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bonne fois, et vous verrez si nous n'aimon pas tout ce qui est bon, tout ce qui est utile tout ce qui nous prouvera que la tolérance n'est pas un vain nom, et la liberté une chi

mere.

Mais non, ce ne sont pas les prêtres qui n'aiment pas la république; c'est peut-être la république qui n'aime pas les prêtres. Ce sont peut être les philosophes qui veulent anéantir la religion pour se mettre à sa place, et qui travaillent à l'arracher au peuple, pour le rendre plus souple à leur domination. Regner exclusivement, voilà toute leur politique. N'inspirer d'autre crainte que la leur, voilà toute leur religion. C'est Nabuchodonosor qui veut briser toutes les statues des dieux, pour qu'on n'adore plus que la sienne.

Joignons à cet orgueil incurable chez les philosophes, la haine qu'ils ont pour Dieu même. Après l'avoir chassé de la constitution, ils voudroient encore, s'il étoit possible, l'expulser de l'univers. Impuissans pour l'anéantir an fond de leur cœur, ils s'efforcent au moins d'effacer de dessus la terre, tous ces prêtres importuns, dont la présence le leur rappelle sans cesse. Trop foibles pour détrôner le soleil qui regne au firmament et les investit de sa lumiere, ils croient au moins qu'ils pourront l'obscurcir à leurs propres yeux, en jettant vers le ciel quelque peu de poussiere. Ne pouvant se venger de l'auteur de leur existence, don la pensée les épouvante, ils veulent le dégrader, autant qu'il est en eux, dans ses propres ministres, et repousser bien loin ces témoins incommodes d'une morale publique et d'une

vengeance céleste. Oui, ils poursuivent les prêtres, parce que leur conscience les poursuit. Ils ont peur des prêtres, parce qu'ils ont peur d'un avenir. C'est foiblesse chez eux, autant qu'atrocité. Pauvres esprits! Ils font les dédaigneux et les superbes, et ils ne sont que des lâches et des poltrons.

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Une autre cause peut encore nous expliquer cet acharnement sans exemple et cette inépuisable animosité contre les prêtres, dont la sécution réjouit chaque jour le cœur des philosophes, et leur fait passer de si doux momens. C'est le mal même qu'ils leur ont fait. C'est la conscience de leurs propres injustices qui les tourmente. C'est le besoin malheureusement trop réel qui existe dans l'homme, de persécuter, parce qu'il a persécuté, et de haïr. parce qu'il a hai. C'est ce cri intérieur, qui sans cesse leur dit que si jamais justice se faisoit..... Mais qu'ils se rassurent, la religion qu'ils persécutent, fait elle-même leur propre sûreté. Si les prêtres d'un Dieu clément ont montré qu'ils savoient souffrir, ils prouveront toujours qu'ils savent pardonner: et c'est ici, sans doute, qu'ils adressent à leurs ennemis ces paroles célebres, qui ont cessé d'être profanes par la sublimité des sentimens qu'elles inspirent:

Des dieux que nous servons connois la différence': Les tiens t'ont commandé le meurtre et la vengeance; Et le mien, quand ton bras vient de m'assassiner, M'ordonne de te plaindre et de te pardonner.

O mystere des destinées humaines ! Ce sont les prêtres qui nous ont élevés, qui nous ont

