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C'est encore par ce même motif, d'éclairer de plus en plus nos freres égarés, qu'après avoir réfuté le libelle scandaleux de Claude Le Coz, nous avons cru devoir mettre à sa suite le discours, non moins scandaleux, de Nicolas Diot, son confrere en intrusion, lorsqu'il maria_son vicaire Drastier dans l'église cathédrale de Reims, le 6 novembre 1794. Cette piece indignera sans doute tout lecteur religieux; mais elle doit servir à l'histoire de l'église, qui se compose également des scandales qui l'affligent, comme des vertus qui l'honorent. Elle servira à montrer dans quel excès d'ignominie et d'abjection Dieu permet que tombe cette église constitutionnelle; à quels hommes elle est abandonnée, et de quels apôtres elle se sert pour rétablir les bonnes mœurs et la discipline primitive car ce Diot est aussi un apôtre, comme Le Coz; c'est un évêque en activité, un signataire de l'encyclique; et le presbytere ne sait plus auquel des deux il doit accorder la palme du zele et de l'éloquence. Nous avons vu comment Claude fait ses pastorales; voyons maintenant comment Nicolas fait ses exhortations.

« Les nouds, citoyen, que vous avez formés sous les auspices de la loi, et sur lesquels vous invoquez les bénédictions de la religion, pourront étonner le préjugé, toujours prêt à confondre les regles humaines avec les institutions divines, et la mobilité des usages de l'église avec l'invariabilité de sa doctrine. La piéte éclairée n'en sera pas offensée, elle saura discerner entre l'observation libre d'un conseil et la transgression d'un précepte. Elle se gardera bien d'improuver ce que

J. C. n'a pas défendu, et elle ne verra dans votre alliance qu'un hommage rendu aux droits de la nature, aux premieres loix du Créateur, qui a commandé à l'homme de se reproduire; et aux sages décrets de nos représentans qui favorisent ce vœu général de l'espece humaine.

Je sais que la sévérité de la discipline ecclésiastique semble résister à vos nouveaux engagemens; je suis loin de révoquer en doute l'excellence de la continence que le Fils de Dieu a consacrée par ses éloges, et que j'honore comme un don de sa miséricorde réservé à quelques ames privilégiées. Mais la perfection de cette vertu surpassant les forces communes de l'homme, et la police extérieure de la société chrétienne devant toujours être soumise à la sanction des gouvernemens qui la protégent, je ne crains pas d'avancer que l'église n'a pu imposer à ses ministres le joug du célibat sans le consentement et le concours de l'autorité civile, et que des regles si austeres cessent d'avoir force de loix du moment qu'elles sont rejettées par la volonté souveraine. Car J. C. lui-même ordonnoit aux Juifs de rendre à César ce qui est à César. Et le grand apôtre vouloit que toute ame fût soumise aux puissances souveraines, parce que toute puissance légitime vient de Dieu.

Ces principes, citoyen, seront avoués de tous les chrétiens instruits: sans doute vous avez été frappé de leur évidence; et, à l'exemple des prêtres de l'ancienne loi, vous avez été jaloux d'unir aux honneurs du sacerdoce les douceurs de l'union conjugale. C'est à ce double titre de prêtre et d'époux que vous allez appartenir à la société; c'est sous ce double rapport que vous devenez comptable envers la patrie: époux, vous lui devez des enfans qui soient pénétrés de son amour et puissent un jour la servir utilement : prêtre, vous deyez aux fideles la leçon et l'exemple de toutes les vertus civiles et religieuses; vous en ferez l'apprentissage dans votre église domestique, et leur éclat se réfléchira sur cette famille plus nombreuse qui pourroit être confiée à vos soins. Car de quel droit, dit l'apôtre, celui qui ne sauroit pas conduire sa maison, oseroit-il s'ingérer gouverner l'église de Dicu?

Pour vous, franc républicain, pasteur vigilant, pere

tendre, époux fidele, vous remplirez tous ces devoirs, vous opérerez tous les biens, vous vous entourerez de tous les genres de bonheur, vous servirez de modele à tous ceux qui seront tentés de courir la même carriere, et sur-tout vous imposerez silence à l'esprit de parti, qui immole souvent la raison à la routine, qui s'empresse toujours de condamner avant d'avoir examiné.

