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de la duchesse; il lui a été répondu par le maréchal Soult que le service divin y étoit suffisamment assuré.

On remarque dans les harangues adressées au roi Louis-Philippe, à l'occasion du premier jour de l'an, une certaine intention de flatterie dont la magistrature elle-même n'est pas exempte. Qui croiroit que, dans un temps où la justice est si mélangée de passions politiques, de lois révolutionnaires et d'états de siége, personne n'ait songé à dire un mot sur la manière dont tout cela marche sous le gouvernement de la Charte-Vérité? Ceux qui ont porté la parole au nom du conseil-d'Etat, de la cour de cassation, de la cour royale et autres tribunaux, ont cru apparemment faire plus de plaisir au Roi-citoyen en lui parlant de son courage militaire et de celui de ses fils. On ne l'a entretenu que de guerre et de siéges; et, comme de raison, il est resté dans ses réponses, sur le terrain où tout le monde s'accordoit à le mettre. De sorte que nous ne saurons point cette année ce qu'il a pu nous souhaiter de justice pour nos étrennes. Il ne nous reste plus que la ressource d'en apprendre quelque chose par les harangues qui vont être maintenant prononcées sur la frontière, entre les chefs des corps militaires et LouisPhilippe. Comme la magistrature de Paris lui a beaucoup parlé de la guerre, it est possible que M. le maréchal Gérard lui parle de la justice, et alors nous apprendrons peut-être par la voie de l'armée du Nord, ce que nous espérions savoir des Tuileries par les discours du premier jour de l'an.

Voici un des journaux les plus dévoués à la révolution de juillet et à la branche cadette, qui s'en vient nous dire des vérités qu'on n'est pas habitué à entendre de sa part, et qui le feront probablement gronder par les écrivains irréligieux de son parti. En parlant du ministère des cultes qu'on promène continuellement de côté et d'autre, tantôt avec la justice, tantôt avec la police, tantôt avec les écoles d'enseignement mutuel, ce journal ajoute : « Quand Buonaparte vint à la tête des institutions de la France, il s'occupa de l'Eglise et des croyances. Il releva les autels dans la pensée de rétablir les mœurs; il vit les prêtres comme des professeurs de morale, et il en fit des fonctionnaires sacrés qui aidoient à la gloire de l'Etat par la consolation des familles.... Mais, depuis, quel abus n'a-t-on pas fait de ces attributions! On a passé du respect au mépris; on a lié l'autel aux hospices, aux écoles, aux tribunaux, et maintenant on l'attache à la police et anx théâtres. » Ces observations nous paroissent justes, et nous pensons également que la religion se trouveroit quelquefois dégradée en si mauvaise compagnie, si sa propre force ne la mettoit en état de résister à toutes les atteintes qui lui sont portées. Mais heureusement elle ne dépend ni des caprices, ni des dédains, ni du mauvais vouloir des gouvernemens. Son gouvernement, à elle, a subi toutes les épreuves du temps, et vu passer toutes les révolutions, sans que son principe de vie en ait été altéré. Sans doute il seroit à désirer que les hommes qui sont à la tète des affaires comprissent toujours le besoin qu'ils ont d'elle, et qu'au lieu d'affecter de lui vendre leur protection, ils préférassent dé se mettre sous la sienne. Mais quand cela n'arrive point, ce n'est pas elle qui en est la plus punie.

La prise de la citadelle d'Anvers a mis nos journaux révolutionnaires en appétit. Voilà qu'ils parlent déjà de pousser une pointe jusqu'en Russie, et d'envoyer M. le maréchal Maison à Saint-Pétersbourg, non pas en qualité d'ambassadeur, mais en qualité de général d'armée. L'entreprise nous a si bien réussi la première fois! En vérité, les héros de juillet sont d'une confiance étonnante dans leurs pavés. Leur marotte de barricades ne les quitte point; ils en sont encore là comme le premier jour, persuadés que cela peut les conduire au bout du monde. On a beau leur montrer leurs pauvres frères des barricades de Bruxelles, réduits maintenant à crier merci devant leurs vaincus, après avoir fait aussi des merveilles ; le triomphe des glorieuses journées leur est toujours présent, et rien ne les guérit de leur idée fixe. Belges, Italiens, Polonais, héros des 27, 28 et 29, comme ils disent sur les tables d'airain, tout est rentré en terre ou bridé court; mais n'importe, la cataracte est restée sur les yeux, et toutes les pauvres têtes demeurent frappées du coup de soleil de juillet, sans que rien y fasse.

