prétendu à la gloire de l'invention de l'Imprimerie; j'entends cette Imprimerie primitive en taille de bois, qui est la feule dont Guttemberg ait fait ufage. Pour établir ce fait, il me fuffira de montrer l'exercice de la Gravure ou Sculpture en bois antérieur à celui de l'Imprimerie, & l'impreffion des images en taille de bois en ufage avant l'impreffion des Livres ; de faire voir enfin, que cet Art de graver en bois. étoit porté au plus haut point de perfection, dans le temps que celui de l'Imprimerie étoit encore au berceau : ce qui fervira en même-temps à donner une idée de cette taille de bois peu connue, & dont l'art, après avoir eu les plus grands fuccès, eft près de tomber dans l'anéantiffement. Pour fuivre ce deffein avec quelque ordre, je partagerai cette Differtation en trois parties; la première fera voir l'usage ancien de la Sculpture & Gravure en bois, la feconde fes premiers progrès en Allemagne, & la troifième fa perfection & fa décadence. PREMIERE PARTIE. La Sculpture & la Gravure en bois en ufage de tous les temps. LA Sculpture & la Gravure en bois, qui en eft une branche, font les premiers moyens dont les hommes fe foient fervis pour transmettre à la Poftérité le fouvenir de leurs penfées ou de leurs actions.Pour ne pas me perdre dans les ténèbres épaiffes de l'antiquité la plus reculée, je me contenterai de rapporter quelques faits anciens affez généralement connus. Les Égyptiens tailloient une partie de leurs Divinités fur le bois, & gravoient fur ces Divinités, fur leurs cercueils & fur divers autres objets, des hiéroglyphes en relief ou en creux. Chez les Grecs & les Romains, on voit différens usages de la Sculpture analogues à l'objet de nos recherches. Homère nous apprend que les Princes faifoient graver leurs Loix fur des planches de bois. Les Loix de Solon & les Cérémonies de Religion inftituées par Numa furent gravées de la même manière. On enfeignoit les Lettres aux enfans fur des Tablettes de bois gravées en creux ou en relief: cela fe pratiquoit encore du temps de l'Empereur Trajan, felon Plutarque. La plus ancienne manière d'écrire étoit de graver des Lettres fur des planches de bois, en commençant une ligne de gauche à droite, & la fuivante de droite à gauche, & ainsi jusqu'à la fin des planches, qui étant attachées enfemble formoient des Tablettes *. On gravoit ou fsculptoit en relief des figures, des ornemens, des marques, des noms ou devifes, fur des vafes qui fervoient aux Sacrifices, fur * Les Tablettes pour les befoins journaliers étoient faites avec de petites planches de bois enduites de cire. Elles prenoient leur nom du nombre de feuillets dont elles étoient compofées : les Diptyques en avoient deux, les Triptyques, trois. Martial dit au fujet de celles-ci : Vous ne regarderex plus comme un chétif préfent mes Tablettes quoique de trois feuillets feulement, quand votre Amante mettra au bas qu'elle fe trouvera au rendez-vous. Liv. 14. ep. 4. de petites tables de bois où l'on pofoit les fervices, fur les bois de lits fur les mortiers à piler le blé, fur les divers uftenfiles néceffaires à la vie fur les chariots & fur les boucliers: ces opérations fe faifoient fur le bois fur la pierre & fur les métaux. J'ai vû à Saint Germain-des-prés un Caillou très-ancien, fur lequel étoit une infcription en Lettres grecques, fculptées en relief, à la façon des planches d'impreffion. Enfin cet art étoit porté à un fi haut point de perfection, que l'Histoire nous apprend que Callicrate gravoit des vers d'Homère fur un grain de millet; & Myrmécide a sculpté des Ouvrages d'une fi grande délicateffe, qu'il falloit une attention infinie & des yeux excellens pour en diftinguer les objets. Ces opérations étoient analogues à la Sculpture & Gravure de nos premières planches d'impreffion, toutes exécutées fuivant les mêmes principes & avec les mêmes inftrumens. Les Anciens n'ignoroient pas l'art des em : preintes ; les marques de leurs fceaux ou cachets en font une preuve incontestable on le voit encore mieux par ce trait d'Agéfilas, qui voulant raffurer ses troupes par un prodige apparent, s'imprima fortement dans la main le mot NIKH avec des Lettres en relief, & ayant faifi promptement le foie de la victime, il le preffa dans fa main & y fit cette empreinte qu'il montra à fes foldats comme un figne affuré de la victoire. Ces différents traits & quantité d'autres du même genre se trouvent dans Paufanias, Diodore de Sicile, Plutarque, Pline & autres Auteurs anciens. La manière de graver des Lettres mobiles étoit en ufage du tems de S. Jérôme, il s'exprimoit ainfi en écrivant à Læta : « Qu'on faffe des Lettres << de bois ou d'ivoire, qu'on les donne << aux enfans pour jouer, afin que ce jeu puiffe leur fervir d'enfeigne <<<ment. On fait avec quelle ardeur les Arts en général étoient autrefois exercés, |