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M. Bedoch déclare que la commission, à la majorité de 6 voix sur 8, renonce à son amendement, pour se réunir au projet du gouvernement. M. Bérard reprend aussitôt cet amendement, qui est alors appuyé par M. Mauguin et combattu par M. Ch. Dupin. M. Thiers dit que le gouvernement desire qu'il y ait moins d'électeurs, afin que l'on ne descende pas aux dernières classes de la société, où l'on trouve de l'indifférence et de mauvaises passions. MM. Odilon-Barrot et Laurence réfutent ces doctrines si peu en harmonie avec la révolution de juillet.

L'amendement de la commission, repris par M. Bérard, est mis aux voix, et ses paragraphes, qui diffèrent peu du projet du gouvernement, sont adoptés successivement.

Nos journaux, dans leur sympathie pour la révolution de Pologne, insèrent de temps en temps des articles où ils déplorent la situation de ce malheureux pays, et l'oppression sous laquelle il gémit. Nous nous sommes abstenu de reproduire ces doléances que nous avions lieu de croire fort partiales et fort exagérées : elles partent des réfugiés polonais qui sont en France, et qui, passionnés pour leur révolution, sont intéressés à peindre des plus noires couleurs le régime sous lequel la Pologne se trouve en ce moment. Le ton seul de ces articles autorise à s'en défier. Le journal de Saint-Pétersbourg du 29 décembre contient la réponse suivante aux allégations du Journal du Commerce et de quelques autres feuilles :

«

Il est faux que la population pauvre des gouvernemens de Witebsk, de Mohilew, de Wilna, de Grodno, de Minsk, de Volhynie, de Fodolie, d'une partie de l'Ukraine et de la province de Bialistock, ait été déportée en Sibérie. L'insurrection a sans doute appauvri un grand nombre de familles dans plusieurs de ces provinces. Le gouvernement impérial ne cesse de réparer les désastres que la révolte a causés L'insurrection avoit enlevé les récoltes des cultivateurs; le gouvernement leur a fait distribuer des grains pour pourvoir à leur subsistance. L'insurrection avoit entraîné une multitude d'hommes faciles à égarer, les avoit arrachés à leurs familles pour les abandonner à la misère et les jeter dans l'exil, le gouvernement a rendu à leurs pays et à leurs familles tous ces infortunés; il a rappelé en masse les cultivateurs et les hommes de condition pauvre, dont l'ignorance faisoit pardonner l'erreur; ils sont retournés dans leurs foyers, rentrés dans l'obéissance. Le gouvernement sait qu'il peut compter désormais sur leur soumission, parce qu'ils n'ont point oublié les maux dont l'insurrection les a accablés.

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Il est faux que quarante mille familles polonaises, propriétaires de biens immeubles, aient été déportées sur la ligne du Caucase. Il n'est donné qu'à l'esprit de révolte, de rompre les liens les plus sacrés et de rendre étrangères à leur pays natal des familles entières. Le gouvernement impérial a la conscience d'avoir fait grâce à un grand nombre d'individus qui ont conspiré contre son autorité, mais il ne connoît aucune famille entière qu'il ait condamnée à la déportation et à l'exil. » Il est faux que la cathédrale de Wilna soit destinée à servir de magasin à

poudre, et que l'église des Saints-Pères, à Poniewiec, soit transformée en salle de mascarades.

» Enfin, il est faux que dans le seul diocèse de Wilna, ont ait changé 120 couvens catholiques en églises russes, et que des prêtres du rit grec aient remplacé ceux du rit latin.

>> Un certain nombre de couvens catholiques a été supprimé, il est vrai, en Russie Blanche et dans les provinces du Midi. Mais cette disposition, loin d'être un acte de persécution, comme on l'a faussement affirmé, n'a été qu'une simple mesure d'ordre, conforme aux réglemens canoniques, qui exigent qu'une communauté ne soit pas composée de moins de huit religieux. Or, plusieurs couvens étant réduits au point de ne plus compter que deux à trois moines, le gouvernement a fait intervenir l'autorité ecclésiastique du rit latin en Russie, pour réunir ces religieux à d'autres monastères du même ordre. Ceux des couvens, qui, par l'effet de cette mesure, ont cessé d'exister, ont été convertis en églises paroissiales du rit latin, ou bien destinés à des établissemens de bienfaisance et d'utilité publique, selon le besoin des populations environnantes.

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Les capitaux appartenant aux couvens supprimés ont été versés, tous sans exception, dans la caisse de secours, que le clergé catholique possède en Russie et qui sert tant à assister des ecclésiastiques infirmes, qu'à accroître les fonds des séminaires. Par cette mesure, le capital de cette caisse de secours, qui s'élevoit cette année à 350,000 roubles, vient d'être porté à 4,850,000 roubles. » C'est dans cet esprit de justice et de bienveillance, que sont conçues les dispositions du gouvernement, qu'on a cherché à présenter sous le jour le plus odieux. En rétablissant ainsi les faits dans leur exacte vérité, et en opposant un démenti formel aux calomnies publiées sur les actes de notre administration, nous avons uniquement eu pour objet de mettre les lecteurs de certaines feuilles étrangères en garde contre les informations mensongères qu'elles répandent sur le comple de la Russie. Nous avons cru satisfaire à cet égard à une obligation que nous imposoit l'intérêt de la vérité. Nous venons de remplir ce devoir une fois pour toules; mais notre intention n'est point de nous engager dans des discussions oiseuses avec ceux qui outragent la Russie sans la connoitre. Le silence que nous gardons, convient seul à la dignité de notre gouvernement: il méprise les haines qui ne sauroient l'atteindre.

