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ront & envahiront la Hongrie, non pas en une Campagne, mais affez tôt pour expofer encore une fois Vienne au peril qu'elle a déja

couru.

M. PAGE T.

Mais fi cette Paix eft fi dangereuse pour l'Empereur, comment le Roi de Pologne poura-t-il jamais y donner les mains.

HEMSKERK E.

Chacun fonge à fon interêt propre, le Roi de Pologne en particulier, le Prince fon fils par fes vues, la République Polonoife par d'autres motifs, & les Palatins chacun à leur égard, ont tous des raifons preffantes de la fouhaiter, & comme les Turcs de leur part la défirent auffi, c'eft une affaire qui me pa; roît ne pouvoir manquer.

M. PAGET.

Auffi faut-il avouer que nous avons affaire à un Ennemi bien plus puiffant que nous ne nous l'étions imaginé.

HEMSKERKE.

Oui, fans doute, tout autre Monarqué que celui qui regne aujourd'hui dans la France, auroit fuccombé fous les éforts de la plus forte Ligue qui ait jamais été. Celle qui fût entre le Pape, l'Empereur, les Venitiens & le Roi d'Angleterre, contre Louis XII. n'en aprochoit pas, cependant nous perdons de tous côtez, & par tout ce Roi triomphe des Alliez. Ses lumieres à qui rien n'eft impenetrable, préviennent tous nos projets. Sa prudence qui agit à la fois dans toutes les

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parties du monde, en remue tous les refforts pour renverser ce qui nous paroît le mieux concerté. Sa valeur à la tête de fes Armées ne trouve rien ni dans l'art ni dans la nature qui puiffe faire obftacle à fes Victoires ; & enfin toute la deftinée de l'Europe roule fur les mouvemens que lui donne fon intelligenAce. Que peuvent faire des bras foibles contre la rapidité d'un Torrent?

M. PAGET.

Mais il me femble que pour un Hollandois vous pouffez bien loin fur cela vos idées, un Anglois n'en diroit pas tant.

HEMSKERKE.

Un Anglois qui aura l'efprit droit en dira, ou du moins en fentira encore plus que je n'en dis, puifqu'on ne peut fur cela pouffer trop loin fes idées. Ma République par les infpirations & pour l'interêt de nôtre Maître, a voulu fe rendre l'ennemie de ce Grand Monarque je ne pretens point manquer à la fidelité que je dois à ma Patrie, & je remplis toutes les fonctions de mon Emploi avec autant de zele & de chaleur que je le dois ; E mais cet amour ne me ferme pas les yeux pour m'empêcher de voir la vertu dans celui qu'on a voulu par interêt d'Etat avoir pour Ennemi.

M. PAGET.

Je vous trouve bien genereux, pour moi je vous avoue que je ne puis me refoudre à louer mes ennemis, quelques vertus qu'ils

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HEMSKERKE.

Une vertu commune dans un ennemi, n'a rien qui me touche, mais il en eft de fi fublimes qu'il faut les refpecter quelque part qu'elles fe trouvent. Tout ce que l'Histoire nous prefente de grand, a-t-il rien qui aproche de le grandeur de ce Roi ? Et la Fable elle même a-t-elle quelque chofe dans fes fictions qui aproche des veritez qu'il nous fait voir tous les jours ? La chimere que Bellerophon défit, étoit une chimere qui n'eft pas l'ombre de nôtre Ligue, Perfée qui vint à bout du Morfe qui vouloit dévorer fa chere Andromede, fit il un miracle qui puiffe entrer en comparaison avec ce que ce Monarque a fait pour fauver la France de la conjuration que nous avions faite conrr'elle ? Et Hercule tout copié qu'il eft fur le Samfon de l'Ecriture, a-t-il sien executé qui puiffe fe mettre en balance avec les Travaux de ce Monarque ?

M. PAGET..

En avez-vous encore beaucoup à dire ? Et penfez-vous que je fois venu en Turquie pour y entendre les louanges de l'Ennemi de mon Maître a

HEMSKERKE.

En quelqu'endroit du monde que vous puiffiez aller, la Renommée y publie fa gloire. Si le bruit des Travaux d'Hercule fut porté des Indes jufqu'à ces deux fameux Rochers qu'on dit qu'il fépara d'un coup de Maffuë pour faire engolpher l'Ocean dans le milieu de la

E Terre, ceux de LOUIS LE GRAND font & feront bien plus de bruit dans l'Uniyers, & paffant au-delà de ces Colonnes qui fervirent de bornes aux Expeditions d'Her cule, ils n'en auront point d'autres que celles nt de la Terre. C'est le veritable Hercule dont celui que les Gaulois adoroient n'étoit qu'u ane figure imparfaite. En effet vous fçavez que les Gaulois peignoient leur Hercule avec une infinité de chaînes qui fortant de fa bouche atachoient le Peuple par les oreilles, vePerf ritable image de l'obéiffance parfaite des Peuples qui fait toute la puiffance d'un Etat; mais l'Hercule. que les François voyent auaa jourd'hui devant leurs yeux, ne les tient pas Frenchaînez par les oreilles, c'eft leur cœur qui eft enchaîne, mais c'eft d'un lien doux, c'est des liens d'un amour fincere que tous fes Sujets ont pour lui, qui fait leur union invincible, & qui le rendra toûjours le Maître de fes Ennemis.

C

dire

M. PAGET.

Et ne prenez-vous pas auffi nôtre Maître Tre pour un Hercule ?

HEMSKERKE.

Qui vôtie Roi Guillaume.

Oui.

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M. PAGET.

HEMSKERKE.

C'est à vous à voir s'il a executé des Tra vaux qui puiffent meriter ce nom.

M. PAGET.

En doutez vous ? pour moi je le trouve un

triple Hercule, puifque ce Heros de l'Antiquité ne dépouilla qu'un Lion,& que celui-ci a pris tout d'un coup la dépouille de trois Leopars.

HEMSKERKE.

Vrayment, vous me faites fouvenir d'un Conte que me faifoit ces jours paffez un François.

M. PAGET.

Et que difoit-il ?

HEMSKERKE.

Des Vers que je retins parce que je les trouvai fort plaifans. Il avoit vû certaine Medaille où nous avons fait graver ce Roi Guillaume fous la figure d'un Hercule, quelques perfonnes rioient de la Comparaifon, & difoient que dans toute la vie de ce Prince, on ne pouvoit pas trouver la moindre chofe qui entrât en paralelle avec les Travaux d'Hèrcule, & fur cela il nous dit ce peu de Vers que je vais vous reciter. Ecoutez, les voici Sur la Comparaifon d'Hercule

du Roi Guillaume.

MADRIGAL.

CES

ES jours paffez un Ridieule,

En parlant de Guillaume & de tous fes Combats,

Difoit qu'il ne reffembloit pas

Au Heros qui jadis porta le nom d'Hercule.

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