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la contestation entre les chanoines réguliers et les Bénédictins ordonnoit que les livres de l'Imitation seroient dorénavant imprimés au nom d'à Kempis, et défendoit d'y mettre le nom de Gerson; jugement qui n'a pas empêché que plusieurs éditions ont paru depuis sous le nom de Gerson. Le manuscrit que Ghesquière a fait connoitre, et qui a appartenu depuis à M. Van Hultém, ne porte de date plus ancienne, avec désignation de nom, que dans une note ajoutée à la marge; et le manuscrit de Louvain, cité par Desbillons d'après Rosweyde, est anonyme et sans date.

M.Gence ne nous reprochera certainement pas d'avoir ici affoib'i ses argumens contre à Kempis; car nous avons le plus souvent cité ses propres paroles, tirées, soit de ses Nouvelles Considérations, soit de ses articles dans la Biographie universelle. Nous ne devons pas dissimuler néanmoins que à Kempis a eu un grand nombre de zélés défenseurs, Sommalius, Rosweyde, Bolland, Chifflet, Fronteau, Naudé, Heser, Weslin, Raynaud, Amort, Desbillons, Ghesquière, etc. Heser et Rosweyde sont ceux qui ont soutenu cette cause avec plus de talent. M. Gence leur rend justice, tout en combattant leur sentiment; il discute quelques-uns de leurs argumens; il examine entre autres l'autorité de la Chronique de Windesheim. Il remarque qu'aucun manuscrit du texte, daté, n'offre l'attribution directe de l'Imitation à Thomas, comme auteur, que bien après 1441, si ce n'est après 1471; et que l'Imitation ne se trouve point dans la plus ancienne édition des OEuvres de Kempis, données à Utrecht même, peu de temps après sa mort. Malgré cela, il faut avouer que l'opinion qui fait honneur du livre au bon religieux est fort répandue. Il y a des pays où l'Imitation s'appelle vulgairement l'à Kempis. N'estce là qu'une prévention populaire, comme le croit M. Gence? c'est ce que nous n'oserions décider. Nous achèverons une autre fois notre analyse, et nous exposerons les motifs de l'opinion de M. Gence en faveur du troisième contendant, le célèbre Gerson.

Nous apprenons en ce moment que M. de Grégory, le même qui est nommé ci-dessus, prépare un nouvel ouvrage en faveur de Gersen. Il croit avoir trouvé de nouvelles preuves en faveur de son protégé. Seront-elles plus concluantes que les premières? C'est ce que la suite nous apprendra.

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NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le samedi 20 octobre, le saint Père est revenu de CastelGandolfo dans cette capitale, et a été reçu avec de grandes accla mations du peuple. Le lendemain, Sa Sainteté a visité la basilique des Saints-Jean et Paul, des Pères passionistes, et le couvent et l'église de Saint-Grégoire. Le lundi 22, le saint Père est allé prier à Sainte-Marie-Majeure, et a visité ensuite les églises des religieuses Camaldules de Saint-Antoine, des Turchines et des Chanoinesses de Latran; après quoi Sa Sainteté est retournée dans sa résidence du Quirinal.

PARIS. Dans la plupart des paroisses de la capitale, le clergé a pris pour patron, tantôt saint François de Sales, tantôt saint Vincent de Paul, tantôt saint Charles. Le choix de ces patrons remonte à des temps anciens et avant que la politique eût pris tel ou tel nom en déplaisance. Il est donc d'usage, lorsque la fête de ces saints arrive, que le clergé la célèbre avec quelque sollennité. Les fidèles y sont accoutumés dans les paroisses et ne s'en étonnent point. Mais ceux qui ne fréquentent pas leurs églises, ou qui cherchent noise au clergé, ont voulu paroître surpris il y a quelques jours de la pompe avec laquelle on a célébré dans quelques paroisses la fête de saint Charles. La sonnerie seule les a importunés, et ils se sont plaints de l'audace des carlistes. Faudra-t-il, pour leur plaire, rayer saint Charles Borromée du calendrier? Ne pourroit-on plus célébrer sa fête? Faudra-t-il que le clergé et les fidèles changent de patron? On songera peut-être dans la session prochaine à proposer à cet égard une loi aux chambres. La chose est grave et mérite qu'on s'en occupe.

M. l'évêque d'Hermopolis, dont nous avions annoncé l'arri vée à Marseille, est arrivé le 27 octobre à Rodez et est descendu chez M. l'évêque, qui est son ami. On sait que le prélat est du Rouergue, et qu'il y a beaucoup de parens et d'amis. Il se propose d'y vivre dans la retraite. Les circonstances seules l'avoient porté aux honneurs, et il n'avoit pas besoin des derniers évènemens pour connoître tout le vide des dignités et toute l'inconstance de la fortune. Mais combien tout ce que nous avons vu étoit propre à réveiller en lui le goût de la solitude! Aussi, nous savons qu'à Rome le prélat vivoit dans un grand isolement et bornoit sa société à un petit nombre d'amis. Il n'aura pas besoin d'efforts pour continuer le même genre de vie à Rodez, et le paisible séjour de cette petite ville convient à l'âge comme au caractère et au penchant d'un prélat si distingué par son esprit de sagesse et de modération et par son éloignement de toute ambition et de toute intrigue.

