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ment de politique. Déja le général Buonaparte lui-même est descendu du style d'Alexandre à celui de Titus; et le même qui écrivoit au cardinal Mattei, que pour détruire la puissance du pape, il n'avoit besoin que de la volonté de le faire, dit dans une derniere lettre envoyée à Rome, en date du 28 novembre, qu'il aime mieux être le sauveur du chef de l'église et de ses belles contrées, que leur destructeur. Les français auroientils donc reçu du pape l'exemple de la modération et de la sagesse? Auroient-ils été désarmés par sa noble contenance , ou déconcertés par son inflexible refus? Est-ce la crainte du sort des armes, où l'amour de la justice qui dicte ce nouveau traité? L'événement nous l'apprendra. En attendant, livrons-nous à l'espoir de voir bientôt cesser une guerre aussi alarmante pour l'église, que déshonorante pour la philosophie.

L'anecdote de la religieuse folle, enfermée dans un cachot, par l'abbesse de la Ramée, est reconnue maintenant pour une imposture, à laquelle nous n'avons pas à nous reprocher d'avoir cru un seul instant. Mais l'expulsion des religieux et religieuses de la Belgique n'en continue pas moins de se faire à l'ordinaire c'est-à-dire, par la violence. Un grand nombre de couvens ont été évacués depuis peu de jours dans le département de la Dyle. Les individus qui les composoient ont généralement refusé les bons territoriaux qu'on leur a présentés au nom de la République, et tous ont

protesté contre la violence qu'on leur fait. Par-tout il a fallu déployer la force militaire pour les forcer à sortir de chez eux. Les capucins de Louvain se sont sur-tout distingués par leur fermeté. Un détachement de troupes a été les prendre dans l'intérieur du couvent et les a conduits jusqu'à la rue. Là, le gardien s'est écrié: Je proteste devant le ciel que nous ne sortons que par la force, que moi et mes confreres restons capucins, que nous souffrons pour la religion, et sommes prêts, s'il le faut, à en devenir les martyrs. Après ce discours, tous les religieux s'agenouillerent et reçurent la bénédiction de leur gardien. Cette scene s'est passée devant la troupe assemblée. et en présence d'une foule de citoyens.

Les philosophes souriront sans doute de pitié à cette capucinade; mais il est plus aisé d'en rire que de l'expliquer. Quelle est donc cette force inconnue et ce lien invincible qui, plus puissant que le plaisir, l'intérêt et toutes les passions, attache ainsi des hommes à un état de pauvreté, d'humilité et de dépendance? On ne manquera pas sans doute de nous dire que c'est là du fanatisme. Certes, voilà un fanatisme bien étrange, ainsi qu'une maniere fort commode pour répondre à toutes les difficultés. Mais si ce prétendu fanatisme confond toutes les regles du coeur humain et ne peut s'expliquer que par quelque chose de surnaturel, nous concevons parfaitement le fanatisme des philosophes, et nous voyons bien clairement qu'il est dans toutes les regles de la perversité humaine d'avilir ceux que l'on hait; de haïr ceux qu'on persécute; de persécuter ceux

qu'on calomnie, et de calomnier ceux qu'on dépouille.

Des lettres récentes de la Belgique nous apprennent que les religieux et religieuses après avoir été expulsés de leurs couvens, se sont réunis en communautés, le plus qu'il a été possible, dans des maisons particulieres qui leur ont été offertes, pour y vivre, autant que les circonstances le permettent, suivant les regles de leur état. Ils y chantent les diving offices; ils y font leurs pieuses lectures; ils y pratiquent toutes les mortifications de leur regle, devenues encore plus pénibles dans leur cruelle position. Des aumônes abondantes suppléent, du moins jusqu'à présent, au dénuement total où ils se trouvent; et on ne sait ce qu'il faut admirer le plus, des religieux qui donnent un si bel exemple de fidélité à leurs engagemens, ou de ces ames pieuses qui montrent tant de générosité pour ces respectables victimes. Il paroît que l'on aura bien de la peine à dérouiller ces pauvres belges, qu'ils sont encore bien novices en morale bien au-dessous des grands principes, et qu'il leur reste bien du chemin à faire, pour devenir philosophes.

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Il nous est parvenu quelques réclamations au sujet de nos réflexions insérées dans le No. précédent, relativement à l'acte de soumission aux loix du gouvernement. Voici le passage qui a causé ces inquiétudes; sans doute

parce que nous ne nous sommes pas expliqués avec assez de clarté.

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Que doivent faire les ecclésiastiques des » dioceses dont les évêques condamnent cette >> soumission? Loin, de nous l'idée de leur prêcher l'insubordination et la désobéissance » envers l'autorité spirituelle; qu'ils attendent en silence, que leurs évêques, mieux infor» més sur les convenances des lieux et sur le » véritable état de la question, se réunissent » à ceux de leurs illustres collegues dans l'épis» copat, etc. »

Nous n'avons pas sans doute prétendu par ce langage de paix et de modération, insinuer que des curés légitimes qui ont fait l'acté de soumission, s'interdisent l'exercice des fonctions du saint ministere et attendent dans l'inaction que leurs évêques, qui ne sont point encore convaincus de l'authenticité du bref du 5 juillet dernier, se soient réunis de sentimens sur cet objet aux autres évêques qui n'ont aucun doute à cet égard. En exhortant les ecclésiastiques à attendre en silence, nous avons voulu seulement les engager à éviter toute contention, toute scission qui pourroit être scandaleuse à s'estimer réciproquement quelque opinion que l'on ait à cet égard de part et d'autre, puisque nous n'avons tous qu'un même but, le bien de la religion, les mêmes dispositions de cœur et d'esprit à nous soumettre également à nos évêques et au chef de l'église que tous soumis par le fait aux loix du gouvernement, nous ne sommes uniquement divisés que sur le plus ou le moins de certitude à l'égard d'une décision qui ne

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tardera pas à être uniforme, constante et générale, quand nos évêques dispersés, et qui ne peuvent, dans leur isolement et à une si grande distance les uns des autres, prendre une décision commune, auront pu se concerter, s'éclairer réciproquement sur le véritable état des choses et sur la question qui nous divise, pourront communiquer aux ecclésiastiques. incertains au sujet de cet acte de soumission, dont le refus prive les fideles des secours de la religion, où les livre à de faux pasteurs, qui, sans cette difficulté, seroient déja anéantus, ce que nous venons d'apprendre immédiatement, d'une personne qui arrive de Londres, et qui a eu occasion d'y voir plusieurs de nos évêques. Ils lui ont dit expressément, que tous, à l'exception d'un seul, auquel peut-être appartient l'écrit anonyme qu'on nous a souvent opposé, étoient du même avis, à l'égard de cet acte de soumission; qu'ils pensoient tous qu'on ne pouvoit le refuser au gouvernement qui Pexigeoit, et que s'ils étoient actuellement en France, ils seroient les premiers à douner Pexemple. Nos lecteurs peuvent bien penser que nous avons trop de respect pour les Inmieres et les vertus de ces prélats que leurs malheurs nous rendent encore plus chers, et que nous regardons toujours comme nos senls évêques légitimes, pour les faire parler, si nous n'avions pas la certitude morale de ce que

nous avançons.

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