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avoit de missionnaires pour les colonies plaidoit en sa faveur. Une ordonnance royale du 3 février 1816 rétablit la congrégation du Saint-Esprit. Le 2 avril, on lui accorda un secours annuel de 5,000 fr. En 1817, M. Bertout loua une maison rue Notre-Damedes-Champs et y ouvrit son séminaire. Il obtint de nouveaux fonds qui le mirent en état de recevoir un plus grand nombre de sujets. Un ministre surtout lui témoignoit beaucoup de bienveilJance; c'étoit M. Portal, ministre de la marine et des colonies, qui, bien que protestant, avoit compris combien il étoit de l'intérêt du gouvernement de favoriser la religion dans ces établissemens lointains. M. Bertout eut toujours beaucoup à se louer de ses rapports avec ce ministre. Sa grande ambition étoit de recouvrer le séminaire de la rue des Postes. Cette maison étoit le berceau de la congrégation, elle avoit été disposée pour servir de séminaire et avoit été beaucoup augmentée peu de temps avant la révolution. Mais il paroissoit difficile de l'obtenir. Cette maison avoit été aliénée et elle étoit occupée alors par l'école Normale. M. Bertout, dont le zèle ne reculoit devant aucun obstacle, entreprit de racheter son séminaire. Ce projet qui sembloit téméraire, il le réalisa à force de démarches, de persévérance et de sacrifices. Le ministère même le seconda, et c'étoit sous M. Decazes! La maison fut rachetée en 1819, en partie avec les fonds que M. Bertout s'étoit procurés, en partie avec ceux que lui fournirent les ministères de la marine et de l'intérieur. Mais comment enlever cette maison à l'école Normale? Comment espérer que cette école si protégée céderoit la place à un séminaire? Ce succès inespéré, M. Bertout l'obtint encore.

Le 5 décembre 1822, il rentra dans son séminaire qui venoit d'être évacué par l'école normale, récemment supprimée. Il avoit de plus racheté l'ancienne maison de campagne du séminaire à Gentilly. Ainsi le séminaire se trouvoit rétabli comme il étoit trente ans auparavant. Le sage supérieur comprit que, dans l'état actuel des choses, il étoit nécessaire d'étendre le plan des études et que le meilleur moyen de former des missionnaires étoit de les préparer de bonne heure à cette vocation. Il songea donc à élever un petit séminaire, et le roi l'y autorisa par une ordonnance du 20 août 1823. Cet établissement s'ouvrit au 1er octobre suivant dans le même local de la rue des Postes, et il a continué jusqu'à la révolution de juillet. M. Bertout s'adjoignit des maîtres capables de le seconder, il envoya de nouveaux missionnaires dans les colonies et, depuis 1817 jusqu'en 1832, il fit partir en tout 97 prêtres pour des îles et établissemens qui en manquoient. La Martinique en reçut 28; la Guadeloupe, 26; la Guyane et Cayenne, 12; le Séné~ gal et Gorée, 7; l'ile Bourbon, 19; la paroisse Française de Pondichéry, 2; et les îles de Saint-Pierre et Miquelon, 3. Ainsi, toutes ces colonies lui ont à cet égard de grandes obligations. Il y avoit

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dans ces colonies en 1830 environ 80 prêtres dont plus des trois quarts avoient été envoyés par M. Bertout. Il s'étoit mis pour cela en relation avec tous les diocèses, et n'épargnoit aucune démarche pour le succès de son œuvre.