Le gouvernement belge paroît sentir qu'il nous doit quelque chose en retour du dévoúment avec lequel nous l'avons servi. La première pensée qui lui est venue a été de nous envoyer le lion de Waterloo. Ceci est de l'enfantillage; le lion de Waterloo n'est point cause que Bonaparte a perdu la célèbre bataille de ce nom, et il ne peut y remédier en rien. En fait d'histoire, ce qui est écrit est écrit. Voilà pourquoi il est si ridicule de chercher à effacer la mémoire des événemens; de vouloir, par exemple, que le 21 janvier 93 soit comme non avenu, et que le monument expiatoire du erime de Louvel soit dédié aux héros de juillet. C'est un bonheur pour nous qu'il n'ait pas été donné suite à l'idée de nous offrir le lion de Waterloo en récompense de la prise de la citadelle d'Anvers; car nous l'aurions peut-être accepté, fêté, promené en triomphe dans les rues; et en cela nous n'aurions fait que raviver le souvenir du désastre qui nous pèse sur la mémoire. Ceux qui ont fait la proposition dont il s'agit dans la chambre des représentans de Bruxelles, ont cru sans doute nous faire une grande politesse; mais en réalité, ils ont chatouillé plus agréablement l'orgueil anglais que le nôtre; et le lion de Waterloo valoit beaucoup mieux pour nous, endormi que réveillé. On peut dire la même chose du meurtre de Louis XVI: il semble que tous les ans, il pèse un peu plus après la proposition de M. Portalis, qu'il ne pesoit auparavant. Les prisonniers du 30 avril, arrivés le 22 décembre à Montbrison, ont été reçus sur toute leur route avec les égards dus à leur position. Il étoit réservé à un journal ministériel, le Mercure ségusien, de faire un crime à M. de Villeneuve, maire de Bourg-Argental, de leur avoir offert à souper dans sa maison, et d'avoir permis au curé et à quelques autres personnes de les voir. Il semble, dit -cette feuille, que M. de Villeneuve se soit trouvé, dans cette circonstance, partagé entre ses sympathies et ses devoirs : ses devoirs ont cédé. Ainsi, reprend ici la Gazette du Midi, il est du devoir d'un maire de ne pas offrir à souper à des prisonniers qui arrivent à dix heures du soir dans une petite ville qui ne pouvoit leur offrir aucune ressource; il est de son devoir aussi de repousser ceux

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qui demandent à voir les prisonniers : c'est apparemment depuis le nouveau régime que cela est prescrit aux fonctionnaires. Autrefois, on croyoit qu'ils devoient concilier l'exécution des lois avec les égards dus aux citoyens, M. le maire de Bourg-Argental ignoroit encore que la dureté est une obligation pour un homme en place, et qu'il manque aux convenances quand il ne se montre pas farouche et impitoyable.

On a jugé à la mi-décembre, aux assises d'Agen, l'affaire du jeune Ninon, qui avoit assassiné M. le curé de Moncrabeau. Le délit étoit constant et les circonstances étoient horribles : nous les avons racontées, no 2,023. Le curé, M. Dumas, étoit mort le lendemain, en plaignant son meurtrier et en lui pardonnant. Antoine Ninon fut arrêté; il ne témoigna qu'un regret, c'étoit d'avoir manqué son oncle, son pistolet ayant raté. Il ne nia point le crime; il prétendoit que le curé et son oucle avoient voulu l'empoisonner : c'est là-dessus que l'avocat de l'assassin, M. Baze, a bâti son système de défense. Il a allégué que Ninon étoit dans un état de monomanie, et là-dessus le meurtrier a été absous par le jury. Voilà un arrêt bien tranquillisant pour les familles. Nous ne pouvons croire que le jury ait usé d'indulgence parce que la victime n'étoit qu'un prêtre. Il est plus probable qu'il aura été mu par le désir d'épargner une flétrissure à la famille. Quant à la question de monomanie, cette découverte qu'on a faite, depuis quelque temps, est très-commode pour les scélérats, mais elle est bien funeste pour la société. Si un homme a la monomanie du meurtre, c'est une raison de plus pour le condamner; car il recommencera, dès qu'il en trouvera l'occasion favorable. De plus, l'impunité enhardira d'autres à l'imiter. Dans le cas présent, le jury ayant simplement déclaré Ninon non coupable contre l'évidence du fait, ce jeune homme se trouve acquitté. Le laissera-t-on libre ? cela ne seroit pas rassurant pour le pays. L'emprisonnera-t-on ? ce seroit illégal. C'est une preuve, entre mille autres, que la stricte légalité est une chimère, et qu'il y a beaucoup de cas où l'on est obligé de s'en écarter; et, en effet, combien de fois le pouvoir a dérogé depuis deux ans au principe qu'il avoit proclamé avec tant de

