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SAMEDI 26 JANVIER 1833.

(N° 2055.)

Sur une discussion à la chambre des députés.

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Il nous est impossible de ne pas revenir sur la discussion e la décision du à la chambre des députés, relatement clergé. Assurément, rien n'est plus contraire à un me liberté véritable que de prononcer des exclusions des in pacités contre toute une classe. Restreindre les droit de quel 49 ques-uns, c'est porter atteinte aux droits de tous. Quand une fois on se lance dans cette voie, qui peut prévoir où l'on s'arrêtera? En cela, comme en beaucoup d'autres choses, il est vrai de dire qu'il n'y a que le premier pas qui coûte. Vous frappez aujourd'hui une classe, demain on vous proposera d'en frapper une autre, et on trouvera des raisons pour motiver cette dérogation nouvelle à la loi commune. Il viendra des orateurs qui vous prouveront doctement que l'arbitraire est ici un principe et l'exclusion une mesure d'équité. Je suppose qu'une proposition pareille à celle de M. Comte eût été faite aux Etats-Unis; il est aisé de se figurer avec quelles huées elle eût été accueillie au congrès. Dans ce gouvernement modèle, sur cette terre où du moins l'on comprend un peu mieux ce que c'est que la liberté véritable, et où elle n'est point mêlée, comme chez nous, de passions mesquines et de haines misérables, on eût repoussé avec indignation l'idée de frapper d'interdiction une classe qui cependant est là bien moins nombreuse qu'en France. Il y a quelques années, un prêtre siégeoit au congrès, et, par parenthèse, ce prêtre étoit Français. Il n'est venu à personne l'idée de l'exclure comme prêtre, de le regarder, comme tel, incapable de siéger dans l'assemblée des élus de la nation. C'est nous qui devions donner cet exemple de respect pour l'égalité des droits et pour la lettre et l'esprit d'une Charte que nous avons appelée la Charte-Vérité. Cette Charte Vérité n'est-elle pas une déception dans cette circonstance? A la vérité, on a allégué des raisons pour déguiser l'injustice et l'odieux de la mesure. On a dit que ce n'étoit pas pour clergé une question d'incapacité, mais une question d'incompatibilité, que ces incompatibilités étoient fréquentes pour différentes classes, qu'un juge ne pouvoit pas être préfet, qu'un Tome LXXIV. L'Ami de la Religion.

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militaire ne pouvoit pas être membre d'un tribunal, et que cette exclusion n'avoit rien d'humiliant pour eux. Cet argument n'est qu'un sophisme; il est bien clair qu'on ne peut être à la fois juge et administrateur mais un juge peut être membre d'un conseil-général, et en effet il y en a plusieurs qui le sont. Quelle incompatibilité y a-t-il entre les fonctions d'un prêtre et celles d'un membre du conseil-général, qui ne se réunit qu'une fois par an, et dont la session ne dure que quinze jours? En quoi ces fonctions se nuiroient-elles? Evidemment elles n'ont rien d'opposé l'une à l'autre. Mais la véritable raison a bientôt été donnée. Celui qui a soutenu plus chaudement l'exclusion a mis en avant l'esprit d'envahissement du clergé, qui, sous la restauration, débordoit dans le civil, qui dominoit dans les communes, dans les départemens, qui avoit son banc dans la chambre des pairs, qui s'étoit introduit dans le conseil d'Etat et jusque dans le conseil du prince, enfin qui se faisoit sentir partout. Voilà donc le secret de cette exclusion; on veut punir le clergé pour le passé, on exagère une influence qu'il n'a plus, et qu'il ne pourroit d'ailleurs reconquérir, pour le priver d'un droit qui lui est commun avec tous les autres citoyens. Est-ce là de l'équité? Qui ne sent d'ailleurs que ces craintes qu'on paroit avoir sur le retour de l'influence du clergé sont des chimères? Il seroit bien impossible à un ecclésiastique, quel qu'il fût, d'envahir des pouvoirs dans quelque partie que ce soit de l'administration, sous un régime tel que le nôtre, avec les préventions de la plupart des fonctionnaires, et en présence d'une presse ombrageuse et défiante, qui ne dissimule pas ses antipathies pour le clergé. Si nous voyous des journaux, dans l'état actuel des choses, crier contre l'ambition et les envahissemens d'un clergé réduit à un état d'abaissement et d'humiliation, jugez ce que ce seroit, s'il s'agissoit d'une ambition réelle et d'envahissemens véritables. Aussi un journal, qui a pris long-temps la défense de M. Dupin, n'a pu s'empêcher de blâmer son plaidoyer pour l'exclusion, et lui répond par des argumens qui, pour être mêlés d'un peu d'ironie, n'en contiennent pas moins de très-bonnes

raisons.