Le Gérant, Adrien Le Clerc,

COURS DES EFFETS PUBLICS.

→ Bourse du 16 janvier 1833.

Trois pour 100, jouissance du 22 déc., ouvert à 72 fr. 45 c., et fermé à 72 fr. 95 c. Cinq pour 100, jouiss. du 22 sept., ouvert à 100 fr. 90 e., ct fermé à 101 fr. 25 c. Actions de la Banque.

1661 fr. 25 c.

IMPRIMERIE D'AD, LE CLERE ET COMP".

SAMEDI 19 JANVIER 1833.'

ROY

201

Notice sur M. Bertout, supérieur du séminaire
Saint-Esprit.

Il est peu d'hommes dont la vie ait été plus remple. celle de M. Bertout, et l'ardeur avec laquelle il travailla pendant vingt ans à ressusciter une œuvre utile à la religion seroit seule un titre qui recommanderoit sa mémoire. Nous avons recueilli quelques renseignemens sur cet homme de bien, dont la carrière a été si agitée et si honorable. Nous osons croire qu'ils offriront quelque intérêt à nos lecteurs.

Jacques-Madeleine Bertout naquit le 3 mai 1753, à Halenghem, diocèse de Boulogne. Il étoit neveu de M. Duflos, directeur, puis supérieur du séminaire du St-Esprit. Après ses premières études, il vint à Paris, et fit sa rhétorique au collége; mais il demeuroit au séminaire du Saint-Esprit, où son oncle avoit voulu le garder sous ses yeux. Le jeune Bertout entra ensuite comme élève à ce même séminaire, et y fit son cours de théologie. Cette maison avoit été formée en 1703, pour préparer à l'état ecclésiastique des jeunes gens peu aisés, mais qui donneroient des espérances par leur application et leur piété. Il en est sorti des ecclésiastiques laborieux et des missionnaires zélés, qui ont rempli avec succès différentes fonctions en France ou dans les pays étrangers. Après la suppression des Jésuites, le gouvernement proposa au supérieur du séminaire du Saint-Esprit de se charger d'envoyer des missionnaires dans quelques-unes de nos colonies. En effet, avant la révolution, c'étoit le séminaire du Saint-Esprit qui fournissoit des prêtres pour Cayenne et La Guyane, pour les établissemens français sur la côte d'Afrique et pour les îles de Saint-Pierre et Miquelon.

M. Bertout s'attacha à cette congrégation. Il fut ordonné prêtre à Boulogne le 24 mai 1777 par son évêque, le pieux et savant M. de Pressy. Il avoit voulu consulter ce prélat sur le penchant qui le portoit à se consacrer aux missions étrangères. M. de Pressy fut d'avis qu'il s'essayât d'abord dans les missions des colonies, sauf, si sa vocation continuoit, à passer ensuite dans les missions étrangères. En 1778, le jeune et zélé prêtre fut destiné pour la mission de Cayenne. Il alla s'embarquer au Hâvre avec un de ses confrères, M. de Glicourt. Ils mirent à la voile le 24 avril, sur un bâtiment de la compagnie d'Afrique qui devoit les conduire à Gorée, d'où ils se rendroient à Cayenne. Le commencement de la navigation fut assez heureux, mais le 20 mai, par le plus beau

Tome LXXIV. L'Ami de la Religion.

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temps, le navire toucha sur un banc de sable qui s'étend à plus de trente lieues à l'ouest du cap Blanc, sur les côtes d'Afrique. Le naufrage étoit inévitable et la mort paroissoit certaine. Les missionnaires se préparèrent à leur dernière heure, et cherchèrent à y préparer l'équipage. Cependant le navire étoit battu par les vagues. On fit un radeau sur lequel montèrent huit hommes, les deux missionnaires étoient du nombre; onze autres s'embarquèrent dans un petit canot, le reste périt. Ces deux frêles embarcations gagnèrent la terre, mais les pauvres naufragés tombèrent dans les mains des Maures, qui leur laissèrent la vie sauve, et qui, à cela près, les traitèrent fort mal. Les deux missionnaires eurent beaucoup à endurer pendant deux mois de la chaleur, du manque d'eau et de la fatigue. On les conduisit au Sénégal, où ils furent rachetés par le gouverneur anglais du fort. Là ils recurent des vêtemens, qui leur manquoient entièrement, et les habitans, qui étoient presque tous Français, cherchèrent à leur faire oublier leurs maux passés. Après quelques jours passés au Sénégal, où les deux missionnaires baptisèrent environ 200 personnes, et en marièrent et confessèrent quelques-unes, ils partirent sur un bâtiment anglais qui devoit les ramener en Europe; leur traversée fut de deux mois, et en arrivant dans la Manche, le bâtiment fut pris par un corsaire français qui le conduisit au Hâvre. Les missionnaires se retrouvèrent donc dans leur patrie, après environ 6 mois de captivité, de souffrances et de traverses. Ils obtinrent la liberté du capitaine qui les avoit bien traités. Nous tirons ces détails d'une relation de ce voyage rédigé par M. Bertout, et qui est pleine d'intérêt.