confiance!

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A l'occasion du renouvellement de l'année, Louis-Philippe et sa famille out reçu, le 1** janvier, les félicitations des ministres, des maréchaux, des députations des deux chambres, du corps diplomatique, des cours et tribunaux, du conseil d'Etat, des autorités municipales, de l'Institut et des sociétés savantes, des consistoires, des officiers de la garde nationale et de la garnison. Dans les discours et les réponses, il a été question de la prise d'Anvers. En l'absence du nonce, c'est l'ambassadeur d'Autriche qui a porté la parole au nom du corps diplomatique. Il a dit que l'union qui existoit entre toutes les cours étoit un gage du maintien de la paix générale, ainsi que de la tranquillité intérieure de la France. M. Villemain, vice-président du conseil royal de l'instruction publique, a dit, dans son adresse, que l'instruction supérieure avoit repris tout son éclat, et que l'enseignement populaire s'étoit accru depuis quinze mois de 5,000 écoles nouvelles et de plus de 400,000 enfans.

La commission chargée de l'examen de la proposition de M. Bavoux, tendant à rétablir le divorce, est composée de MM. Bavoux, Poulle, Thil, Caumartin, Dufau, Odilon-Barrot, Aroux, de Schonen, Garnier-Pagès.

- M. Gillon, qui, dans la dernière session, avoit fait le rapport sur la loi d'organisation départementale, a été chargé du même soin par la nouvelle commission.

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Au second tour de scrutin, M. Legrand, conseiller d'Etat, directeur des ponts et chaussées, a été élu député à Mortain (Manche). Il a obtenu 94 voix. Le candidat de l'opposition, M. Chardel, en avoit 66.

M. Isambert, candidat de l'opposition, a été élu député à Luçon (Vendée),

à la majorité de 94 voix contre 68 obtenues par M. Laval.

Le collége électoral de Dôle (Jura) a élu député M. le général Bachelu. Il a réuni 93 suffrages. M. Dusillet en avoit 65.

Un des individus arrêtés dans les troubles de juin, le nommé Mitaine, dit Briochet, traduit le 3 janvier devaut la cour d'assises, a été acquitté. Cet individu s'est plaint d'avoir été retenu sept mois en prison.

M. le vicomte Sosthène de La Rochefoucault est cité pour lundi prochain devant la cour d'assises, comme auteur d'une brochure intitulée : Aujourd'hui, demain, et ce qu'il adviendra.

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Le tribunal de commerce a prononcé le 27 janvier par l'organe de son président, M. Aubé, le jugement dans la cause relative au drame de M. Victor Hugo, intitulé le Roi s'amuse, dont la représentation a été interdite pour immoralité par le ministre du commerce. Le tribunal s'est déclaré incompétent, attendu que, pour prononcer au fond, il faudroit apprécier le décret du 4 juin 1806, sur lequel s'est basé le ministre, et que, d'après la loi du 24 août 1790, toute appréciation des actes de l'autorité administrative est interdite aux tribunaux. M. Hugo a été condamné aux dépens. Cette décision a été écoutée en silence. Des précautions extraordinaires avoient d'ailleurs été prises pour empêcher l'encombrement fâcheux, et les seandaleuses manifestations qui avoient eu lieu le 19 décembre. On a remarqué que les avocats, ni même M. Hugo, ne s'étoient point rendus à l'audience.

