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Ici la relation semble indiquer une sorte de discussion entre le pape et le narrateur. Le pape auroit demandé si, après tant de variations, on pouvoit espérer que le nouveau gouvernement établi en France seroit plus solide que les autres, et s'il ne dégénereroit pas en république. S. S. auroit encore déclaré qu'elle ne pouvoit prendre seule un parti dans une affaire qui touchoit de si près aux intérêts politiques de tous les souverains, et qu'elle avoit besoin de s'entendre avec eux. Comment veut-on, ajouta le saint Père, que j'engage le clergé, non-seulement à prêter le serment à la Charte, mais aux lois et aux lois à faire, sans savoir si ces lois ne sont pas contraires à la religion. Enfin Pie VIII paroissoit incliné à garder le silence, et à attendre, pour se décider, la tournure que prendroient les événemens. L'envoyé répondit comme il le put à ces objections, et représenta la nécessité d'une décision qui dissipât toutes les incertitudes. Il fit valoir les efforts de Grégoire qui se remuoit, disoit-on, pour ressusciter son église constitutionnelle. La discussion, au rapport de M. Caillard, étoit très-animée, et il avoue que, de son côté, il y mit trop de chaleur et de véhémence. Il en fit ses excuses au saint Père, qui lui témoigna constamment une extrême bonté, et lui promit de le recevoir encore.

En sortant de chez S. S., le voyageur se rendit chez M. le cardinal Albani, secrétaire d'Etat, qui lui parut dans les dispositions les plus favorables. Rentré chez lui, il jugea nécessaire de rédiger un mémoire sur l'objet de sa mission. Dans ce mémoire, il disoit que sa mission n'avoit aucun caractère diplomatique, et qu'il étoit envoyé par M. l'Archevêque seul. Il présentoit l'état des partis en France, tel qu'il le concevoit, et insistoit sur la nécessité d'une décision qui indiquât à M. l'Àrchevêque et au clergé la marche à suivre. Ce mémoire est imprimé à la suite de la relation. L'auteur le fit parvenir directement au pape, et, en attendant que l'on eût pu l'examiner et y répondre, il crut pouvoir s'absenter pendant quelques jours, et partit pour Naples, en annonçant son retour au bout d'une semaine. Il paroît cependant qu'on ne l'avoit pas compris ; car, quand il revint, Ms Sala lui fit des reproches sur son absence, et lui dit qu'on l'avoit cherché dans Rome pendant trois jours, et qu'on avoit fini par le croire parti. M. Anatole de Montesquiou, qui avoit pendant cet intervalle passé par Rome en

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revenant de Naples, avoit reçu la dépêche par laquelle le saint Père reconnoissoit Louis-Philippe.

Dès le lendemain du retour de M. Caillard, il fut admis chez S. S., qui le reçut avec beaucoup de bienveillance, et lui remit un bref en réponse à M. l'Archevêque. L'auguste pontife parla de la France avec beaucoup d'intérêt, et témoigna un vif désir d'y maintenir la paix par les moyens de douceur. Il voulut bien s'entretenir familièrement avec le voyageur, et lui dit qu'il engageoit M. l'Archevêque à prêter le serment; mais qu'en même temps il lui conseilloit de donner sa démission de la pairie, sur ce motif que, dans l'état des choses, sa pairie ne pouvoit être d'aucune utilité, ni pour la religion, ni pour luimême. Mon opinion, ajouta le pape, est que le clergé ne doit en rien se mêler de la politique (1). Le saint Père congédia ensuite l'envoyé, et lui fit remettre un beau chapelet et des médailles. M. Caillard passa ensuite chez le cardinal secrétaire d'Etat, qui lui montra également beaucoup de bienveillance. Il reprit ensuite la route de la France, mais ne revint qu'à petites journées, exprès, dit-il, pour laisser écouler le terme prescrit pour la déchéance de la pairie, et éviter à M. l'Archevêque des sollicitations embarrassantes.

A la suite de la relation et du mémoire se trouve le bref à M. l'Archevêque; il étoit daté du 29 septembre. Nous avons donné la substance de ce bref dans notre no 1718, 2 décembre

(1) Après ces paroles du saint Père, la relation suppose que le Pape ajouta immédiatement : C'est dans cet esprit que je n'ai pas voulu recevoir sur mon territoire les évêques français qui vouloient s'y réfugier. Nous craignons beaucoup que l'auteur de la relation n'ait pas bien compris ce que lui disoit le Pape; et la relation même nous autorise à le penser, puisqu'elle rapporte ces mots du Pape à M. Caillard: M. le docteur, nous ne nous entendons pas, je parle mal le français. Ne pas vouloir recevoir les évêques français qui se réfugieroient dans l'Etat pontifical eût été un acte peu paternel et peu digne de la bonté d'un Pape tel que Pie VIII. Quoi! un évêque poursuivi dans son diocèse par des furieux n'auroit pu se réfugier dans l'Etat romain! En l'admettant, le Pape ne démentoit nullement son principe que le clergé ne doit point se mêler de la politique. Il faut avouer même qu'il n'y a aucune relation entre ces deux choses. Au surplus, nous avons mieux que des raisonnemens à opposer à la résolution qu'on prête ici au Pape : c'est que quatre prélats, qui avoient été obligés de sortir de France après la révolution, ont été successivement reçus à Rome, et y sont même restés assez long-temps.

