de mettre, comme en Allemagne, le peuple lui-même à l'abri de la séduction qu'on doit craindre naturellement de tant de journaux de spectacles, d'ouvrages où Ja religion et les mœurs sont tournées en ridicule et outragées de toutes manières; vous jugerez alors s'il déteste le progrès des véritables lumières. Mais tant que le peuple ne pourra devenir éclairé qu'au détriment de ses mœurs et de ses croyances, ne vous plaignez pas si le clergé refuse son concours, et n'exigez pas de lui qu'il voie sans douleur, et même avec satisfaction, que chaque villageois pourra bientôt venir, un livre à la main, contredire ses instructions, et se moquer en philosophe de la religion et de ses ministres.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

F. L.

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PARIS. Le 22 octobre dernier, M. l'archevêque-administrateur du diocèse de Lyon fut reçu à Saint-Martin-d'en-Haut, avec de grands témoignages de joie. Le clergé et les autorités civiles lui présentèrent à l'envi les sentimens de respect qui règnent chez un peuple religieux pour le premier pasteur. Le prélat exprima avec quel plaisir il avoit revu une croix de mission, la première qu'il eût plantée dans le diocèse. Il a voulu voir le qui reste de ces zélés catholiques qui, dans le temps de la terreur, sacrifièrent leurs biens et exposèrent leur vie pour secourir les prêtres de leurs cantons et empêcher par là la foi de s'y perdre. M. l'archevêque distingua particulièrement Benoit Clavel et sa pieuse femme qui, le 8 février 1793, recurent chez eux le premier missionnaire envoyé dans la paroisse, M. Claude Animé, prêtre de Saint-Sulpice, dont le zèle fit tant de bien dans ce pays. Le prélat se fit raconter les peines et les dangers de ces estimables habitans. Le lendemain, il donna la confirmation à 800 personnes, et le soir il se rendit à Saint-Symphorien-le-Château, où la plus brillante réception lui fut faite. Le clergé, les autorités civiles, la garde nationale, le peuple, c'étoit à qui lui témoigneroit plus d'empressement et de respect. Le 24, le prélat donna la confirmation, et le soir la paroisse de Larajasse, qui se félicite d'avoir eu pour curé

le pieux M. Ribier, dont nous avons parlé, a reçu M. l'archevêque, qui y a donné la confirmation. Ces bons et fervens chrétiens étoient transportés de joie. Des retraites de dix jours avoient précédé la confirmation dans ces paroisses. On y avoit montré, pour se rendre aux instructions, le même zèle que pendant les missions. Plus des deux tiers de la population se sont approchés des sacremens. Il y a eu douze cents communians à Saint-Martin.

Trois paroisses du canton de Clisson, diocèse de Nantes, viennent d'être témoins coup sur coup d'insultes et de profanations qui ont retenti au cœur de tous les catholiques. Dans la nuit du 13 au 14 octobre dernier, deux croix ont été renversées dans la paroisse de Sainte-Lumine de Clisson; deux autres l'ont été également dans la paroisse de Gorges, voisine de la première. Dans la même paroisse, les bras d'une troisième croix avoient été renversés par le vent dans un hameau, on les a trouvés brulés; est-ce aussi le vent qui y a mis le feu? Enfin, deux croix plantées à Saint-Hilaire-desBois ont été mutilées dans la nuit du 20 au 21 du même mois. Un journal de Nantes, l'Ami de la Charte, attribue ce dernier sacrilége aux brigands carlistes; ce qui est en effet très-vraisemblable. Ce sont les carlistes qui ont renversé ou mutilé ces croix, comme ce sont eux qui ont dévasté Saint-Germain-l'Auxerrois, l'archevêché de Paris et la maison de Montrouge. Il y a pourtant dans le canton de Clisson des troupes stationnées, qui sont soupçonnées d'avoir eu plus de part à ces insultes que les carlistes. Il faut croire que c'est à l'insu des chefs que ces attentats ont été commis; car, outre le crime d'insultes aux signes de la religion, il est bien maladroit et bien impolitique de blesser et d'aigrir une population catholique par de tels actes. Ajouter aux vexations locales ces outrages contre ce qu'elle révère le plus : c'est la frapper dans ce qu'elle a de plus sensible, c'est l'aliéner de plus en plus, c'est éterniser dans ce malheureux pays les dissensions et les haines.

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Après la révolution de juillet, dans l'esprit de vertige qui égaroit les têtes, les habitans de Saint-Jean-d'Angely crurent faire merveille de fermer leur petit séminaire. Qu'avons-nous besoin, disoit-on, de cette école de jésuitisme qui n'est propre qu'à étouffer les lumières? Il vaut bien mieux avoir un college soutenu par la ville et où l'éducation soit à la hauteur du siècle. Il est clair que des prêtres sont nécessairement des obscurans et qu'il faut aujourd'hui à la jeunesse des maîtres dégagés de préjugés et dignes de l'époque. Le college s'ouvrit sous la protection de la ville. Les nouvelles autorités firent les choses grandement; elles doublèrent l'allocation faite précédemment au petit séminaire. Tout s'annonçoit sous les plus brillans auspices. Mais il arriva un malheur, c'est qu'il ne se présenta au college que le dixième des sujets qui étoient précédemment au petit séminaire. On se dit, pour se consoler, qu'on

seroit plus heureux l'année suivante. La rentrée vient d'avoir lieu, elle est encore plus désolante. Il s'y est trouvé un peu plus de maîtres que d'élèves. Comment pourvoiera-t-on à la dépense? Qui remplira les vides de la caisse? La ville donnoit autrefois 1000 écus au petit séminaire, et, pour cette somme, ses externes y étoient reçus, et cet établissement attiroit à Saint-Jean-d'Angely des enfans et des parens qui y jetoient annuellement de l'argent. Tout cela. s'est évanoui. La confiance des parens se reporte vers d'autres établissemens. Voilà ce que la ville a gagné à un changement que les libéraux du pays célébroient comme une ère fortunée de régénération politique et morale.

