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TITRE QUATRIÈME

DE LA FILIATION

PRÉLIMINAIRES

On appelle filiation le lien de parenté qui unit l'enfant à ses père et mère. On la distingue en trois espèces : la filiation légitime, la filiation naturelle et la filiation adoptive. Les deux premières sont l'œuvre de la nature, la troisième résulte d'une fiction de la loi.

La filiation légitime a sa source dans le mariage : sont donc légitimes les enfants issus des œuvres de deux personnes régulièrement mariées.

La filiation illégitime ou naturelle résulte du commerce de deux personnes en dehors du mariage. Elle est naturelle simple, adultérine ou incestueuse, suivant la nature des rapports qui ont existé entre les père et mère de l'enfant au moment de sa conception.

CHAPITRE I

DES ENFANTS LEGITIMES

SECTION I

Généralités.

La légitimité ne peut avoir sa source que dans le mariage. L'enfant qui en réclame le bénéfice doit donc

prouver: 1° que sa mère est ou a été mariée; 2° qu'elle est devenue mère pendant le mariage; 3° qu'elle a conçu pendant le mariage. Les deux premiers faits se prouvent au moyen des actes de l'état civil; quant au troisième, aucun fait extérieur ne le révélant à nos investigations, la loi en permet la preuve au moyen de simples présomptions et, à défaut de données scientifiques, elle a adopté le calendrier républicain, fixant à six mois de ce. calendrier, c'est-à-dire 180 jours, les plus courtes gestations, et à dix mois, c'est-à-dire à 300 jours, les plus longues. De telle sorte que si la femme met au monde un enfant au moins 180 jours après la célébration de son mariage, cet enfant est légitime; de même aussi sera légitime l'enfant qui naîtra dans les 300 jours qui suivront la dissolution du mariage.

SECTION II

Du désaveu de paternité.

Tout enfant né pendant le mariage et dans les délais que nous venons d'indiquer, est légitime. Cependant la loi permet au mari, dans certains cas exceptionnels, de lui contester cette qualité, et cela, au moyen d'une action spéciale appelée action en désaveu.

Il y a trois causes de désaveu de paternité:

1° Impossibilité physique de cohabitation entre les époux ;

2° Impossibilité morale de cohabitation;

3o Naissance hâtive de l'enfant.

-

1° Impossibilité physique de cohabitation. — Le mari est recevable à désavouer l'enfant conçu pendant le mariage, lorsqu'il prouve que durant toute la période fixée par la loi pour la conception, il ne ne lui était pas matériellement possible de cohabiter avec sa femme. La preuve peut résulter de l'incarcération de l'un des

époux et de leur non réunion pendant la durée de cette période, d'une mutilation, d'une blessure, etc... Il serait déraisonnable de vouloir énumérer tous les cas. Quant à l'impuissance naturelle, le mari ne pourra jamais l'invoquer, la loi est formelle à cet égard.

2o Impossibilité morale de cohabitation. - La loi, après avoir dit que le mari ne pourra pas désavouer l'enfant en alléguant son impuissance naturelle, ajoute (art. 313): <«< Il ne pourra même pour cause d'adultère, à moins que la naissance ne lui ait été cachée, auquel cas il sera admis à proposer tous les faits propres à justifier qu'il n'en est pas le père. » Le recel de la naissance de l'enfant permet au mari de fournir à l'appui de son désaveu des preuves morales de non cohabitation: son grand âge, ses infirmités, des querelles intestines, etc.

«En cas de jugement ou même de demande, soit de divorce, soit de séparation de corps, le mari peut désavouer l'enfant né 300 jours après la décision qui a autorisé la femme à avoir un domicile séparé, et moins de 180 jours depuis le rejet de la demande ou depuis la réconciliation. L'action en désaveu n'est pas admise s'il y a eu réunion de fait entre les époux. » (Loi du 6 décembre 1850.)