1830, et nous croyons inutile d'en parler plus au long. Nous n'avons voulu, dans tout ce qui précède, que faire connoitre à nos lecteurs les principales circonstances de la relation publiée dans la Chronique de juillet.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. L'assemblée de charité, annoncée à Saint-Roch pour les orphelins, a eu lieu le vendredi 28, jour des Saints-Innocens, M. l'archevêque a prêché. C'est la première fois depuis deux ans et demi que le prélat paroissoit dans une assemblée de charité, et c'est la première fois aussi depuis le même temps qu'on le voyoit en chaire. Le désir de l'entendre avoit attiré une affluence extraordinaire, L'église étoit pleine, non point de curieux, encore moins de gens disposés à faire du bruit, mais de fidèles empressés d'entendre la parole de Dieu et de concourir à une bonne œuvre. Tout s'est passé fort tranquillement. On a lieu de croire que la quête a dû ètre fort abondante. Nous reviendrons sur cette réunion de charité. Le mardi 25, jour de Noël, M. l'archevêque avoit officié matin et soir à Notre-Dame; tout s'y étoit aussi fort bien passé.

Une œuvre établie en 1817 et qui depuis quinze ans avoit rendu à la société de signalés services et qui avoit retiré bien de pauvres enfans des dangers de la misère et du vice, vient de tomber par suite des circonstances; nous voulons parler de la maison de refuge pour les jeunes prisonniers, établie rue Saint-Etiennedes-Grés. Cette institution étoit due à la prévoyance éclairée de quelques magistrats, témoins journaliers des désordres où l'oisiveté et les mauvais exemples entraînent un grand nombre d'enfans. Des personnes charitables les secondèrent par leurs largesses. Un jeune et pieux ecclésiastique, M. l'abbé Arnoux, dirigea l'entreprise avec une maturité au-dessus de son âge. La maison recevoit tous les ans un certain nombre d'enfans choisis dans les prisons parmi ceux qui offroient le plus de garantic par leur bonne conduite. On leur apprenoit quelque métier, on leur donnoit le goût du travail, on leur inculquoit surtout l'amour et la pratique de la religion, et avec elle et par elle des habitudes et des sentimens honnêtes. Une heureuse expérience avoit justifié l'espérance des fondateurs. Beaucoup d'enfans étoient sortis de là tout changés et avoient persévéré dans le bien. Mais cet amendement étoit dû à la religion, dès lors la maison tomba dans la disgrâce d'un certain parti. Certains journaux en firent l'objet de leurs plaisanteries. Que pouvoit-on attendre d'un établissement dirigé par des Frères des écoles chrétienes? On n'omit donc rien pour le décréditer. Il étoit passé en usage qu'aux assises on fit des quêtes parmi les jurés pour la maison du refuge. Les journaux excitèrent les jurés à porter leurs largesses à des institutions conçues dans un autre esprit.

Toutefois, le refuge de la rue Saint-Etienne-des-Grés se soutint. Le conseil général du département lui accordoit chaque année un subside et le ministère de l'intérieur y en ajoutoit un autre. Mais peu à peu ces dons ont été ou diminués ou retirés. En dernier lieu, le conseil général a, dit-on, refusé toute allocation. De plus, on a interdit aux administrateurs de l'OEuvre l'entrée dans les prisons, ce qui leur ôtoit le moyen de voir les enfans, de leur suggérer de bonnes dispositions et de choisir ceux qui montroient quelques inclinations pour la vertu. Par ces deux mesures, on sapoit la maison par sa base, on l'empêchoit de se recruter, et, de quarante enfans qu'elle avoit à l'époque de la révolution, elle étoit réduite à six. Il a donc fallu la dissoudre, ce qui a eu lieu au mois d'octobre dernier. Aujourd'hui il n'y a plus personne, et cet asyle, si propice à tant de pauvres enfans, d'où il en sortoit tous les ans pour rentrer dans la société et y exercer diverses professions utiles, cet asyle où ils aimoient à revenir de temps en temps pour visiter leurs bienfaiteurs et s'entretenir dans leurs bons sentimens, cet asyle est impitoyablement fermé; le mobilier en est dispersé, la chapelle, les salles, les cours, tout est muet et silencieux. C'est encore une victoire qu'a remporté le génie du mal, c'est un nouveau bienfait de l'esprit d'impiété. Combien la génération qui s'élève leur en doit de reconnoissance!