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Nous ne sommes plus en 1827, dit le Journal des Débats. Les Jésuites et Saint-Acheul ne font plus de procession; le monogramme de la Société de Jésus et l'emblême du Sacré-Cœur ne sont plus étalés au front même des reposoirs de la chambre des dépu

tés; l'Eglise ne paroît pas prête à envahir l'Etat. Nous pouvons donc ce nous semble, à l'heure qu'il est, être les uns moins gallicans, les autres moins voltairiens que nous n'avons été, et appliquer sans crainte et sans danger les principes de la tolérance religieuse.

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Qu'est-ce qu'un prêtre? Un prêtre est un citoyen qui dit la messe. Du reste, il paie des impositions comme nous, vote comme nous, s'il est électeur; peut comme nous être député, s'il a le cens d'éligibilité. Pourquoi donc ne pourroit-il pas être comme nous membre du conseil-général de son département, si ses concitoyens le trouvent capable de l'être, et s'ils veulent de lui pour représentant? Il ne faut point, dites-vous, qu'il ait part aux affaires mondaines; que ne lui dites-vous cela quand il est contribuable? Payer des contributions, n'est-ce pas prendre part aux affaires mondaines? Je n'ai vu nulle part que le percepteur refuse de recevoir l'argent du prêtre avec l'argent des autres contribuables, sous prétexte qu'il ne faut point souffrir le mélange du spirituel et du temporel. Les prêtres sont propriétaires : c'est chose mondaine que la propriété; contribuables, c'est chose mondaine que les impôts directs et indirects; électeurs, c'est chose mondaine que l'élection; ils peuvent être députés, et c'est chose mondaine que la chambre des députés. Pourquoi donc les prêtres ne pourroient-ils pas être membres des conseils-généraux ?

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M. Dupin conteste aux prêtres le droit d'être membres de la chambre des pairs, et il rappelle que, lorsqu'on établit les conditions qu'il falloit remplir pour être pairs, on rejeta le clergé. On n'a pas voulu que l'épiscopat fût un droit à la pairie, cela est vrai ; mais si on n'a pas voulu que ce fût un titre d'admission, on n'a pas voulu certes que ce fût un titre d'exclusion. Si un membre du clergé devient membre de l'Institut, les membres de. l'Institut pouvant être pairs, il pourra être pair; il le sera, non comme prêtre, mais comme académicien. Selon M. Dupin, quoique académicien, il ne pourroit pas être pair, et cela, parce qu'il est prêtre. A ce compte, la prêtrise seroit une mise hors la loi. Sous la première race, quand on vouloit dégrader un prince, on le tonsuroit et on le faisoit prêtre. Dès ce moment, il ne comptoit plus; ce seroit la même chose aujourd'hui. La tonsure ecclésiastique seroit aussi une dégradation civile et politique. Ce n'est pas ainsi que nous entendons la liberté. Point de priviléges pour le clergé, c'est tout naturel; mais point d'exclusion non plus. Que le prêtre puisse être élu, si ses concitoyens le trouvent digne de leurs suffrages.

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Il n'y a pas jusqu'au Journal du Commerce, qui ne donne à M. Dupin une leçon de tolérance et d'équité. Cette feuille n'est certainement pas trop prévenue en faveur du clergé,

néanmoins elle manifeste aussi son improbation pour un système étroit et illibéral.

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Les prêtres, après tout, dit ce journal, à titre de propriétaires, ont le droit de défendre leurs intérêts, et si la confiance de leurs concitoyens les investit d'une fonction municipale, on ne voit pas l'incompatibilité qui existe entre un pareil mandat et leur mission évangélique. Des incapacités de cette nature, on en trouveroit à chaque pas; et quand un avocat vient signaler à la tribune les habitudes envahissantes du parti-prêtre, un prêtre pourroit avec raison lui opposer l'ubiquité des avocats dans les fonctions administratives. Le barreau n'a rien, sous ce rapport, à reprocher au clergé. M. Dupin a réveillé la vieille querelle qui s'étoit présentée sous la restauration au sujet des Jésuites, entre les libéraux exclusifs, et l'école philosophique qui comprenoit la liberté et le droit commun sous un plus large point de vue. Cette dernière opinion a trouvé dans M. Dubois son ancien et consciencieux organe.