Il jouissoit du succès de ses soins quand arriva la catastrophe de 1830. Alors le séminaire se dispersa, le gouvernement retira tous les fonds et la maison fut un an déserte. Cependant en 1831, le vénérable supérieur reçut un petit nombre de sujets, il pourvoyoit à la dépense par ses seules ressources et sans rien recevoir du gouvernement. L'année dernière, à l'approche du choléra, on lui demanda sa maison pour y placer des militaires atteints de la contagion; ce devoit être une succursale du Val-de-Grâce, mais il fut convenu que cette occupation ne seroit que momentanée, et le ministre en donna l'assurance formelle par une lettre signée de lui, et que l'on conserve. Toutefois, ce fléau passé, on continua d'envoyer dans la maison des militaires qui auroient pu aisément trouver place au Val-de-Grâce, et on manifesta l'intention de garder ce local. M. Bertout en conçut un vif chagrin; c'étoit détruire en un instaut ce qu'il n'avoit pu rétablir qu'avec tant de peine. Sa santé s'altéra, la goutte, dont les accès étoient devenus depuis quelques années plus longs et plus douloureux, se fixa sur les organes intérieurs, et rien n'en put amortir la violence. Le pieux vieillard montra dans cette crise pénible un calme inaltérable. Toujours occupé des pensées de la foi, il parloit à peine de ses douleurs. Jamais de plaintes, jamais de mouvement d'impatience, jamais même de nuages sur cette figure si ouverte et si franche. Il conserva jusqu'à la fin sa présence d'esprit et ces manières simples et affectueuses qui le rendoient si cher à ses amis. Il reçut plusieurs fois les sacremens avec de vifs sentimens de piété. Enfin, une dernière crise l'enleva dans la nuit du 9 au 10 décembre dernier, peu après minuit.

Peu d'hommes ont laissé des souvenirs plus tendres à ceux qui l'ont connu. Le cœur chez lui étoit excellent; un sens droit, un zèle pur, un attachement profond à l'œuvre à laquelle il s'étoit consacré, une constance incroyable à la faire revivré, tels sont les traits les plus saillans de son caractère. Toute sa vie avoit été dévouée à Dieu et au prochain, et cependant il sembloit trembler encore dans ses derniers jours à la vue du jugement redoutable tant l'humilité étoit fortement enracinée en lui.

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Ses obsèques ont eu lieu dans la chapelle même de son séminaire. M. l'abbé Boudot, grand-vicaire, ancien confrère et ami du défunt, officioit. M. le curé de Saint-Etienne, qui est la paroisse du séminaire, assistoit en étole à la cérémonie. Plusieurs ecclésiastiques et laïques étoient venus rendre les derniers devoirs à un homme qui leur étoit cher à tant de titres. Son corps a été porté au cimetière du Mont-Parnasse.

Espérons que la mort de ce digne supérieur ne nuira point a

l'établissement. Il le protégera sans doute encore d'en haut. On Jui a donné un successeur dans la personne de M. l'abbé Fourdinier, son parent et son ami, qui étoit depuis quinze ans associé à ses travaux et qui est animé des mêmes vues. M. Fourdinier se montrera digne d'un tel modèle et le gouvernement sentira qu'il est de son intérêt de favoriser un séminaire, non-seulement utile, mais nécessaire à nos colonies, et sans lequel elles manqueroient bientôt des secours spirituels. Il laissera les directeurs dans le local affecté à l'établissement, local qui lui convient à l'exclusion de tout autre, local que l'on a promis de rendre et dont on n'a nul besoin.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. On parloit moins de M. Chatel depuis quelque temps; il vient d'essayer de ramener l'attention sur son église, d'abord par le désaveu qu'il a fait publier sur son confrère Auzou, ensuite par l'annonce d'un service funèbre pour les comédiens auxquels l'Eglise a refusé des prières. Dans ce nombre, il compte Molière, Talma, mademoiselle Raucourt..., C'est assurément un grand zèle que d'aller faire un service pour Molière, mort il y a plus de 150 ans. Quant à Talma, le clergé ne lui a point refusé de prières; c'est lui qui n'en a point voulu. Il a demandé à être porté directement au cimetière, et d'autres comédiens ont depuis suivi cet exemple. Pourquoi donc aller contre leurs intentions? Pourquoi ne pas respecter les dernières volontés de Talma? Pourquoi lui donner le chagrin de prier pour lui à l'église, puisqu'il avoit si fort recommandé d'épargner cet affront à sa mémoire? C'est évidemment une avanie que lui fait Chatel. Entre comédiens, on devroit mettre plus de procédés.

