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académiciens, prononcés par M. Cuvier comme secrétaire de l'Académie, M. Pasquier loue sa manière. « De beaux modèles, dit-il, avoient déjà été offerts dans ce genre de production : les Fontenelle, les d'Alembert, les Condorcet, les Vicqd'Azir, avec des qualités différentes, y avoient tous marqué leur place. M. Cuvier, venu le dernier, a peut-être plus qu'aucun de ses devanciers possédé les qualités du genre, cherchant moins que Fontenelle à produire ses effets par l'éclat des pensées et par la grâce étudiée du style; n'étant point, comme d'Alembert et Condorcet, atteint de cette irréligion dédaigneuse qui, vainement dissimulée, ôte presque tonjours à leurs écrits le mérite de la franchise, et donne trop souvent à leur langage philosophique une fatigante sécheresse.... »

M. Fasquier n'a eu garde d'omettre dans son éloge le. Discours préliminaire qui se trouve à la tête de l'Histoire des osscmens fossiles de Cuvier, et dont nous avons autrefois donné un extrait, no 768, tome XXX de ce journal. Voici son jugement sur ce discours :

« La rectitude des vues, l'étendue des conceptions s'y révèlent à chaque page. Quelle clarté d'exposition! quelle admirable revue de tous les systèmes entre lesquels l'esprit humain se débat, depuis tant de siècles, dans les plus hautes questions qui le puissent occuper, dans celles qui se rattachent au prodige de la création, ou au moins au premier état du monde sur lequel l'homme a été jeté ! Comme cette raison supérieure les oppose les uns aux autres, les déjoue souvent par le rapprochement des faits les plus simples! Comme elle montre ensuite tout ce qu'on peut espérer de la route qu'elle indique, et où l'ont conduite des recherches dont le point de départ cependant a été pris une si grande distance du but qu'elles lui devoient découvrir! Mais ces recherches elles-mêmes reposent sur une conviction profondément morale et religieuse. M. Cuvier croyoit, comme tous les esprits supérieurs, à une cause première qui préside à toutes les destinations, qui les à toutes prévues et commandées. Partant de ce principe, il ne faisoit aucun doute que l'existence des êtres organisés ne fût due à une intelligence suprême, qui les a tous pourvus des organes propres à remplir le but pour lequel ils ont été créés; et de cette connexion nécessaire il a fait sortir le moyen, lorsque certaines parties d'un tout étoient connues, d'arriver avec certitude à celles qui restoient à découvrir. Dans cet admirable avant-propos, où il s'élève au-dessus de tous les préjugés, même ceux de la science, car elle a aussi les siens, la complète indépendance de son esprit se manifeste avec une égale vigueur, soit qu'il entreprenne de rendre aux anciens monumens de l'histoire, à celui de la Genèse, par exemple, la juste mesure d'autorité qui, plus d'une fois, leur a été trop légèrement contestée, soit qu'il s'applique à renverser l'édifice de ces conceptions bizarres et follement hardies, qui ont fait pendant long-temps de si grandes fortunes, et dont les auteurs se sont vus tant applaudis.

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L'orateur suit M. Cuvier dans ses missions universitaires en Piémont, en Toscane, en Hollande et dans les villes anséatiques, en 180g et en 1811. Il célèbre ses vues et ses travaux sur l'organisation des études, et surtout son zèle ponr l'instruction primaire. Il lui attribue l'institution des comités cantonnaux, et la principale part

dans l'ordonnance du 27 février 1821. Nous citons cette partie de l'éloge sans y souscrire peut-être aussi pleinement. Nous passons sous silence les travaux de M. Cuvier, soit en conseil d'Etat, soit à l'Institut. Nous ne parlons point de cette incroyable facilité de rédaction qui lui faisoit saisir et analyser l'ensemble de la discussion la plus compliquée; c'est un don que ses collègues ont toujours admirė en lui. Nous arrivons aux derniers instans d'une vie si pleine sous le rapport de la science; nous laissons encore ici parler M. Pasquier :