- La prétendue église catholique française vient encore d'éprou ver un échee à Boulogne, près Paris. Le sieur Heurtaut, prêtre à la

façon de Châtel, a reçu, ces jours derniers, une invitation à laquelle il ne s'attendoit guère. L'autorité municipale, sachant qu'il n'est point revêtu du caractère sacerdotal, l'a couché sur le contrôle de la garde nationale; un billet de garde lui a été régulièrement adressé par le sergent-major de sa compagnie. Le sieur Heurtaut s'est trouvé formalisé de cette invitation; il n'a répondu à l'appel que par une lettre impertinente adressée à son sergent. Cette pièce a été déposée entre les mains du commandant, et celui-ci a donné des ordres pour que le prétre-garde national eût à comparoître devant le conseil de discipline. De là, grande rumeur dans cette singulière église catholique, qui ne se trouve plus composée que de cinq membres à peu près. Le sieur Heurtaut à comparu en effet devant le conseil, samedi dernier 4 du courant; il étoit escorté des frères et amis. L'affluence des curieux étoit considérable. Heurtaut s'est présenté devant les juges ayant une énorme liasse de papiers. sous le bras; on eût dit un avocat prêt à plaider une cause importante. M. le président : Vous êtes cité devant le conseil, sieur Heurtaut, 1° pour avoir manqué votre tour de garde; 2° pour avoir manqué à votre sergent-major en lui envoyant une lettre impertinente. Heurtaut: Monsieur je suis ecclésiastique et... Le présid. La question pour nous n'est point de savoir si les prêtres de la secte Châtel sont ecclésiastiques; vous êtes porté par l'autorité sur le contrôle de la garde nationale, nous devons exécuter la loi. Heurt. Je vous répète que je suis ecclésiastique; je puis le prouver par les lettres du préfet de police et celles du ministre des cultes. Le présid. Il ne nous appartient pas de vous entendre à ce sujet ; vous êtes à nos yeux garde national, et par conséquent vous avez manqué à votre devoir. Heurt. Je ne dois pas monter la garde, si les prêtres latins en sont exempts (1). Le présid. La loi prononce l'exemption du service pour les prêtres latins; on va passer aux opinions. Heurt. avec l'accent de la colère: Messieurs, vous ne voulez pas lettres; vous auriez dû apprendre à lire avant que de m'envoyer un billet de garde! Rumeur dans l'auditoire, des huées se font entendre de tous côtés. Le calme étant rétabli, on condamne le sieur Heurtaut à monter prochainement la garde, hors de tour. La séance est levée. L'auditoire accompagne le prétre-garde national de ces lazzis qui touchent un homme à bout portant. Heurtaut, pour se soustraire à la foule, s'empresse de se réfugier chez un marchand de vin, où il va noyer l'avanie de la soirée.

lire mes

Nous n'avions pas nommé, no 2002, le curé du diocèse de Saint-Diez, qui fut mis en jugement pour avoir répandu un livre de piété publié en 1829; cet ecclésiastique est M. Guillaume, curé

(1) M. H. raisonne mal ici; si les prêtres latins sont exempts, ce n'est pas une raison pour que des prêtres qui sont ordonnés en français et qui officient en français soient aussi exempts.

