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sidérable depuis la guerre de 1789 avec la Russie, et que, pour l'acquitter, les impositions avaient presque été doublées. Chacun se félicitait de la paix, et en désirait la continuation.

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Les premières années du règne de Gustava IV avaient été dirigées d'une manière analogue à ces considérations. Le monarque paraissait avoir saisi les principes qui devaient dominer dans l'administration de ses états: il s'était prescrit une économie sévère; ses mœurs et le ton de sa cour annonçaient une sagesse et une modération rares à son âge; il donnait une attention suivie aux projets d'amélioration qu'on lui présentait, et l'agriculture, les fabriques, les mines lui furent redevables de plusieurs mesures utiles. Il paraissait éloigné de toute entreprise guerrière. On ne le comparait ni à Gustave-Adolphe II, ni à Charles-Gustave, mais on croyait qu'il rappellerait ce Charles XI, qui, sans avoir des qualités brillantes, parvint,

par une grande fermeté, par l'amour de l'ordre, et par un système pacifique, à donner au pays une prospérité intérieure qu'il n'avait pas connue aupara

vant.

En 1803, le roi fit un voyage en Allemagne, et séjourna quelque temps sur les bords du Rhin. Quand il fut de retour dans ses états, on s'aperçut bientôt d'un changement: les négociations politiques prirent une grande activité; il fut expédié des ordres aux troupes, et l'horizon de la Suède se couvrit de nuages. La guerre fut enfin formellement déclarée à la France, et un corps d'armée passa en Pomeranie. Toutes les propositions du gouvernement français pour rétablir la bonne intelligence entre deux nations si long-temps amies et alliées, furent rejetées, ainsi que celles de la Russie, lorsque la paix de Tilsit était l'objet des négociations.

Il avait cependant été conclu' un armistice en Poméranie entre les troupes

du roi de Suède et celles de l'empereur des Français; Gustave le fit cesser immédiatement après la conclusion de la paix à Tilsit, au moment où la France n'avait plus aucun autre ennemi à combattre sur le continent. La lutte ne put être longue; en peu de jours la Poméranie fut prise, et Stralsund assiégé. L'armée suédoise s'était retirée dans cette ville, ayant le roi à sa tête; on s'attendait à une résistauce opiniâtre ; mais l'ordre arriva d'évacuer la place, et les habitans furent requis de capituler en leur nom avec l'ennemi. Le roi repassa en Suède, et son armée, après avoir campé quelque temps à l'île de Rugen, prit la même route.

On avait lieu de croire que la perte de la Poméranie et celle d'une partie des troupes changeraient les dispositions du monarque suédois, et qu'il songerait à faire la paix; mais il resta attaché à son système. Les négociations avec l'Angleterre continuèrent, et un traité

de subsides mit le sceau à la bonne intelligence avec la cour de Londres. II faut recueillir ici quelques circonstances particulières qui peuvent avoir eu une influence importante.

Il avait paru en Allemagne un livre ayant pour auteur un homme connu sous deux noms, Jung et Stilling; ce livre est un commentaire de l'Apocalypse, rempli d'allusions aux événemens du temps, et de prophéties appuyées sur des combinaisons d'années, de nombres et de noms; il s'agit, entre autres, d'une grande révolution en Europe, dont l'époque est déterminée vaguement. Le livre fut traduit en suédois, et parvint à la connaissance de la cour; on le lut avec empressement, et il fut du bon ton de pouvoir en parler. Les courtisans, visionnaires par conviction ou par intérêt, le trouvèrent très-remarquable, et prétendirent en avoir la clef. Un esprit, porté depuis long-temps à l'exaltation religieuse,

eut l'occasion de la nourrir et de la combiner avec des objets qui ne l'occupaient pas moins fortement.

A peu près dans le même temps, il fut résolu de découvrir la statue de Gustave III, érigée en souvenir des victoires que ce prince avait remportées dans la guerre de Finlande. Gustave IV présida lui-même à la cérémonie, entouré de sa cour et d'un détachement

de troupes. Le gouverneur de la ville prononça un discours où il rappela les entreprises et les exploits des grands princes de la Suède, n'oubliant pas les allusions au règne de celui qui rendait un hommage solennel à la mémoire de Gustave III. Il y eut ensuite une illumination brillante et des fêtes données par la bourgeoisie de Stockholm. Cette pompe triomphale fit naître un autre genre d'exaltation, et ce qui était extraordinaire ou surnaturel fut saisi pour nourrir des espérances et pour consolider des résolutions.

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