Nous ne croyons pas nécessaire de venger ici le célibat sacerdotal qui fait la gloire de l'église catholique et le véritable honneur de ses ministres. Nous ne réfuterons pas les scandaleuses absurdités et les misérables sophismes de ce discours. Nous ne prendrons pas la peine de relever cette mauvaise foi qui appelle usage, une loi dont l'église elle-même ne connoît pas l'origine, ou, pour mieux dire, qu'elle fait remonter jusqu'aux temps des apôtres; une loi si sacrée qu'elle n'a jamais souffert d'exception: de sorte qu'il n'y a point d'exemple, pendant dix-huit siecles, d'un prêtre marié, après son ordination. Nous croyons superflu d'insister sur l'impudence de ce ministre sacrilege qui vante l'excellence de la continence, dans le temps même qu'il l'outrage aux pieds des autels. Et sur la recommandation qu'il fait au marié de veiller sur son église domestique; ce qui démontre combien est sage et nécessaire le célibat des prêtres, qui fait que le pasteur débarrassé des soins de son église domestique, se livre tout entier à sa famille religieuse. Et sur la folle maxime que l'on peut faire tout ce que J. C. n'a pas défendu : ce qui supposeroit que l'on peut se jouer des commandemens de l'e glise. Et sur le rapprochement qu'il fait du sacerdoce judaïque avec le sacerdoce chrétien;

ce qui nous rappelle que même chez les prêtres juifs, l'usage du mariage n'étoit pas permis dans tous les temps, et que même chez les prêtres payens, la continence étoit en honneur. Et sur cette assertion tant répétée par les impies, que le mariage est un hommage rendu aux loix de la nature; ce qui ne prouve en aucune maniere que le célibat ecclésiastique soit un attentat à ces mêmes loix. Et enfin sur ce principe captieax, que la vertu de la continence est audessus des forces communes de l'homme; ce qui prouveroit seulement que la continence n'est pas la destinée commune de l'homme; ce qui veut dire seulement qu'il faut la demander à Dieu, et que Dieu l'accorde à ceux qui la lui demandent; ce qui ne peut que nous rendre très-suspecte celle de notre saint évêque en activité, puisqu'il faut donc qu'il ait reçu du ciel une force plus que commune, ce dont, d'après son discours, il nous est permis de douter, sans manquer à la charité. Mais il est ici une observation dont nos lecteurs pourront encore plus profiter : c'est que si le discours est très-scandaleux, le discoureur est très-conséquent; c'est qu'il n'a fait que rendre ici un solemnel hommage à la constitution civile, puisque son principe fondamental est, que la puissance séculiere est la maîtresse de la discipline ecclésiastique, et que le célibat des prêtres n'étant qu'un point de discipline, il peut donc être abrogé par cette même autorité; c'est que Diot est donc ici un franc républicain, tout comme son vicaire, et même plus franc que Le Coz, plus franc que Grégoire qui fout ici les rigoristes, je ne sais trop pourquoi; et

qu'il n'auroit rien manqué à sa franchise età sa déférence aux sages décrets de nos représentans, si, après avoir marié son vicaire, son vicaire l'eût marié; c'est qu'enfin tous les évêques de nouvelle fabrique, marians ou mariés, sont les seuls constitutionnels purs, les seuls qui connoissent l'esprit de la nouvelle église, parce qu'eux seuls ont le courage.de mettre en pratique, ce que les autres ne mettent qu'en principes.

Puisque nous en sommes à remuer la boue épiscopale de l'église constitutionnelle, disons un mot de Pierre Torné, évêque constitutionnel et appellé, de par Camus, métropolitain du centre, qu'on a trouvé mort dans son lit, il y a quelques mois. De tous les phénomenes de scélératesse que nous offre la révolution Torné est un des plus inconcevables. On vit un homme qui avoit reçu une éducation douce, devenir un homme de sang. Un prêtre qu avoit vécu long-temps dans une congrégation honorée, se traîner ignominieusement dans tous les égoûts du sans-culotisme. Un homme qui avoit si solemnellement annoncé l'évangile, devenir un prédicateur d'assassinats et d'a`théisme. Un vieillard presque octogénaire se prostituer aux plus honteuses turpitudes de la débauche, et se jouer avec le crime sur le bord de sa tombe. Dès que la constitution civile pa rut, il crut si peu qu'elle alloit régénérer l'e glise, qu'il se hâta de la défendre, et n'y vit qu'un moyen de plus de signaler son irreligion, jusqu'alors contenue par la pudeur et par

la

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