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crifice. Mais la population étoit exaltée, elle deman de les processions, elle les demande avec instance; le curé s'y refuse. On veut faire sortir la procession malgré lui, il a besoin de toute son énergie pour arrêter ce zèle. Plusieurs personnes se détachent pour aller réclamer auprès du maire ; celui-ci objecte qu'il a des ordres, on lui crie de les montrer. On murmuroit contre cet acte arbitraire. Quelques-uns des plus échauffés sont arrêtés ; c'est pour cela qu'on a traduit en cour d'assises Ruffet, Briand, Versanne, Conil, Lantia et la femme Colombet. Leur crime étoit d'avoir fait partie d'un attroupement le 29 mai, et d'avoir, par des cris proférés publiquement, provoqué à la révolte et à la désobéissance aux lois. On entendit 26 témoins à charge et 10 à décharge. Les débats affoiblirent beaucoup les charges, et le maire lui-même, rétractant loyalement sa déposition écrite, déclara qu'au moment de la plus grande irritation l'autorité n'avoit été l'objet d'aucune insulte, d'aucune menace, d'aucune voie de fait.

Cependant M. Delisle, procureur du Roi, soutint l'accusation contre les prévenus, sauf Conil et Lantia; il prétendit qu'il y avoit eu dans la journée du 29 un complot formé d'avance pour résister, à force ouverte, aux prohibitions de l'autorité, et pour saisir le prétexte de la religion, afin de soulever les esprits contre les mesures ordonnées. M. Magne, avocat, a plaidé pour les prévenus. Il s'est un peu moqué des alarmes de l'autorité dans cette affaire. Comment voir un complot là où on n'aperçoit que des démarches, des représentations, des prières auprès de l'autorité? Les prévenus ne seroient coupables que s'ils avoient insulté le maire en fonctions. Seroient-ils passibles de quelque peine pour avoir fait la procession malgré la défense? Non, a dit l'avocat ; car on ne doit obéir à l'autorité que lorsqu'elle commande conformément à une loi existante, et aucune loi en vigueur ne prohibe les processions, puisque les chartes de 1814 et de 1830 proclament la liberté des cultes. On dit qu'il y a eu complot et révolte; mais comment l'admettre, quand on sait que la procession se fit tranquillement le 28, et que ce fut l'autorité qui commit le premier acte d'hostilité, en verbalisant à la rentrée de la procession? Le 29 au matin, tout le monde étoit persuadé que le maire avoit ordre de laisser sortir la procession, puisque la lettre du ministre avoit été lue publiquement. Le premier

mouvement des catholiques dut donc être de s'étonner du refus qui étoit fait, et le second de s'adresser à l'autorité même. Cela annonce-t-il un complot? Les dispositions des catholiques étoient si peu hostiles, qu'ils s'exprimèrent avec le maire dans les termes les plus convenables. Si l'autorité avoit été sage, elle auroit accordé la permission qu'on lui demandoit, et tout eût été fini. Elle-même a reconnu ses torts, puisque presque immédiatement après elle écrivit au curé qu'à l'avenir les processions se feroient sans obstacle. Si ses premières défenses ont causé quelques troubles, à qui doit-elle les imputer qu'à ellemême?

Le défenseur parcourut ensuite les griefs élevés contre chacun de ses cliens, et répondit à tous; son éloquente improvisation fit un grand effet sur l'auditoire. M. Feyteau prit ensuite la parole dans l'intérêt de Versanne et de Conil. Ces deux derniers, ainsi que Lantia et la femme Colombet, ont été déclarés non coupables par le jury, et en conséquence acquittés. Le jury ayant prononcé affirmativement sur Ruffet et Briand, ils ont été condamnés à trois mois de prison et 300 fr. d'amende. On étoit persuadé qu'ils eussent été acquittés, sans le zèle du président des assises, M. le conseiller Thibeaud. Ce magistrat avoit prononcé, pour l'ouverture des assises, un discours plein de véhémence; il y vouoit à l'exécration des Français qui avoient le malheur de ne pas partager ses opinions. Les royalistes, dit-il, exècrent le peuple. Ce langage sied bien dans la bouche d'un magistrat qui, loin d'allumer les passions, devroit donner l'exemple du calme et de la modération! Dans l'affaire des accusés de Bergerac, un d'eux, M. Ruffet, ayant dit qu'il assistoit à la sainte messe, le président l'interrompit pour une observation étrange, savoir, qu'il n'étoit pas à l'audience pour faire parade de fanatisme. Dans la même affaire, suivant le rapport de la Gazette du Périgord, ce magistrat a manifesté une tendance déplorable à altérer la déposition des témoins. Enfin dans un résumé hostile et violent, M. Thibeaud s'est appesanti sur les excès du fanatisme irréligieux, sur les prêtres qui fomentent la révolte, sur les prétentions du clergé. « Quels motifs, a-t-il dit, viennent donc agiter ces coupables zélateurs? Seroit-ce que la persécution est descendue sur nos temples? seroit-ce que le prêtre banni des autels voit encore s'ouvrir devant lui le chemin de l'exil et de