C'étoit depuis long-temps l'ambition des Templiers, ou du moins des cordons bleus de l'ordre, d'avoir un temple et un culte à Paris. Ils avoient publié leur Levitikon, dont nous avons parlé; ils étoient bien aises d'étaler la magnificence de leurs costumes, et de nous faire admirer la pompe de leurs cérémonies. Ils ont donc loué une salle, Cour des Miracles, et on étoit occupé depuis quelque temps à la décorer convenablement. L'ouverture s'en est faite dimanche dernier avec beaucoup d'appareil; et, ce qui n'a pas peu surpris, des gardes municipaux maintenoient l'ordre à l'entour du temple. Peut-être avoit-on considéré cette réunion comme un spectacle, et en effet, c'est bien une comédie qui y a été jouée. Mais il n'en est pas moins bizarre de voir l'autorité prendre une telle farce sous sa protection, et les mêmes soldats peut-être qui ont expulsé Enfantin et Roch, qui dernièrement ont fermé l'église où Auzou s'étoit établi, prête main-forte à Fabré-Palaprat et au grand convent métropolitain. C'est une de ces contradictions dont notre siècle n'est point avare. Quoi qu'il en soit, la liturgie joannite, ressuscitée

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ou inventée par les modernes Templiers, a été célébrée le dimanche 13. Le temple étoit décoré de drapeaux tricolores et du portrait de Jacques Molay. On y voyoit un autel, une estrade et un trône. Les chevaliers étoient habillés comme pour jouer la tragédie au Théâtre-Français. Ils portoient des tuniques et des manteaux blancs, avec des croix rouges brodées, une toque de soie, des éperons et un sabre. Le grand-maître, qui est le médecin Fabré-Palaprat, est arrivé en grande pompe, a été complimenté, et a répondu avec dignité. Ce n'est point lui qui a officié, il a laissé ce soin à des lévites qui ont singé les cérémonies de la messe. On a apporté sur l'autel une croix, du pain et du vin. Tout s'est dit en français, excepté le Kyrie eleison. Il y avoit de la musique. Après l'évangile, un adepte, M. Barginet, le même qui a été connu sous la restauratiou par ses pamphlets et par ses procès, a prononcé un long discours sur l'histoire du Temple. On a parodié la consécration et la communion, et des gens qui affectent de se moquer de nos cérémonies n'ont pas craint de se prêter à ces momeries sacriléges, où d'ailleurs il n'y a pas moins de ridicule que d'impiété. En même temps on a publié une Notice sur l'ordre du Temple, laquelle est pleine de jactance. Comme ces peuples qui faisoient remonter leur origine à une antiquité fabuleuse, les Templiers se vantent d'une succession non interrompue de grands-maîtres, qui ne repose sur aucun monument connu. C'est à ces grands-maîtres, disent-ils hardiment, qu'a été transmise la succession de l'apótre Jean, et où est la preuve de cette transmission? où est la preuve que les Templiers professent seuls la sainte religion du Christ, la religion éternelle? Est-on obligé de les en croire sur parole, et parce que quelque charlatan aura rêvé cela, faut-il que le monde se prosterne devant des illusions dont ses amis eux-mêmes se moquent?