instruifs, qui nous ont enseigné la plus pure morale, qui nous ont inspiré cette douceur de mœurs, qui distinguoit jadis le peuple français de tous les peuples de l'Europe. Notre littérature, ils l'ont enrichie : notre langue, ils l'ont créée : nos établissemens utiles, ils les ont tous élevés par leurs mains ou soutenus par leur zele. Tout ce que la vertu a de plus grand et le génie de plus auguste, ce sont eux qui l'ont produit. Qui nourrissoit les pauvres? Qui reconcilioit les familles? Qui consoloit les infirmes? Qui assistoit les mourans? Il y avoit sans doute parmi eux des hommes qui déshonnoroient leur état par le scandale de leurs mœurs; mais c'étoient des philosophes qu'on voyoit dans les académies. C'étoient des prêtres qui n'étoient pas prêtres et tous les autres attachés à leurs saintes fonctions, n'en formoient pas moins la classe la plus utile, la plus éclairée, la plus incontestablement vertueuse, la plus portée vers cette heureuse tolérance qui concilie tout-à-lafois les intérêts de l'humanité et ceux de la religion. Hélas! vertus, talens, bienfaits, exemples, tout a été oublié. C'est sur eux que sont venu fondre toutes les calamités. C'est sur ces hommes de consolation et de paix, qu'on a couru comme sur des bêtes féroces; et par une inconséquence dont les Français sont seuls capables de donner l'exemple, tandis qu'ils élevoient une statue au prêtre Fénélon, ils aigui soient de l'autre le poignard qui devoit égorger les prêtres. Fénélon! quel touchant souvenir quel nom doux à notre ame! Ah! il nous semble en ce moment voir son ombre pacifique et aimante, s'indigner dans son tombeau.

Il nous semble l'entendre ici, s'adressant aux Français et leur dire: « Eh quoi, vous philosophes, vous admirateurs de mes écrits, vous panégyristes de ma douceur et de ma tolérance, auriez-vous donc oublié que moi aussi j'ai été prêtre de cette religion contre laquelle vous vous élevez aujourd'hui? Si j'ai rempli quelques devoirs et pratiqué quelques vertus, c'est l'esprit de mon état qui me les a inspirés. En vain voudriez-vous me séparer de mon saint caractere; tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai dit, je l'ai dit, je l'ai fait comme prêtre. Ce n'est pas comme philosophe, c'est comme prêtre que je visitai les chaumieres. Ce n'est pas comme philosophe, c'est comme prêtre que j'assistai la veuve et consolai l'orphelin. Eh! qui de vous pourroit donc me faire l'outrage de supposer que j'ai prêché une religion à laquelle je ne croyois pas, et, exercé un sacerdoce dont les principes n'étoient pas dans mon cœur ? La cause des prêtres est donc inséparable de la mienne. Ils pensent comme moi, et j'ai pensé comme eux. J'ai été élevé comme eux; j'ai prêché la même morale qu'eux; le serment qu'ils ont refusé, je l'aurois refusé comme eux; et cependant vous me traitez de sage, et eux de fanatiques vous m'élevez des statues, et Vous les accablez, d'outrages: Ah! brisez ma statues ou cessez de persécuter mes freres, et songez que s'ils sont dignes de votre haine, je le suis de votre mépris ».

Séance du conseil des Cinq-Cents, 29 pluviose. (17 février.)

Le directoire a envoyé soixante-six liasses de pieces relatives aux prêtres, que l'on s'obstine toujours à appeler réfractaires, non-seulement contre la vérité, mais contre la loi même. Plus, un rapport du ministre de la police sur l'esprit public des départemens de l'Eure et des Landes. Dans l'Eure, selon le ministre, les mécontens se multiplient, et la ruine des propriétaires et des créanciers y contribuent les réfractaires confessent, disent la messe, et prêchent la contre-révolution, Le ministre presse le directoire d'adresser des messages au conseil.

Même situation dans le département des Landes, où une commune a entendu un réfractaire lui dire : « Mes freres, nous voici revenus parmi vous attendons le moment où les brigands qui ont assassiné le roi, son épouse et ses enfans, cesseront de regner; nul républicain n'aura l'absolution, nul ouvrier servant un patriote, ne l'aura; en attendant, il ne faut point payer les impositions : les armées se débanderont; et celles de l'empereur triompheront des régicides». Un commissaire du directoire dénonce ce prêtre au directoire, en accusant le conseil des cinq-cents d'une coupable indifférence à cet égard,

Comment ce commissaire respecte-t-il assez peu le directoire, pour lui envoyer de semblables folies? Comment ce prêtre n'a-t-il donc pas été mis aux Petites-Maisons? Et comment peut-on ainsi

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