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M. PAGET.

Il nous en prendroit mal fi par nos avis il n'avoit atité fur foi le plus fort de la tempête; car enfin où en étions-nous fi nous l'cuffions effuyée toute entiere ? Mais il nous abandonne bien au besoin, & s'il avoit pû vivie encore quelques années en fanté, mon Maître ne s'en feroit pas mal trouvé.

HEMSKERKE.

Il avoit pour nous deux oreilles, & celui que la nature défigne fon fucceffeur,n'en aura pas une feule bonne à nous prêter.

M. PAGET.

Le Teftament de celui-ci n'y pourvoit-il

pas?

HEMSKERKE.

Bon! il apartient bien à un Souverain de difpofer de la proprieté de fa Couronne dont il n'a que le fimple ufufruit. Penfez-vous que le Duc foit en droit de fe choifir par Teftament un fucceffeur, la Loi de l'Etat y a pourvů, & toutes les difpofitions particulieres n'y peuvent donner atteinte. Mais à quoi les heritiers doivent prendre garde, c'eft ·les Espagnols ou les Allemans dans le moment d'un changement d'Etat, ne s'emparent de la Citadelle de Turin, comme ils en ont une furieufe envie.

M. PAGET.

que

C'eft furquoi l'on a pris des précautions: & comme l'invafion qu'en feroient les Alle mans ou les Espagnols ne peut fervir der au refte des Confederez, nous aurons pei

à p

Du

Com

E

à permettre que la Maifon d'Autriche se rende maîtreffe du Piémont; car l'Empereur deftinant l'Archiduc fon fils à recevoir malgré le Pape la démiflion que le Roi d'Efpagne lui veut faire du Royaume de Naples & du Duché de Milan, ou du moins méditant de s'en emparer aprés la mort de ce Roi; comme cet État accommoderoit extrêmément de proche en proche le Milanés, il pouroit rendre la Maifon d'Autriche trop puiffante en Italie, & ce n'eft pas ce que nous voulons, quoique l'Empereur foit nôtre Allié, car tel l'eft aujourd'hui qui demain ne le fera plus.

HEMSKERKE.

Je fuis même tres perfuadé que fi les Princes opolans retirent leurs Troupes de Hongrie, , comme on le dit, & que les Turcs réfolus à ne point faire la Paix y deviennent les 2plus forts, l'Empereur cherchera bien-tôt à faire fa Tréve particuliere avec la France. 11 nous promet bien qu'il n'en fera rien, mais un Souverain eft il obligé de tenir ce qu'il promet lorfque fon interet s'y opofe

M. PAGET.

Ce feroit un coup de maffuë fur nôtre tête, & principalement dans l'état où en font les chofes en Angleterre, où nôtre Maître vient d'avoir, fuivant qu'on me le mandé, une rerrible couleuvre à avaler.

HEMSHERKE.

Faites-moi part je vous prie d'une nouvelle de cette confequence, puifqu'on ne peut s'intereffer davantage que je le fais à tout ce qui * le touche.

D

il

M. PAGET.

Vous fçavez que nôtre Parlement voulant y a deux ou trois ans réfoudre à quel titre la Couronne étoit poffedée par le Roi Guil laume & la Reine Marie, declarerent qu'ils la poffedoient de Fait & non de Droit, ne pouvant en trouver aucun qui établit en leur perfonne une Puiffance auffi legitime que nous l'aurions défiré.

HEMSKERKE, Je fçais cela, & que dans ce temps-là on en raifonna fort jufte.

M. PAGE T.

Or ce Prince qui voit de quelle confequen ce eft cette declaration, qui tend à donner le pouvoir à ceux qui lui ont livré la Couronne, de la lui ôter quand ils voudront : & defirant avoir enfin un Titre qui lui donne un droit au Thrône, & le rendre en quelque maniere indépendant du caprice du Peuple, il a confulté le grand Arboutant de fon Confeil fecret. HEMSKERKE.

Qui le Docteur Burnet, ce grand Prêcheur de tout ce qui plaît à fon Maître?

M. PAGET.

Juftement, ce fameux Evefque de Salisburi qui a tant contribué à la Révolution de l'Etat. Il le confulta donc, & ce Docteur qui a les vues particulieres, promit à fon Maître de lui établir en bref un droit qui fonderoit legitimement fa domination, & fur cette promeffe s'étant lié de correfpondance avec un de ces hommes hardis qui fçavent par

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leurs Ecrits donner la couleur qui leur plaît à une afaire, ils ont ensemble machiné..... HEMSKERKE.

Quoi? quon t-ils fait ?

M. PAGET.

Ils ont tous deux de concert avec le Roi mon Maître, entrepris de le faire Roi de Droit; & Burnet pour ne pas éfaroucher tout d'un soup les efprits, a fait marcher devant comme un enfant perdu, une prétendue Lettre Paftorale, qui fous prétexte de Religion & d'infinuer au Peuple le de. voir dont les Sujets font tenus envers Dieu & envers leurs Souverains, portoit en fubtance, que Dieu par les fecrets de fa Providence ayant envoyé ce Prince pour eftre le Liberateur des peuples d'Angleterre & l'Extirpateur du Papifme, a tellement beni une fi fainte entreprise, qu'il lui a fait conquerir ces trois Royaumes fans aucune effufion de fang.

HEMSKERKE.

Quoy Burnet s'eft fervi de ces termes dans une Lettre Paftorale.

M. PAGET.

Ce n'étoit là qu'un petit coup échapé pour tâter les efprits, & ouvrir la carriere à l'autre pour établir par un Traité fait exprés, la domination du Roi Guillaume & de la Reine Marie, fur un droit de conquefte. Cét Ecrit fit brüit, émut & choqua les Communes, & le Parlement le fit examiner comme rempli de maximes contraires à l'Etat. Ses amis & les affidez ferviteurs du Maître, firent

T

qu'on ne pouffa pas la chofe p'us loin ; mais incontinent aprés ce prélude, fon complice cheva le coup, & mit au jour avec permiffion un Livre fait de propos délibré pour prouver que le Roi Guillaume & la Reine Marie ont veritablement conquis l'Angleter re, & que par cette Conquefte ils ont un droit legitime à la Couronne.

HEMSKERKE.

Diantre. Vous me parlez là d'un Ecrit qui la donneroit bonne à vôtre Parlement.

M. PAGET.

L'on n'a pas eu peine à penetrer que c'étoit un coup de Guillaume qui enfonçoit un peu trop dans le bois. L'Ecrit étoit imprimé & publié avec la permiffion de Bohun, qui ne pouvoit l'avoir fait fans un ordre exprés du Prince. En moins de deux heures la ville de Londres en fut femée, mais le Parlement indigné de cette infulte faite à l'autorité qu'il prétend avoir, ne s'eft pas contenté de prof crire ce Libelle, mais pour faire compren dre au Roi Guillaume qu'on en connoiffoit la fource & qu'il étoit une fuite de la Lettre Paftorale de Burnet qu'on avoit trouvée infolente, il fut ordonné tout d'une voix quer les deux Ecrits feroient brûlez par la main du Boureau: mais devineriez-vous bien où? HEMSKERKE.

A Tyburne.

M. PAGE T.

Non. Mais à la porte du Roi lui-même, c'eft-à-dire devant la porte de Weftminster,

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