la proscription? Je vous le demande, jamais une protection plus puissante environna-t-elle les ministres du culte? » On a vu les effets de cette protection puissante envers les églises dévastées, envers les séminaires et les presbytères pillés, envers les évêques et les curés expulsés. Mais ces légers accidens ne troublent pas la froide impartialité de M. le conseiller Thibeaud; il y a plus d'une sorte de fanatisme.

Cette affaire des processions de Bergerac a offert un singulier spectacle; les autorités se mettant en opposition avec le vœu de toute une population, interdisant des processions qu'elle réclamoit, se refusant opiniâtrément à des instances unanimes, ne voulant pas déférer à une lettre d'un ministre, et demandant des troupes pour réprimer des troubles qui ne pouvoient venir que de son refus. Ce ne sont donc pas les prévenus que l'on auroit dû traduire à la cour d'assises. Au surplus, l'autorité a fini par sentir tout ce que son obstination avoit de ridicule; elle a permis les processions, et le préfet, qui étoit venu sur les lieux pour veiller au bon ordre, a dû reconnoître que ses précautions, comme ses défenses, étoient tout-à-fait hors de saison. Il a paru dans la Gazette du Périgord, du 20 octobre, une lettre sur les processions, sur le refus dés autorités de Bergerac, et sur le procès des six prévenus. Pourquoi, disoit-elle, n'en a-t-on mis en jugement qu'un si petit nombre? S'il y a eu crime, nous sommes tous coupables; car tous nous avons élevé la voix, nous avons réclamé, nous nous sommes plaints de l'abus de pouvoir des autorités. Quand se persuadera-t-on, enfin, que des élus du peuple devroient respecter ses vœux; et, s'ils ne protégent pas la religion par térêt elle, ils devroient le faire au moins par égard pour les désirs unanimes de leurs concitoyens.

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Une souscription a été ouverte à la Gazette du Périgord en faveur du gérant de la Gazette, qui est actuellement en prison, et en faveur des deux condamnés dans l'affaire des processions de Bergerac.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le dimanche 14 octobre, qui est consacré à célébrer la maternité de la sainte Vierge, M. le cardinal Odescalchi, préfet de la congrégation des évêques et réguliers, assisté de MM. Falconieri, archevêque de Ravenne, et Frezza, archevêque de Chalcédoine, a sacré évêque dans l'église de Saint-Sylvestre au Quiri

nal, M. Charles-Joseph- Eugène de Mazenod, précédemment grand-vicaire de Marseille, et qui portera le titre d'évêque d'Icosie in part. inf.

PARIS. MM. les directeurs du petit séminaire de Toulouse, établi au collège de l'Esquille, ont fait insérer dans la Gazette du Languedoc la lettre suivante, qu'ils ont adressée à leur vénérable archevêque, ainsi que la réponse de ce prélat:

Toulouse, le 16 octobre 1832.

Monseigneur, depuis que la Lettre encyclique de N. S. P. le Pape a paru, plusieurs ecclésiastiques, qui avoient embrassé les doctrines de M. l'abbé de La Mennais, ont publié des rétractations. Peut-être Votre Grandeur aura-t-elle souhaité que, dans cette circonstance, nous lui donnions un gage de notre soumission envers le souverain Pontife. Il seroit déjà tard pour remplir ce devoir, si notre conscience nous reprochoit quelque infidélité à cet égard. De tout temps nous avons été invariablement soumis au saint Siége, comme nous espérons l'être jusqu'au dernier moment de notre vie, et disposés à condamner tout ce qu'il condamneroit : c'est ce qui vous explique, Monseigneur, pourquoi nous sommes en retard jusqu'à ce jour.