M. E. Br. nous écrit de Lam. le 26 octobre faire pour nous part d'un fait qui est un nouvel exemple de la bienveillance que certaines gens portent au clergé :

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Monsieur, un ecclésiastique pieux, instruit, modeste et inoffensif s'il en fut, M. Gr., curé de C. dans ce diocèse (Amiens), pasteur uniquement occupé de son pacifique ministère, vient de rencontrer un autre Tournier, qui l'a dénoncé au procureur du Roi de son ressort, comme correspondant avec les chouans de la Vendée. Je ne sais s'il est possible d'imaginer une imputation plus absurde, et l'on cherche quel pourroit en être le but. Ce but, faut-il le demander ? C'est sans doute pour recommander de plus en plus le clergé catholique à la bienveillance du gouvernement, qui s'est déjà montré si favorablement disposé à son égard, comme chacun sait. C'est peut-être aussi afin d'économiser l'énorme traitement d'un curé de village, qui grève horriblement le trésor. Enfin, c'est pour apprendre à tous ceux que le Constitutionnel n'auroit pu encore persuader que le clergé sera toujours l'ennemi des lumières, du bien public et de la civilisation progressive, de celle dudit Constitutionnel s'entend, et que notre magnanime révolution ne sauroit en finir trop tôt avec notre clergé ignorant et rétrograde. Toutefois, il est permis de croire qu'un gouvernement qui aspire à la gloire d'être libéral, ou qui même a le simple instinct de sa conservation, ne doit pas laisser outrager les ministres d'une religion qui a apporté dans le monde une morale sublime, qui a répandu tant de bienfaits parmi les hommes, et qui aujourd'hui encore sauve une ingrate société des périls où la poussent sans cesse nos passions, nos erreurs et nos folies.

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NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Les journaux qui sont chargés de soutenir la politique du gouvernement insistent particulièrement sur un point qui doit un peu chagriner les héros de juillet ils disent que son titre à la confiance générale est d'être pur de toute propagande révolutionnaire. Si cela est vrai, c'est effectivement une chose qui lui fait honneur, et dont il faut lui savoir gré. Mais, dans ce cas, les auteurs et les partisans de la révolution de juillet n'y doivent pas trouver leur compte ; car, si c'est un mérite que de ne pas la propager, et de savoir en préserver les

autres, que penser de la valeur du présent qui nous en a été fait, à nous, et que l'on veut absolument nous faire trouver bon et avantageux? Quoi! vous avez la naïveté de venir nous dire que c'est un présent qu'on n'ose offrir à personne, et que votre principal soin est de le détourner des pays auxquels vous cherchez à inspirer de la confiance ! Vous avouez que votre meilleur titre de recommandation auprès des étrangers est de pouvoir les rassurer contre la propagation du principe qui vous a créés, qui vous rend fiers et glorieux! En vérité, vous n'y pensez pas, et vous risquez de nous faire faire là-dessus des réflexions à désenchanter tout le monde. On va dire que les hommes de propagande révolutionnaire sont moins inconséquens que vous dans leur manière d'envisager les choses; car ils 'agissent du moins comme des gens qui croient toujours avoir fait une excellente affaire, et qui, dans cette idée, ne veulent pas être heureux tout seuls. Au lieu que vous, en continuant d'être enchantés de votre glorieuse révolution et du bonheur qu'elle vous a procuré, vous tenez cependant beaucoup à ce que l'on ne vous suppose pas l'intention d'apprendre votre secret aux autres. Tout bien considéré donc, il y a dans votre fait quelque chose qui n'est pas clair.

Le comte de Ponthieu (Charles X) est passé le 24 octobre à Zittau; Sa Majesté étoit accompagnée de M. le duc d'Angoulème et de MM. les ducs de Blacas et de Polignac. Le prince Maximilien de Saxe, qui s'étoit rendu à Zittau avec le marquis Piatti, grand-maître de la cour, a reçu les augustes voyageurs à leur arrivée dans la ville, et les a conduits à l'hôtel du Soleil-d'Or, où le corps des officiers de la garnison étoit réuni, et où une garde d'honneur a été placée. Les princes ont continué le même jour leur route par Gabel. Le prince Maximilien les a reconduits jusqu'à leur voiture; et, après leur départ, il est retourné à Dresde. Sur toute leur route, ils sont accueillis avec les plus grands honneurs par les autorités civiles et militaires.

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Une ordonnance du 1er novembre accorde un secours de 500 fr. pour 1832 à 401 individus qui ont justifié de leur coopération active à la prise de la Bastille. Il sera présenté une loi dans la prochaine session, pour la continuation de ces secours et leur conversion en rente viagère.

M. Molard est nommé sous-préfet à Saint-Etienne, en remplacement de M. Teissier, qui passe à la préfecture de l'Aude.

- M. Foucher, membre de la chambre des notaires de Paris, est nommé membre du conseil-général des hospices, en remplacement de M. le comte Chaptal,

décédé.

- M. Beaudouin, chef de la première section de la division centrale des contributions directes au ministère des finances, est nommé directeur des contributions directes du département de la Seine, en remplacement de M. Gérard, décédé.

– M. Gran de St-Vincent, chef de bataillon de la 5o légion de la garde nationale, est nommé à la direction de la manufacture royale des tapisseries de Beauvais.

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