« Le mardi 8 mai, M. Cuvier rouvrit au collège de France le cours que depuis trois ans il avoit commencé et poursuivi avec tant de succès sur l'histoire des sciences naturelles. Il s'étoit rarement élevé à une si grande hauteur; mais on fut surtout frappé des dernières phrases qu'il prononça pour indiquer comment il se proposoit d'envisager la situation actuelle de l'étude de la création; étude sublime qui doit, en l'éclairant, en la fortifiant, préserver et défendre l'intelligence bumaine de la chétive habitude de n'envisager, de ne comprendre les choses qu'une à une, ou de les méconnoître en essayant de les assujétir à d'étroits systèmes; qui doit enfin la ramener sans cesse vers cette intelligence suprême qui domine, éclaire et vivifie toutes choses, qui révèle tout et que tout révèle. Il y eut dans cette partie de la leçon un calme, une justesse de perception, une révélation franche de la vue intime et complète de celui qui la donnoit, une profondeur enfin d'où sortoit pour tous les auditeurs un rapprochement inévitable avec le livre qui parle de la création à tout le geure humain. Le rapport ne paroissoit nullement cherché ; il ne se trouvoit pas dans les termes, mais dans les idées, et tout respiroit daus Ja franche exposition qui en étoit offerte le sentiment de l'omnipotence d'une cau.e suprême et d'une sagesse infinie. »

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L'orateur raconte ensuite les derniers momens de M. Cuvier. Le savant acadé, micien mourut, comme on sait, le dimanche 13 mai. I! témoigna quelques regrets de quitter la vie à une époque où il n'avoit pu encore achever quelques grands travaux qu'il avoit préparés,

Cet éloge, écrit d'un style abondant et facile, nous a paru propre à bien faire connoître un savant recommandable sous bien des rapports, et qui, malgré les préjugés de sa communion, ne se montra point hostile pour les catholiques, parut au contraire, en plus d'une occasion, juste et impartial pour le clergé,

mais

Le Gérant, Adrien Le Clere. ་པ

Cours des effets PUBLICS.-Bourse du 28 janvier 1833.

Trois pour 100, jouissance du 22 dèc., ouvert à 74-fr. 9o c. et fermé à 74 fr. 80 0. Cinq pour 100, jouiss. du 22 sept., ouvert à 102 fr. 65 c. et fermé, à 103 fr. 00 c. Actions de la Banque.

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1662, fr. 50 c.

IMPRIMERIE D'AU, LE CLERE ET COMP.

JEUDI 34 JANVIER 1833.

Nouvelle Profession de foi de M. Auzou.

(N° 2057.

M. Auzou, qui avoit signé la première Profession de foi de M. Châtel, vient d'en publier une seconde. La première étoit déjà un peu vieille, puisqu'elle avoit deux ans ; dans un siècle de perfectionnement, comme le nôtre, les progrès doivent être rapides en deux ans, et la religion doit se modifier comme le reste. M. Auzou ne s'en tient donc pas servilement à la Profession de foi qu'il avoit souscrite en 1831; il répudie aujourd'hui Châtel, son épiscopat et sa doctrine, et, loin de se traîner sur les pas d'un autre, il se fait chef d'une nouvelle réforme. Sa Profession de foi commence par rappeler ses griefs contre Châtel. Il lui reproche de s'être tout-à-fait retiré de la foi catholique, en niant hautement tous les dogmes qui la constituent, et jusqu'à la divinité du Christ. Il remarque que, dans la dernière édition de la Profession de foi de Châtel, on a omis ce qui étoit dit dans les précédentes, qu'il reconnoissoit les symboles des apôtres, de Nicée et de saint Athanase. M. Auzou est justement choqué de cette licence; il pense que, changer la croyance d'une religion, ce n'est pas réformer cette religion, mais en créer une nouvelle; et il ne voit pas que, par là, il se condamne aussi lui-même, puisqu'il nie ou supprime des dogmes qui tiennent à l'essence de la religion catholique. Ainsi il décide que la confession auriculaire n'est pas nécessaire, et par là il se met en opposition avec l'enseignement de l'Eglise et avec les canons et décrets du concile de Trente. H n'y a plus de catholicisme là où il n'y a pas de confession. S'il n'y a pas de confession, qu'a donc voulu dire Jésus-Christ par ces paroles: Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis et quorum retinueritis, retenta sunt? Peut-on remettre les péchés sans les connoître?

Il est dit dans la Profession de foi : La religion catholique romaine est professée par la majorité des Français; dixhuit siècles de croyance ont établi une alliance étroite entre les pratiques de cette religion et les mœurs du peuple. Or, voyez l'inconséquence; cette alliance étroite, M. Auzou vient la rompre. Il ne veut plus appartenir à l'Eglise romaine, il ne

Tome LXXIV. L'Ami de la Religion.