Le jeune missionnaire arriva à Paris le 26 septembre. Il y passa un mois pour se refaire un peu de tant de fatigues. Au bout de ce temps, on voulut le faire partir de nouveau pour Cayenne. Ce fut alors qu'il fut obligé de déclarer qu'il souffroit beaucoup d'un mal qui avoit commencé dans les déserts d'Afrique. Il croyoit que ce n'étoit que des hémorrhoïdes, mais les chirurgiens déclarèrent que c'étoit une fistule et il resta à Paris pour subir une opération qui réussit. M. de Glicourt partit avec un autre missionnaire dans une expédition qui alla s'emparer du Sénégal. Il ne fut plus question de voyage pour M. Bertout. Quelque temps après, le supérieur, M. Becquet, l'envoya professer la théologie au séminaire de Meaux, qui étoit dirigé par MM. du Saint-Esprit. A l'époque de la révolution, M. Bertout remplissoit les mêmes fonctions au séminaire de Paris. Son oncle, M. Duflos, étoit devenu supérieur à la mort de M. Becquet, en 1788. Bientôt le séminaire subit le sort

(*) Dominique de Glicourt étoit directeur au séminaire de Meaux, à l'époque de la révolution. Sous le Directoire, il fut déporté à l'île de Rhé, et fut supérieur du séminaire de Meaux après le concordat.

de tous les établissemens du même genre. Les maîtres et les élèves furent dispersés. M. Bertout se retira dans sa famille et trouva le moyen d'obtenir à Boulogne un passeport pour se rendre en Angleterre; c'étoit le 10 septembre 1792 et par conséquent à une des époques les plus terribles pour les prêtres. Il gagna cependant l'Angleterre sans accident. Il n'y resta pas long-temps oisif, et, ayant appris l'anglais, il sut se rendre utile pour l'exercice du ministère et desservit une congrégation. Nous croyons qu'il habita principalement le comté d'Yorck.

Son séjour en Angleterre fut de dix ans; le calme revenu en 1802 lui permit de revoir sa patrie. Il rejoignit son oncle, M. Duflos, qui, chose assez étonnante, étoit resté dans la maison du séminaire, rue des Postes. Peut-être l'avoit-on oublié ou avoit-on eu honte d'expulser un vieillard inoffensif. M. Duflos mourut en 1803 dans un âge avancé. M. Bertout se trouva naturellement lui succéder. Les autres directeurs du séminaire du Saint-Esprit étoient morts ou avoient pris d'autres emplois. Dès-lors son unique pensée fut de rétablir le séminaire. Les temps n'étoient pas favorables et il fallut tout son zèle, son activité et sa persévérance pour réussir dans son dessin. Un décret impérial du 23 mars 1805 rétablit le séminaire du Saint-Esprit, mais on ne put obtenir ni une maison ni des fonds. Seulement, le gouvernement demanda à M. Bertout quelques missionnaires pour les colonies. Deux prefets furent nommés pour Cayenne et la Martinique; mais faute de maison, les anciens membres du Saint-Esprit ne se réunirent point. Il restoit, outre M. Bertout, MM. Gondré, Boudot, Bourgin, Persanel, Maréchal, et, de plus, deux ou trois autres qui étoient aux Etats-Unis (*). M. Bertout ne voyant pas se réaliser les espérances qu'il avoit eues, d'être appuyé par le gouvernement, fit un arrangement avec les chefs d'un pensionnat établi à Paris et où il se flattoit de trouver des sujets pour les missions. Ce projet n'eut point le résultat qu'il s'en étoit promis; la protection de M. le cardinal Fesch ne put même surmonter les obstacles que présentoient les circonstances. Enfin, à la suite de ses brouilleries avec le Pape, Buonaparte, s'aigrissant de plus en plus, prit une marche rétrograde et renversa ce qu'il avoit para vouloir rétablir; en septembre 1809, il supprima les missionnaires du Saint-Esprit. M. Bertout cessa alors toute démarche en faveur de son séminaire. En 1814, il quitta MM. Bernard et Auger, et se retira aux MissionsEtrangères.

Le retour du roi lui rendit l'espérance et il fit de nouvelles tentatives pour le rétablissement de son séminaire. Le besoin qu'on

(*) M. l'abbé Boudot, archidiacre et graud-vicaire de Paris, est le seul qui reste des anciens directeurs.

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