» Mais une personne sage et propre à faire autorité sur nous ayant témoigné que nous ferions une chose très-convenable, en saisissant ce moment pour adresser à Votre Grandeur la déclaration de nos principes et de nos sentimens, nous nous empressons de lui protester, du fond de notre cœur, et avec la sincérité la plus parfaite, que nous adhérons, sans restriction quelconque, à toutes les décisions contenues dans la Lettre encyclique de N. S. P. le Pape Grégoire XVI. Nous approuvons tous ce que le saint Siége approuve; nous condamnons tout ce qu'il condamne, et nous rétractons de la meilleure foi tout ce que nous aurions pu dire ou penser de contraire aux expressions et à la pensée du successeur de saint Pierre.

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Puisse cette protestation vous rassurer à jamais sur nos sentimens ; puisset-elle vous être un gage de la droiture de notre cœur, de la bonne volonté qui nous anime, et du zèle pur et ardent que nous mettrons toujours à seconder les intentions si louables de Votre Grandeur.

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Si vous pensez, Monseigneur, qu'il fút nécessaire ou même convenable de donner de la publicité à cette lettre, nous nous en rapporterions pleinement à votre sagesse, et nous nous soumettons bien volontiers à tout ce qu'il vous plaira d'ordonner à cet égard, toujours heureux de mériter votre confiance, et de vous donner un témoignage solennel de la vénération profonde avec laquelle nous avons l'honneur d'être, etc.,

SARREBAYROUZE, BARTHAS, E. GALTIER, prêtres. »

Réponse de monseigneur l'archevéque.

En cours de visite, 19 octobre 1832.

« Messieurs, j'ai éprouvé une grande satisfaction en recevant, dans votre lettre

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du 16, un gage non équivoque de votre soumission à l'enseignement du saint Siége. Vous en aurez aussi, je pense, quand je vous dirai que je n'ai jamais douté de vos sentimens à cet égard, et que, dans cette persuasion, l'idée de vous demander ou de vous conseiller la démarche que vous venez de faire n'est pas venue dans mon esprit.

» Vous me demandez si je juge nécessaire on convenable que vous donniez quelque publicité à votre lettre. Je crois que cette publicité ne peut qu'ètre utile; elle vous honorera: elle répondra aux attaques dont le petit séminaire a été l'objet; ce sera un nouvel exemple de soumission au saini Siége, et le clergé du diocèse en sera très-satisfait.

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Croyez aux sentimens d'estime et de tendre affection avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.

† P. T. D., archevêque da Toulouse. «<

-M. l'abbé de Villers, docteur de Sorbonne, ancien chanoine de la métropole de Besançon et ancien grand-vicaire de Lyon, est mort à Paris le 24 octobre dans sa 78 année. M. Antoine-Ignace Huot de Villers étoit né à Vesoul, le 16 septembre 1755, d'une famille honorable de la province. Son père étoit conseiller au parlement de Franche-Comté, et son grand-père avoit été avocatgénéral près cette même cour. Le jeune de Villers s'étant destiné à l'état ecclésiastique, fut envoyé à Paris au séminaire St-Sulpice, et, après avoir achevé sa théologie, il y devint maître de conférences. Il étoit de la licence de 1782, dont M, Fournier, aujourd'hui évêque de Montpellier, étoit le premier, et il fut reçu docteur en 1784. Peu après, il fut pourvu d'un canonicat dans la cathédrale de Besançon, et, lorsque M. de Marbeuf passa d'Autun à Lyon en 1788, il nomma l'abbé de Villers un de ses grands-vicaires. Ce n'étoit pas pour lui un vain titre; il résidoit à Lyon et s'y occupoit avec d'autant plus d'activité de l'administration, que l'absence de l'archevêque laissoit plus à faire à ses grands-vicaires. La révolution, qui ne tarda pas à éclater, donna matière à son zèle. Il ne quitta point la France, et resta ou dans Lyon ou dans les environs, portant les secours de la religion partout où il étoit nécessaire, et bravant la fatigue comme les dangers attachés alors à l'exercice de son ministère. Il fut arrêté plusieurs fois et passa des mois entiers dans un cachot, mais il échappa à la mort. Le récit de ses courses, de ses aventures, de ses déguisemens, des périls qu'il avoit courus, étoit très-intéressant à entendre. Sa présence d'esprit ne parut pas moins que son zèle et sa charité pendant des années si difficiles. Après le 18 brumaire, M. de Villers étoit à Lyon occupé de bonnes œuvres, quand un agent de police, auquel il avoit soustrait l'objet de sa passion pour la placer dans une communauté, le dénonça à Fouché comme un homme dangereux. On le manda à Paris, et il ne put obtenir de retourner à Lyon. L'aisance dont il jouissoit lui

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