d'Aulnois, arrondissement de Neufchâteau. Le aa juin dernier, le juge d'instruction de Neufchâteau, le substitut du procureur du Roi et un commis greffier se transportèrent au presbytère d'Aulnois pour y faire une visite domiciliaire. Le curé étoit dénoncé comme faisant commerce de livres en tête desquels étoit une prière pour Henri V. Le réquisitoire n'autorisoit qu'à rechercher et saisir les livres qui avoient servi de prétexte à la dénonciation; mais on feuilleta tous les papiers et les lettres les plus secrètes, et on explora toute la maison de la manière la plus scrupuleuse. Cependant on ne trouva que deux exemplaires d'un petit ouvrage de piété, le Chemin de la sanctification, imprimé en 1829, et à la fin duquel se trouve une prière pour le duc de Bordeaux. On s'en saisit comme d'une pièce de conviction. Or, depuis près de quatre ans que M. l'abbé Guillaume est à Aulnois, il fournit à ses paroissiens de ces livres et d'autres semblables, toutes les fois qu'ils fui en demandent, et il ne soupçonnoit même pas la prière séditieuse; car il croyoit les livres déposés chez lui semblables à ceux qu'il avoit vus autrefois et où la prière ne se trouvoit pas. Au surplus, aucune suite ne fut donnée à ces perquisitions, mais le préfet, M. Siméon, ne fut pas si indulgent; il retint le mandat de M. le curé d'Aulnois, qui lui écrivit vainement deux fois pour le réclamer. M. le préfet répondit seulement qu'il avoit rendu compte de cette affaire au ministre des cultes, et que celui-ci avoit autorisé la retenue. Le curé écrivit au ministre, et fit part de sa réclamation à M. l'évêque de Saint-Diez. Le prélat, qui prend un vif intérêt à ses prêtres, ne put qu'être fort touché de la situation du curé d'Aulnois. C'est alors qu'il écrivit à M. le ministre des cultes la lettre dont nous avons parlé, et qui doit être du commencement de septembre. Il paroît qu'il avoit déjà réclamé deux fois l'année dernière contre de semblables retenues de traitement. Dans la nouvelle lettre il signaloit, dit-on, avec la plus grande force l'illégalité de la mesure. Si on regarde comme séditieux un livre imprimé en 1829, il faudra donc détruire ou mutiler d'autres livres du même genre pour une prière ou pour quelque chose de semblable. On ne s'étoit pas avisé de cela sous la restauration, et on laissoit circuler, vendre et distribuer des livres de prières imprimés sous l'empire et qui contenoient des prières pour Napoléon. Voudroit-on être plus difficile et plus ombrageux aujourd'hui ? Ne pourroit-on s'en rapporter à la justice des tribunaux? et, quand ils ont absous, n'est-ce pas un arbitraire odieux que de condamner? L'autorité civile en pareil cas cumule tous les pouvoirs; elle accuse, elle juge, elle punit. Quoi de plus illegal! On regarde comme une chose odieuse de retenir à un ouvrier son salaire, et on saisit le moindre prétexte pour retenir le traitement d'un prêtre, traitement déjà dû pour des services acquittés. M. l'évêque de Saint-Diez aura sans doute fait valoir ces raisons et d'autres encore avec toute la chaleur de son zèle. Ce qui

est certain, c'est qu'on sut que peu après M. Girod de l'Ain, alors ministre, avoit autorisé le préfet des Vosges à délivrer le mandat. M. le curé d'Aulnois le reçut enfin le 29 septembre.

- Dans la nuit du 14 au 15 octobre, une scène odieuse s'est passée dans l'église de Grasse, diocèse de Fréjus. On alloit célébrer un mariage; un particulier fort connu se rendit à l'église, et là, en présence de plusieurs personnes qui attendoient l'arrivée des époux, il osa monter en chaire, y singer la prédication et y tourner en ridicule les prêtres de la ville. Un mouvement d'indignation éclata aussitôt parmi les assistans. Averti par le tumulte, un ecclésiastique, M. Michel, sortit de la sacristie et vint mettre fin au désordre. L'auteur de l'insulte, craignant d'être traduit en police correctionnelle, a menacé les prêtres d'un charivari si on faisoit la moindre poursuite contre lui. Est-il vraisemblable que son audace et sa jactance arrêteront le zèle des magistrats qui admirent, comme tout le monde, l'esprit de sagesse, de modération et de conciliation du respectable curé et de ses dignes collaborateurs?

La ville de Poitiers a perdu, le 2 octobre dernier, un de ses médecins les plus distingués dans la personne de M. le docteur Moricheau-Beaucamp, professeur à la Faculté de médecine. Né dans cette ville vers l'année 1776, il étudia d'abord dans l'intention d'embrasser l'état ecclésiastique; mais la révolution étant survenue, il ne put poursuivre son pieux dessein, et se livra à la médecine, qu'il a exercée à Poitiers pendant plus de trente ans avec beaucoup de succès, et surtout avec la réputation d'un parfait honnête homme; sa probité étoit d'autant plus solide, qu'elle étoit appuyée sur de solides principes de religion et sur la pratique exacte des devoirs qu'elle impose. M. Beaucamp étoit non-seulement bon chrétien, mais il étoit pieux et édifiant. Sa foi et sa vertu paroissoient surtout auprès des malades, les avertissant, lorsqu'il étoit temps, de recourir au secours de la religion, les exhortant à souffrir leurs maux en esprit de pénitence, et à se résigner à la volonté de Dieu, avec autant de zèle qu'auroit pu le faire un bon prêtre. Il a pratiqué lui-même dans ses derniers momens ce qu'il avoit tant de fois conseillé aux autres. Attaqué d'une maladie très-grave le samedi matin 29 septembre, il eut de suite le pressentiment qu'il en mourroit sous peu de jours. Aussitôt il appelle sa femme, avec laquelle il avoit toujours vécu dans l'union la plus parfaite; et, après lui avoir annoncé leur séparation prochaine et lui avoir parlé dans des termes pleins de tendresse, mais aussi d'une parfaite résignation à la volonté de Dieu, il la prie de faire avertir le vénérable ecclésiastique qui le dirigeoit depuis trente ans. Le confesseur vint le lendemain, et le malade eut avec lui un long entretien. Cependant plusieurs de ses confrères se réunissent auprès de lui, et s'efforcent de le rassurer. MM. leur dit-il, je connois mon mal, et je sais qu'il

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