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Plusieurs députés ont parlé dans le même sens à la tribune. M. Dubois, ancien rédacteur du Globe, et bien connu par ses opinions philosophiques, a combattu avec chaleur l'amendement proposé par M. Comte. M. Peyre, député du Midi, a parlé aussi en faveur d'une tolérance véritabic. M. Meynard s'est récrié contre l'exclusion projetée. Enfin M. Renouard, commissaire du gouvernement, a soutenu que l'exclusion étoit injuste et impolitique, et qu'elle n'étoit appuyée sur aucun argument solide. Malgré cela, l'autorité de M. Dupin a prévalu, et l'amendement a passé. On a remarqué que MM. OdilonBarrot et. Garnier-Pagès, tous deux de la gauche, ont voté contre, et que les ministres n'avoient voté ni pour, ni contre; acte de pusillanimité de leur part, qui nous paroît ne leur faire guère d'honneur. Il est assez remarquable aussi que M. Comte avoit proposé d'abord 'd'exclure en général les ministres du culte; mais quelqu'un ayant observé que cette exclusion envelopperoit les saint-simoniens, les templiers et les prêtres de Chatel, M. Comte, sensible sans doute à cet inconvénient, a changé la rédaction de son amendement, qui ne comprend plus que les ministres des cultes, salariés par l'Etat. Les saintsimoniens et les templiers seront sans doute sensibles à un procédé si délicat, qui les excepte de l'espèce de proscription lancée contre le clergé catholique en masse. Honneur aux législateurs impartiaux qui savent si bien placer leurs faveurs!

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. L'état de la population de Rome, en 1832, monte à 148,459 ames. Il y a par conséquent une diminution sur 1831, où la population s'élevoit à 150,666 ames. Il y a eu dans l'année dernière 1,165 mariages, 5,045 baptêmes et 4,649 enterremens. Le nombre d'hommes est de 78,869, et celui des femmes de 69,588. On compte dans cette population 36 évêques, 1,419 prêtres, 2,038 religieux, 1,384 religieuses, 611 étudians et 179 protestans et infidèles, sans y comprendre les Juifs. La population en 1823 étoit de 136,269 ames; elle a augmenté graduellement tous les ans jusqu'en 1831. Le comtesso Marie-Clémentine Marioni, née Corsini, a succombé le 4 janvier à une pleurésie, après avoir reçu les secours de la religion. Elle resta veuve de bonne heure à Véronne, où demeuroit son époux, et perdit un fils unique, objet de ses affections et de ses espérances. Elle ne chercha d'autre consolation que dans les œuvres de piété, et, pour s'y livrer toute entière, elle vint, il y a environ 10 ans, s'établir dans sa patrie même. Associée à beaucoup de pieuses confréries à Rome, entr'autres à celle de la Madeleine, dont elle étoit en dernier lieu pricure, assidue aux cérémonies religieuses, visitant et la retraite du pauvre et le lit du malade, les assistant et de ses secours et de soins personnels, elle eût voulu alléger toutes les infortunes et calmer toutes les souffrances. Son humilité et sa charité égaloient l'élévation de son caractère et la finesse de son esprit. Quand la princesse Orsini-Doria conçut et voulut exécuter à grands frais son projet d'ouvrir, sous le nom de Pieuse union de Lorette, un asile pour les pauvres filles repenties, ce furent la comtesse Marioni et la duchesse de Ferino, qui la secondèrent avec le plus de zèle. La duchesse étant morte en 1829, la direction de l'institut roula sur la comtesse, qui redoubla de soins, malgré sa mauvaise santé. Outre ses dons accoutumés, elle voulut généreusement, il y a peu de temps, fournir plusieurs centaines d'écus pour décharger la maison d'une dette pressée. La perte d'une telle bienfaitrice est un sujet de deuil pour les filles qu'elle soutenoit.

PARIS. Nous n'avons point encore parlé des leçons de M. l'abbé Frere en Sorbonne; nous voulions pouvoir en offrir un ensemble. Toutefois nous sommes obligé de nous borner aux trois premières lecons On sait que M. l'abbé Frere s'est chargé du cours d'Ecriture sainte. Il a commencé son cours le lundi 26 novembre et continue à être très-suivi. Sa manière est entraînante, elle est pleine de verve, d'élévation et de chaleur. On diroit que l'orateur ne peut suffire à l'abondance de pensées qui se succèdent dans son esprit. Ces pensées décèlent un homme qui a long-temps médité son sujet et qui a des vues très-étendues. Nous essaierons de donner un

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