M. Lavocat, lieutenant-colonel de la 12o légion de la garde nationale, avoit, bien que zélé patriote, procuré un faux passeport à M. de La Pommerie, poursuivi pour chouannerie, qui, sous la restauration, l'avoit soustrait à la proscription dont il étoit frappé. A raison de ce délit, il a été cité devant le tribunal correctionnel, ainsi que M. Carlier, chef de la police municipale, de l'entremise duquel il s'étoit servi pour obtenir ce passeport. Ce dernier ne s'est pas présenté; mais comme M. Lavocat a assumé toute la responsabilité de la faute, le tribunal n'a pas pensé qu'il y eût de suite à donner à l'action dirigée contre ce fouctioimaire. Quant à M. Lavocat, les juges ont eu égard aux sentimens qui l'avoient dirigé, et à la franchise qu'il a montrée dans cette affaire, et l'ont condamné seulement à 50 fr. d'amende.

C'est par erreur que quelques journaux ont annoncé que le conseil d'Etat, dans sa séance du 29 décembre, avoit rejeté le pourvoi des anciens sénateurs contre la décision du ministre des finances, qui refuse le paiement des arrérages de leurs pensions. Cette décision ne sera rendue que demain samedi.

- Il vient d'être adressé aux deux chambres, par un certain nombre d'habitans de la capitale, une pétition pour obtenir la réhabilitation des anciens ministres de Charles X et la mise en liberté des quatre qui sont détenus à Ham. Les pétitionnaires se fondent sur la conduite des ministres actuels, qui, impunément, au mois de juin dernier, ont mis Paris en état de siége, ont fait mitrailler les récalcitrans et créé des tribunaux extraordinaires, faits qui ont motivé la condamnation contre laquelle ils réclament.

On a remarqué que M. d'Argout devient à la fois ministre de la police et des cultes. Le Constitutionnel lui-même s'élève contre cette étrange association. C'est, dit-il, un singulier moyen de ramener le clergé, peu ami du gouvernement de juillet, et de se concilier les populations du Midi et de l'Ouest.

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MM. Fabricius, chargé d'affaires, et Thuret, consul - général de Hollande à Paris, ont ouvert une souscription en faveur des prisonniers hollandais. Les consuls de ce pays, dans les différentes villes de France, recevront les offrandes Madame la princesse de Lorraine Vaudemont, née Montmorency, de la branche aînée établie en Flandres, vient de mourir à Paris des suites d'une attaque d'apoplexie. Elle avoit sauvé M. de Vitrolles dans les cent jours, et contribué à l'évasion du général Lavalette sous la restauration.

M. Desheros, traduit à Nantes devant la cour d'assises, comme auteur d'une lettre interceptée par la police, a complétement prouvé que cet écrit n'étoit pas de lui. Deux experts écrivains ont assuré que ladite lettre n'avoit aucun rapport avec son écriture. M. Desheros a été acquitté. Il a fait ses réserves contre liauteur de la lettre, contre le juge d'instruction et contre le procureur du Roi.

· Plusieurs prévenus d'insurrection étoient traduits la semaine dernière devant la cour d'assises de Nantes. Les audiences des 27 et 28 avoient été consacrées à leur interrogatoire; mais, tout à coup, M. le procureur du Roi Demangeal a demandé le renvoi de la cause à une autre session, attendu qu'il venoit d'apprendre que le nom d'un juré avoit été écrit d'une manière illisible sur la liste de notification. Les prévenus ont en vain réclamé contre cette mesure subite, qui les obligeoit de paroitre devant un jury différent. Les juges ont accueilli les conclusious de M. Demangeat. L'audience a été levée au milieu d'une assez vive agitation. Les accusés présens se proposent de protester; ce sont MM. Laroche, Mornet-Dutemple, Reliquet, Etourneau et Chevalier. MM. de Charrette, ancien pair, Ed. de Kersabiec et 9 autres inculpés dans cette affaire, dite du Chêne, étoient absens.

Le doyen de la magistrature française, M. Sallé de Chou, ancien premier président de la cour de Bourges, et conseiller d'Etat en service extraordinaire, est mort le 29 décembre dernier dans ladite ville.

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