En cas de séparation de corps prononcée, les enfants de la femme peuvent être légitimes, à n'importe quelle époque qu'ils viennent au monde, s'il y a eu réunion de fait entre les époux. Mais il en est bien différemment en cas de divorce régulièrement transcrit à l'état civil, et quand bien même cette réunion de fait viendrait à se produire, la femme ne peut plus accoucher que d'enfants naturels, ou d'enfants légitimes si elle se remarie. 3° Naissance hâtive de l'enfant. La moindre durée de la gestation étant, d'après la loi, de 179 jours pleins, il en résulte que l'enfant né avant le 180° après la célébration du mariage, doit avoir été conçu avant cette

célébration. Le mari seul est réputé savoir ce qui s'est passé; s'il a des doutes sur sa paternité, il désavouera l'enfant. Ici encore, son désaveu est péremptoire.

Moyen d'écarter l'action en désaveu pour cause de naissance hâtive. La loi a un moyen d'écarter l'action en désaveu d'un enfant dont la naissance a été trop précoce dans trois cas déterminés :

1° Si le mari a eu connaissance de la grossesse de sa future, on en conclut qu'il y a eu de sa part aveu tacite de sa paternité;

2° S'il a assisté à l'acte de naissance, et si cet acte est signé de lui ou contient sa déclaration qu'il ne sait signer; ces faits établissent encore un aveu tacite ;

3° Si l'enfant n'est pas né viable. Mais à quoi bon, puisqu'aucun droit ne peut être acquis par cet enfant ? A qui appartient l'action en désaveu en cas de naissance précoce. Tant que le mari est vivant, l'action n'appartient qu'à lui. Après son décès, elle passe à ses héritiers, mais à la condition qu'il soit mort avant l'expiration du délai où il lui était encore permis de l'exercer et qu'il n'ait pas renoncé à l'exercice de son droit.

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Délais. << Dans les cas divers où le mari est autorisé à réclamer, il devra le faire dans le mois, s'il se trouve sur les lieux de la naissance de l'enfant; - dans les deux mois après son retour, si, à la même époque il est absent; dans les deux mois après la découverte de la fraude, si on lui avait caché la naissance de l'enfant. » (Art. 316.)

<< Si le mari est mort avant d'avoir fait sa réclamation, mais étant encore dans le délai utile pour la faire, les héritiers auront deux mois pour contester la légitimité de l'enfant, à compter de l'époque où cet enfant se serait mis en possession des biens du mari, ou de l'époque où les héritiers seraient troublés par l'enfant dans cette possession. » (Art. 317.)

Il y a, pour le mari ou pour ses héritiers, un moyen de

prolonger le délai de l'action en désaveu. Ce moyen consiste à recourir à un acte extra-judiciaire par huissier ou par notaire, et alors le mari ou ses héritiers, fussent-ils au dernier jour des délais qui leur sont impartis par la loi, qu'ils auraient encore un autre mois pour former leur réclamation. Voici comment se dresse ordinairement cet acte extra-judiciaire.

FORMULE OU MODÈLE D'UN ACTE DE DÉSAVEU DE PATERNITÉ.

Par devant Me François Bazin et l'un de ses collègues, notaires à Paris, soussignés,

A comparu:

M. Louis Perrault, propriétaire, demeurant à Paris, rue de Seine, n° 25,

Lequel, préalablement au désaveu faisant l'objet des présentes, a exposé ce qui suit:

Le 16 juin 18..., le comparant a été écroué à la maison d'arrêt de Sainte-Pélagie, ainsi que cela résulte des registres du greffe de cet établissement.

A la date du 16 décembre de la même année, il a été mis en liberté et il est rentré en sa demeure à Paris, où il a continué de séjourner avec Mme Louise Thévenin, son épouse.

Le 7 juin, présent mois, conséquemment plus de trois cents jours depuis l'incarcération du comparant et moins de cent quatre-vingts jours depuis sa mise en liberté, la dame son épouse, née Thévenin, est accouchée d'une enfant du sexe féminin dont la conception remonte à une époque où le comparant était absent, de sorte que celui-ci refuse de se reconnaître le père de cette enfant.

Néanmoins, l'enfant a été inscrite à la date du... sur les registres de l'état civil de la mairie du sixième arrondissement, sous le prénom de Marguerite, comme étant issue du mariage d'entre M. et Mme Perrault.

Ceci exposé, le comparant, usant des dispositions de l'article 312 du Code civil, déclare repousser la paternité de cette enfant et, en conséquence la désavouer formellement. Dont acte. Fait et passé, etc.

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