L'échauffourée de Clichy paroît terminée; elle n'étoit due, comme il arrive toujours, qu'à une très-petite minorité. La plus grande partie des habitans étoit déclarée contre Auzou, et celui-ci n'avoit guère pour partisans que des membres du conseil municipal et de la garde nationale. Mais, parmi ces derniers, plusieurs sans doute n'avoient pris aucune part à l'émeute, dont ils prévoyoient les conséquences. Il avoit fallu faire venir 200 hommes de troupes, qui restèrent à Clichy après le tumulte apaisé. On n'avoit pas convoqué la garde nationale, parce qu'on se méfioit de ses dispositions. Enfin, on s'est assuré qu'elle blâmoit les scènes du 9 janvier et des jours suivans; elle a été convoquée et passée en revue, le 14, par M. Mazère, sous-préfet de St-Denis, qui l'a haranguée, et a annoncé qu'elle releveroit les postes de la ligne si elle vouloit promettre de maintenir l'ordre et de faire respecter les lois. On l'a promis, et la troupe de ligne a en effet remis les postes. On espère que les désordres ne se renouvelleront plus. Cependant

des journaux ont prouvé doctement aux gens de Clichy qu'ils étoient dans leur droit. Un avocat, un député, est arrivé dernièment à leur secours. M. Isambert, le patron naturel des prêtres interdits, a déposé dans le Courrier français un long factum en faveur de l'église catholique française de Clichy. Sa grande raison est que les églises appartiennent aux communes; mais la loi organique du concordat, qui fait règle en cette matière, ne parle point des communes, mais seulement des évêques. Quand M. Isambert, qui est appelé à faire des lois, aura dans son omnipotence aboli celle de 1802, on verra ce qu'il y aura à faire; mais jusque-là cet ami de l'ordre légal devroit plaider pour l'observation d'une loi existante. Sa sollicitude pour les prêtres interdits va jusqu'à contester aux évêques le droit d'infliger cette peine, ce qui prouve qu'il ne connoît ni les canons, ni l'histoire de l'Eglise. Dans l'état actuel des choses, où l'autorité des évêques est déjà si restreinte, ils seroient sans force pour maintenir la discipline et réprimer les abus, s'ils ne pouvoient interdire les coupables: ce seroit mettre l'anarchie dans l'Eglise; est-ce à cela qu'on aspire?

Sur l'invitation de la cour royale d'Aix, M. l'archevêque de cette ville a fait imprimer le discours qu'il a prononcé le 13 novembre dernier à la messe du Saint-Esprit, pour la rentrée de la cour. C'est dans cette même circonstance que M. le procureurgénéral Borély, comme on l'a vu no 2030, prononça ce discours si étrange, et qui excita de si nombreuses réclamations. L'avanie qu'il fit aux autorités paroît plus choquante encore, quand on la rapproche du discours plein de mesure et de sagesse que la cour venoit d'entendre de la bouche de M. l'archevêque. Nous citerons un court fragment de ce discours :

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C'est entre les mains de Dieu que doit rester le dernier anneau de la chaîne qui unit les hommes; et malheur aux natious, si jamais pour leur châtiment Dieu la laissoit tomber toute entière en des mains foibles et mortelles! Vous vous faites un devoir, Messieurs, de rappeler à la pensée des peuples ce juge suprême de qui tout relève, et qui vous avertit par ses prophètes qu'un jour il jugera vos jugemens. Votre piété lui rend aujourd'hui un solennel hommage. Prêts à reprendre vos fonctions, prêts à entrer pour la première fois dans ce nouveau palais que la ville d'Aix, fière d'avoir enfin dans son enceinte un temple digne de la majesté des lois, comptera désormais avec complaisance parmi ses plus beaux monumens, où vou svenez puiser la justice aux pieds des autels où repose le Dieu qui en est la source. Toute une ville chrétienne, accourue à ce spectacle édifiant, le contemple avec autant d'attendrissement que de respect. Elle sait que de l'équité de vos jugemens dépendent en très-grande partie sa paix et son bonheur; car, quel bonheur, quelle paix peut-il y avoir sans justice? Ce n'est que lorsque les magistrats veillent que chacun, selon la naïve expression des livres saints, vit exempt de crainte, sous sa vigne et sous son figuier. »

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