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M. PAGET:

J'en reçus une copie par mon dernier Pa quet, & je le trouve compofé d'une maniere enchantée, il faut avouer qu'il y a de beaux genies qui fe mêlent de nos affaires.

HEMSKERKE.

C'eft fans doute une piece fort curieuse, mais je voudrois neanmoins vous demander comment on a pû y mettre trois ou quatre certains mots qui ne manqueront pas de faire raifonner les Critiques.

M. PAGET.

Et quels mots, s'il vous plaît ?

HEMSKERKE.

Quoi! dans un Serment dire qu'on renon ce à un autre qu'on a auparavant prêté au Roi Jacques, n'eft-ce pas dire que le Ser ment même qu'ils font eft une pure chanfon dont il leur fera libre de faire quand bon leur femblera auffi peu de cas qu'ils font de l'au

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Eh! à vous dire le vrai, ce petit endroit merite quelque réflection ?

non;

HEMSKERKE.

Je le trouve ridicule, & jamais vôtre Maf tre ne le devoit fouffrir. Car ènfin, ou le Serment prêté au Roi Jacques étoit legitime ou s'il étoit legitime, on n'a pas pû le rompre; s'il ne l'étoit pas, il ne lioit point & l'on n'avoit pas befoin d'y renoncer : mais en difant qu'on y renonce, on avoue qu'il engageoit, & s'eft donner à chaque particu

fier le droit de fe dégager quand bon lui femble d'un Serment prêté à fon legitime Souverain, & fi j'avois été du Confeil de vôtre Prince,je n'aurois jamais fouffert qu'on fi eût inferé dans ce Serment une claufe de reE nonciation qui ouvre la porte pour renoncer for à celui-là même, fi par hazard le dégoût Yous prend.

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M. PAGET. Ne voyez-vous pas bien que c'est une adreffe fubtile du Parlement, qui plus fin que nôtre Maître a voulu par là établir les Peuples arbitres de leur propre fidelité & ne les lier qu'autant qu'il leur plaira ? Et lorfque vous avez fondé vôtre République, n'avez vous pas commencé par vous rendre les maîtres de vos Sermens? Ayez patience, & vous verrez où nos Non-conformistes ont deffein de faire aboutir tout ceci.

HEMSKERKE.

Lorfque nous avons fait un Acte de renoneiation au Serment que nous avions prêté à Philippe II. c'étoit en abjurant toute Souveraineté & nous établiffant dans l'indepen dance, comme Rome lorfqu'elle chaffa Tarquin, & l'on ne peut pas changer un Etat Monarchique en République fans cette Abju ration du Serment: mais quittant un Maître pour en prendre un autre, & en prêtant Serment lui dire qu'on renonce à celui qu'on avoit auparavant prêté, n'eft-ce pas lui dire en face qu'il ne fera Maître qu'autant qu'il Plaita à celui qui fe foumet, puifque ce fe

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Cond Serment l'engage encore moins que le
premier qu'il avoit legitimement prêté a
M. PAGET.

Pourvu que mon Maître foit Maître il ne fe foucie point à quelles conditions; il a la Couronne fur la tête, de l'argent tant qu'il lui plaît, & des Sujets qui croyent ce qu'il veut, voila l'effentiel, mais du refte il laiffe aux Chambres une pleine liberté fur la bagatelle, & ne leur envie point l'imagination qu'elles ont de difpofer de leur Serment qu'il leur fera bien garder quand ils voudront faire les bêtes, il a mis de fi bons caveffons à la bouche du cheval & de fi bonnes entraves d à fes piez qu'il n'eft pas en état de regim

ber.

HEMSKERKE..

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Mais pourquoi fouffre-t-il de la divifion catre les deux Chambres Et quel parti a-til pris dans leur démêlé lorsque la Haute & foutenu la conduite du Secretaire Nottingan, & la Baffe celle de l'Amiral Ruffel, à qui l'on imputoit le peu de profit que les Anglois ont tiré de l'avantage du Combat Naval

M. PAGET.

Mon Maître eft entre les deux Chambres juftement comme le Loup qui voit deux Dogues fe battre, & qui attend l'iffue de leur Combat pour profiter de leur affoibliffement, Bien loin d'apaifer les Contestations des Chambres, c'est lui qui fous-main fomente leurs démêlez, afin que dans les Contestations qui furviennent entr'elles, toutes deux

cherchent fon apui, & que favorifant tantôt lune & tantôt l'autre, il en obtienne adroite7ment tout ce qu'il veut.

HEMSKERKE.

C'eft-à-dire qu'il en afe à l'égard du Para lement à peu prés comme à l'égard de nos Etats d'Hollande. Je me fouviens que j'entrai la derniere fois dans l'Affemblée de ces Etats, ou leurs Hautes Puiffances Meffieurs les Deputez étoient affis dans leurs rangs chacun fur leur fiége, tandis que le Statouder étoit allé faire le Roi en Angleterre, d'où il épie ceux qui ne font pas leur devoir, c'est-à-dire la volonté, afin de leur donner un coup de patte: cela me fit concevoir que cette Affemblée reffembloit parfaitement à un cer tain Tableau que j'ai vu autrefois, où l'on avoit peint quantité de bons gros Rats chacun fur un beau fiége de Cuir bouilly, & un Chat qui les guettoit par la fenêtre pour fe jetter fur le premier qui le dérangeroit& qui n'executeroit pas ponctuellement ce qui lui eft ordonné. M. PAGET.

vernez

Cette peinture me femble affez faceticufe, & l'on ne peut mieux comparer vos Etats & leur Statouder, qu'à une troupe de Rats gouz par uo fin Matou qui les mange quand bon lui femble. Mais retournons au démêlé de Ruffel & de Nottingan. Vous fçavez fans doute, que le premier a remis fa Commiffion d'Amiral, ce qui a fort furpris l'Angleterre qui le voyoit apuyé de toute la Chambre Baf fe, mais en fçavez vous la raison ♪

HEMSKERKE.

J'en fçais quelque petite chofe, mais tous pouvez fans doute m'en dire davantage.

M. PAGET.

Lorfqu'un Maître veut fe difculper, il charge du mauvais fuccés d'une entreprife ceux qui n'ont fait fouvent qu'executer ponctuellement fes ordres. Ruffel aprés avoir eu fur Mer l'avantage que lui donnerent le vent & l'inégalité des Vaiffeaux, devoit, dit on, defcendre en France & tenit la Mer libre; ce, pendant la décente s'évanouit,& l'Angleterre n'a jamais fait plus de pertes que depuis c Combat. A qui la faute Nottingan qui dans le Secretariat a le département de la Mer, voulant couvrir les ordres qui ont été mal donnez, a tout imputé à la pretendue mauvaise conduite de l'Amiral, qui de fa part a tout imputé aux mauvais ordres de Nottingan. Et rejettant ainfi la faute l'un fur l'autre, ils flatoient tous deux fort agrea. blement leur Maître, qui par là fe fentoit difculpé, la Chambre Baffe apuya Russel, & la Haute foûtint le Sectetaire : mais parce qu'il y alloit beaucoup plus de l'honneur du Maître à maintenir les ordres donnez, puif. que Nottingan les avoit reçûs de lui, qu'à deffendre l'execution à laquelle il n'avoit point de part, il ne faut pas s'étonner fi l'on a facrifié le pauvre Ruffel qui de dépit a quitté l'Emploi.

HEMSKERKE.

I falloit cependant qu'il eût un tres-grand merite

Ge

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