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veut plus dépendre de celui à qui Jésus-Christ a dit : Je vous donnerai les clefs du royaume des cieux... Vous êtes Pierre, et sur cette Pierre je bâtirui mon église, et les portes de l'enfer ne précaudront pas contre elle. N'est-ce pas une grande témérité de se détacher de cette pierre sur laquelle l'église est bâtie, et de ne vouloir plus reconnoitre l'autorité de celui au-. quel ont été données les clefs du royaume des cieux? La primauté du Pape est aussi un des dogmes de l'Eglise; M. Auzou, en le niant, change donc ou du moins veut changer la croyance. Qui lui en a donné le droit? Comment s'expose-t-il au reproche que lui-même fait à Châtel? Et ce n'est pas assez de méconnoitre l'autorité du pontife romain, il l'insulte. Dans son journal et dans ses discours, il parle des papes et de l'Eglise romaine dans les termes les plus méprisans; tel a toujours été le caractère des partisans du schisme et de l'hérésie.

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M. Auzou appuie sa réforme sur cet adage, que la voix du peuple est la voix de Dieu; mais cet adage n'est point une règle de foi. La voix du peuple est variable, elle parle autrement dans un temps que dans un autre, dans un pays que un autre pays. Ce n'est pas au peuple apparemment à régir l'église et à décider ce qu'il faut croire; autrement ce seroit une anarchie pitoyable. Jésus-Christ nous a ordonné d'écouter l'Eglise et non le peuple; si quelqu'un n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit pour vous comme un païen.

« La voix du peuple, dit Auzou, nous crie de mettre avant tout en pratique le grand principe de Jésus-Christ, l'égalité. C'est pourquoi nous abolissons dans notre clergé tout privilége, toute aristocratie; nous n'aurons pas la foiblesse de parodier, dans notre modeste association de prêtres, la papauté et l'épiscopat.» Ainsi donc plus de pape et d'évêques, et en cela Auzou s'élève encore contre l'enseignement et la pratique de l'Eglise, qui a toujours reconnu une hiérarchie. Saint Paul dit que les évêques ont été chargés par l'Esprit saint de gouverner l'Eglise. En effet, dans tous les siècles nous voyons des évêques; et supprimer l'épiscopal, en nier l'autorité, est encore un acte de schisme et d'hérésie. Auzou a imaginé de dire que tout prêtre pouvoit ordonner des prêtres et confirmer les fidèles. On peut se contenter de le renvoyer au concile de Trente, qui a un canon exprès contre ceux qui prétendroient que les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres, ou n'ont

pas le pouvoir de confirmer et d'ordonner, ou que ce pouvoir leur est commun avec les prêtres, ou que les ordres conférés par eux sans le consentement ou la vocation du peuple ou de la puissance séculière sont nuls, ou que ceux qui n'ont été ni ordonnés, ni envoyés par la puissance ecclésiastique et canonique, mais qui viennent d'ailleurs, sont cependant des ministres légitimes de la parole et des sacremens. On diroit que ce canon a été fait tout exprès pour signaler et renverser la doctrine et la prétention des nouveaux réformateurs.

La voie du peuple crie encore beaucoup d'autres choses, suivant M. Auzou; elle ne veut plus d'office en latin, de célibat ecclésiastique, de droit divin, d'interdits, de censures, de jeûne, d'abstinence; etc. M. Auzou ne fait-il pas parler ici le peuple? S'il faut se régler sur la voix du peuple, ce n'est pas apparemment sur celle du peuple des guinguettes et des cabarets, du peuple qui ne va pas à l'église et qui ne remplit pas ses devoirs de religion, mais sur la voix du peuple qui croit à la religion et qui en observe les pratiques. Or, où et quand ce peuple-là a-t-il parlé? Quand a-t-il déclaré qu'il vouloit le changement des offices, l'abolition du célibat, des jeûnes, des abstinences, etc.? Il n'a certainement pas chargé l'Abbé Auzou d'être son organe?

Celui-ci nous apprend que des légistes distingués travaillent en ce moment à la constitution de la nouvelle église; tant pis pour la nouvelle église, car des légistes, quelques distingués qu' 'ils soient, ne peuvent en pareille matière faire que de mauvaise besogne. D'abord ils sont incompétens sur l'article, ensuite ils apporteroient à ce travail leurs préventions. On se rappelle ce qu'ont fait les légistes distingués de l'Assemblée constituante il y a quarante ans, et tous les troubles qui sont sortis de leur œuvre. Les légistes de M. Auzou seront-ils plus heureux? Il paroit qu'il leur a donné des pouvoirs très-étendus, puisque la constitution à laquelle ils travaillent doit établir des pouvoirs électifs, mais seulement temporaires, pour les prétres chargés de maintenir l'unité de la foi et les règles de la discipline. Ainsi des laïes régleront les pouvoirs des prêtres chargés de maintenir l'unité de la foi. Quel bouleversement d'idées!

Cette profession de foi, que M. Auzou publie dans son Bor Pasteur du 20 janvier, est signée de lui, pour les prêtres de

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