Différens objets avoient disparu de l'église de Passy, près Paris, et on ne savoit à qui l'imputer. Enfin, un vol fait au mois de juillet dernier au presbytère de Passy mit sur la voie. On prit une somme assez forte à M. Gary, vicaire de la paroisse, qui la dessert provisoirement depuis le départ du curé, M. Delaplariche, forcé de s'enfuir en juillet 1830. Les soupçons tombèrent sur un domestique nommé Dufournel, et en effet, on trouva chez lui du linge d'église, des ornemens, des aubes, des livres et des tableaux de piété. Une perquisition faite chez un de ses amis fit découvrir d'autres objets appartenant aussi à l'église de Passy. Dufournel, accusé de vol domestique avec effraction, a été traduit aux assises, déclaré coupable par le jury et condamné à cinq ans de réclusion. Son ami a été acquitté. Du reste, ce n'est point pour les vols faits à l'église que Dufournel a été condamné, c'est pour le vol du presbytère. Les vols d'église ont beaucoup perdu de leur gravité depuis les dévastations de Saint-Germain-l'Auxerrois, et un journal, qui a rendu compte de l'affaire de Passy, montre assez par le ton de son récit qu'il attache peu d'importance à la soustraction de quelques ornemens d'église, d'aubes et de soutanes. Ce sont là des gentillesses aux yeux de ceux qui trouvent de l'héroïsme dans le pillage de l'archevêché et dans le saccagement d'une église.

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On croyoit que le temps des visites domiciliaires devoit être passé à Nantes. Nous avons parlé de celles qui ont été faites cet été

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dans plusieurs communautés. Cette mesure s'expliquoit par le désir de trouver Madame la duchesse de Berri. Mais aujourd'hui, quel est le prétexte de ces recherches rigoureuses et des vexations qui les accompagnent? On n'a point, ce semble, d'illustre personnage à prendre. Quoi qu'il en soit, les trois séminaires de Nantes, le grand, le petit et la maison des philosophes, ont été occupés militairement pendant trois jours; les jeunes gens ont été expulsés de ces établissemens, sans savoir où ils pourroient trouver un asyle. Ceux du petit séminaire étoient allés à leur maison de campagne, mais cette maison, qui ne sert que pour les promenades, n'offroit ni vivres ni lits. Les jeunes gens sont revenus en ville où les bons habitans se sont offerts pour les recueillir. D'autres ne sachant devenir, sont retournés chez leurs parens, au risque d'être arrêtés dans un pays où il ne fait pas bon voyager sans passeport. Quelques-uns sont restés à la maison de retraite avec les élèves du grand séminaire; M. l'évêque s'y est transporté, pour voir si on avoit pourvu à leurs besoins. Pendant ce temps on faisoit les perquisitions les plus sévères dans les trois séminaires qui étoient occupés par les troupes. Personne ne pouvoit entrer ni sortir; ce n'est que le 21 au soir que les soldats ont évacué les lieux et sont rentrés dans leurs casernes. Les séminaristes sont retournés chacun dans. leur asyle; il est à croire qu'ils y ont trouvé quelque désordre. Cependant on dit, et nous le croyons sans peine, que toutes les recherches ont été infructueuses. L'autorité expliquera peut-être le but de ces mesures extraordinaires qui tiennent en alarme toute une ville, et qui molestent et fatiguent de bons jeunes gens, étrangers à la politique par leur âge, comme par la vie qu'ils mènent. A peine rentrés dans leur domicile, les élèves du grand séminaire et ceux du séminaire des philosophes ont rédigé une lettre adressée à leur supérieur pour lui témoigner leur douleur de leur séparation momentanée, et faire éclater leur reconnoissance pour les personnes charitables qui leur ont offert l'hospitalité. Ils sont touchés surtout du vif intérêt que leur a montré M. l'évêque de Nantes qui les a visités et a pourvu à leurs besoins. Cette lettre est datée de Nantes le 21 décembre au soir, et elle a été envoyée au Rénovateur de Nantes par M. l'abbé Morel, supérieur du grand séminaire, et M. l'abbé de Courson, supérieur des philosophes. Ces MM. joignent leurs remerciemens à ceux de leurs élèves. A l'occasion de l'occupation du séminaire, M. Prévost, commissaire de police à Nantes, prétend que dans le compte que le Rénovateur a rendu de cette affaire, il y a trois mensonges, mensonge à dire qu'on avoit empêché de porter du pain et des vivres à la maison de campagne du petit séminaire, et mensonge à dire que rien ne pouvoit entrer ni sortir du séminaire. M. l'abbé Briand, économe du petit seminaire, declare au contraire que depuis la sortie des élèves jusqu'au jeudi soir, rien ne pouvoit ni entrer ni sortir et que le départ du

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