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& combien ils étoient honorés dans la Grèce, en Italie & ailleurs. Lorfque Totila roi des Gots vint faccager Rome en 545, il fit la guerre aux Arts comme aux hommes, & ce qui échappa à la fureur des Gots, des Huns & des Vandales, fut achevé par les Sarazins, les Maures, & encore plus par les Iconoclaftes. Ces ennemis des Arts détruifirent tellement le germe des talens, qu'on leur vit fuccéder la plus affreufe ignorance jufqu'au 14o. fiècle, qu'ils commencèrent à reprendre vigueur en Europe. Pendant ce temps-là, nous allons trouver notre art de gräver en bois connu & pratiqué chez d'autres Nations.

La Chine poffède depuis long temps l'art d'imprimer des Livres de la manière dont ils les impriment encore aujourd'hui, c'est-à-dire, en planches de bois fixes. La multiplicité des Lettres Chinoises, qui montent à plus de foixante mille, la liaifon & l'enchaînement de ces Lettres les unes avec les autres, qui en rendent la lecture fi

difficile, & qui font qu'un Chinois n'est favant qu'à proportion qu'il fait lire, n'ont pas permis de rendre ces caractères mobiles pour l'impreffion. Cette manière d'imprimer, entièrement conforme aux premières opérations de Guttemberg, eft très-ancienne. Différens Auteurs la font monter plus ou moins haut: il réfulte de leurs divers fentimens, que l'Imprimerie étoit exercée dans les Indes, deux fiècles au moins avant qu'on en fît ufage en Europe. Le P. du Halde, dans fa Def cription de la Chine, rapporte cette maxime de l'Empereur Vouvang, qui vivoit 11 20 ans avant l'Ère Chrétienne. Comme la pierre ME dont on fe fert pour noircir les Lettres gravées ne peut jamais devenir blanche, de même un coeur noirci d'impuretés retiendra toûjours fa noirceur. Ange Rocca, dans fa Bibliothèque du Vatican, dit que l'ufage de l'Imprimerie étoit connu à la Chine plus de trois cens ans avant Jefus-Chrift. Alvarez de Seviedo lui donne plus de feize cens ans d'anti

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quité. Le P. Couplet fait monter cette origine de l'Imprimerie à la Chine un peu moins haut, mais elle est encore felon lui fort reculée. On rapporte enfin, que l'Empereur Yventi, qui régnoit en 552, avoit une Bibliothèque compofée de plus de cent quarante mille volumes, dont le plus grand nombre étoient imprimés.

Cette manière d'imprimer en planches de bois étoit commune, non feulement à la Chine, mais encore au Japon, au Tunquin & dans la Tartarie Orientale. Des Auteurs prétendent qu'il y a plus de mille ans que cette impreffion eft en ufage dans la ville de Tangut. Cet art a été porté chez ces peuples à un très-grand degré de perfection; la hardieffe de la taille des Lettres ou ornemens, & la beauté de l'impreffion, font admirables. Souvent on les voit embellis par le fecours des autres Arts; l'or, l'argent & les couleurs y font employés avec une adreffe fingulière, le tout imprimé d'un seul côté fur du papier de foie blanc &

liffé qui en relève l'éclat. La Bibliothèque du Roi en poffèdè plufieurs qui font de la dernière beauté.

pas

Cette gravure en bois ne fervoit feulement à l'impreffion des Livres chez les peuples Orientaux ; tout le monde fait les autres ufages qu'ils en ont faits de tems immémorial, pour l'impreffion & la fabrique des toiles peintes. La Chine, la Perfe, les Indes, le Japon, les ifles Maldives, l'Empire du grand Mogol, le Royaume de Pégu, nous ont fourni & nous fournissent encore de ces productions, d'autant plus admirables, que nous n'avons pû jufqu'ici atteindre à la perfection de ces fortes d'ouvrages, du moins pour la couleur. Ces couleurs s'impriment fur la toile, au moyen de plufieurs planches de bois, fur lesquelles les fleurs ou autres ornemens font gravées en relief: parmi ces planches, les unes repréfentent le trait des objets, les autres des masses; elles font chargées de différentes couleurs & s'appliquent l'une après l'autre fur les mêmes ob

jets, ou chacune laiffe la teinte dont elle eft chargée. La ville de Séronge, dans le Mogol, a l'avantage de fabriquer les plus belles Chites ou Toiles... peintes. L'eau de la rivière qui coule le long de cette ville y eft favorable: après qu'elle a été troublée par les pluies qui durent plufieurs mois, les Ouvriers y trempent les toiles nouvellement peintes, la couleur y prend de la vivacité & un caractère ineffaçable.

Les Chinois & les Japonois ont fait encore un autre ufage de la Gravure en bois; depuis un tems confidérable ils ont imprimé fur le papier le trait de leurs images ou figures, pour les colorer enfuite & les finir au pinceau : ils ont été plus loin quelques-uns de leurs papiers peints font faits avec plufieurs planches gravées fur le bois & imprimées à plufieurs couleurs par rentrées, à la manière de leurs toiles.

Voilà donc déjà l'art de graver en bois connu & pratiqué avec fuccès

dans

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