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Effets de l'autorité des Papes.

La société civile étoit arrivée à la fin du quinzieme siecle; jusqu'alors l'Europe pouvoit être considérée comme une seule famille troublée quelquefois, il est vrai, par les passions de ses membres, parce qu'il ne peut pas plus exister d'hommes sans passions, que de société sans hommes, mais réunies par un inté rêt commun, je veux dire par la même religion publique et les mêmes sentimens de respect et de déférence pour un chef commun, que sa dignité séculiere rendoit l'égal des rois, que son caractere spirituel et ses fonctions religieuses rendoient supérieur à tous les chrétiens.

Plus d'une fois le pere commun des fidelles avoit interposé sa médiation, son autorité même dans les sanglantes querelles de ses enfans. Plus d'une fois la religion avoit fait parler l'humanité éplorée; et quelquefois aussi la politique aux abois s'étoit couverte du manteau de la religion. « Les conciles d'une certaine époque, » dit l'auteur des Mémoires

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? pour servir à

» l'histoire des égaremens de l'esprit humain, » sont pleins d'exhortations et de menaces faites >> aux souverains qui troubloient la paix, qui » abusoient de leurs pouvoirs et de leur auto» rité contre l'église, contre les fidelles, contre » le bien public; on y rappelloit les souverains » et les hommes puissans au moment de la » mort. Les papes rappelloient les souverains » à la paix, et tâchoient de tourner contre >> les usurpateurs, et les injustes, contre les op

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presseurs des peuples, contre les infideles. » cette passion générale pour les armes et pour » la guerre. M. Leibnitz, qui avoit étudié l'his» toire en philosophe et en politique, recon» noît que cette puissance des papes a souvent épargné de grands maux ».

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Si cette question se décidoit par l'autorité des noms, on pourroit opposer le nom de Leibnitz à celui d'une foule d'écrivains inconsidérés ou prévenus qui ont déclamés à tort et à travers contre la puissance des papes, parce que les déclamations sont commodes, et qu'elles dispensent l'écrivain de prouver, comme le lecteur de réfléchir.

Ce n'étoit pas seulement les passions guerrieres de leurs chefs dont la religion cherchoit à préserver les peuples; elle cherchoit encore. à les défendre des passions voluptueuses de leurs rois. On voit fréquemment dans l'histoire des temps anciens, des rois repris pour avoir contracté des mariages illégitimes, pour ne pas renoncer à un commerce scandaleux, pour donner enfin à leurs peuples des exemples aussi fanestes à la société politique, que contraires à la société religieuse. La société étoit alors un enfant que la religion sa mere corrigeoit avec verge; devenu plus grand et plus raisonnable, l'autorité est la même; mais les moyens loat différens.

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Dans la lutte des puissances religieuses et olitiques, qui, pour le repos de la société ciile, auroient dû toujours rester unies, des apes qui avoient plus de vertus religieuses que le talens politiques, voulurent étendre au-delà le ses justes bornes l'autorité du saint-siege,

et firent servir les armes de la religion à établir des prétentions peut-être exagérées. Dans d'autres temps, des papes qui avoient plus de talens politiques que de vertus religieuses, voulurent étendre la puissance temporelle du saintsiege, et se mêler, avec des forces inégales, aux sanglans débats des souverains. Les uns voulurent étendre, pour ainsi dire, la puissance de la religion, et la religion s'étend insensiblement et se développe elle-même, par la seule force de son principe intérieur : les autres voulurent accroître leur propre puissance, et leur puissance séculiere doit être moins forte de ses propres moyens que de la considération et du respect des souverains, qui tous ont le plus grand intérêt à maintenir l'état temporel du saint-siege, et contre les troubles du dedans, et contre les attaques du dehors; mais ces mêmes désordres tant reprochés aux papes, étoient presque toujours l'effet inévitable des passions des princes chrétiens, qui, dans leurs projets d'agrandissement ou de défense, ne permettoient pas aux papes de conserver celte neutralité, qui convenoit encore mieux au carac tere de pere commun des chrétiens qu'à la médiocrité des forces du prince temporel. La France, l'Espagne, l'Allemagne vouloient cha cune un pape français, espagnol, allemand, plutôt qu'un pape chrétien; elles vouloient moins un pape général, si je puis m'exprimer ainsi, qu'un pape particulier. Delà les intrigues de l'é lection et quelquefois l'inconvenance du choix, sujet fécond de déclamations pour quelques savans orgueilleux; de scandale pour quelques ames foibles; de révolte pour quelques esprits

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pervers. Mais la vérité qui blâme les vues sans ménagement, comme elle loue les vertus sans flatterie, oblige de dire que le premier siege de l'église a été presque toujours rempli par des papes du mérite le plus éminent; et elle remarque comme un effet de la volonté générale, La conservatrice de la société religieuse, de la volonté de Dieu même, qu'un des plus grands hommes qui aient gouverné l'église lui ait été donné dans la crise la plus dangereuse qu'elle ait essayée. La sagesse et la prudence de Pie VI, dans ces temps difficiles, sont au-dessus de tout éloge. Le recueil de ses brefs, qui va bientôt paroître, est un monument aussi honorable pour ce grand pontife, qu'il est précieux pour tea religion: l'église et l'état eussent été sauvés en France, de tout trouble, si ses conseils eussent été suivis.

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Sur la religion Judaïque.

La postérité d'Abraham, long-temps esclave Egypte, avoit contracté chez le plus su erstitieux de tous les peuples un penchant à idolâtrie que des traditions et des souvenirs ne ouvoient plus réprimer.

Ce grand Dieu, dit M. Bossuet, ne vouloit pas abandonner plus long-temps à la seule mémoire des hommes le mystere de sa religion et de son alliance; il étoit temps de donner de plus fortes barrieres à l'idolâtrie qui inondoit tout le genre humain, et acheveroit d'y éteindre les restes de la lumiere naturelle»:

Tome III. No. 34.

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Pourquoi, demande l'homme présomptueux, Dieu avoit-il laissé éteindre, parmi les nations, la connoissance de son unité, puisque cette connoissance étoit nécessaire à leur bonheur? L'homme a le choix du bien et du mal où le libre arbitre puisqu'il est intelligent. Ce n'est même que parce qu'il est intelligent, qu'il est semblable à Dieu, et qu'il est digne et capable d'être en société avec Dieu; mais il est puni du mauvais usage qu'il fait de son libre arbitre par l'affoiblissement de son intelligence. On dira sans doute que dans une société idolâtre tous étoient punis et tous n'étoient pas coupables; mais outre que Dieu pouvoit maintenir la foi de son unité, dans quelques familles de justes, au milieu même des tenebres de l'idolâtrie, comme on peut le conjecturer de l'histoire de Job, il faut prendre garde, que dans une révolution religieuse et politique, nul presque n'est innocent, et que les bons sont presque toujours coupables de foiblesse, comme les méchans d'égaremens. Je reviens aux Juifs.« Moyse, dit Rousseau, osa faire » de cette troupe errante et servile un corps » politique, un peuple libre, et tandis qu'elle >> erroit dans les déserts, sans avoir une pierre » où reposer sa tête, il lui donnoit cette ins»titution durable à l'épreuve du temps, de >> la fortune et des conquérans, que cinq mille >> ans n'ont pu détruire, ni même altérer, et » qui subsiste encore aujourd'hui dans toute »sa force, lors même que le corps de la nation »ne subsiste plus ».

Philosophe tu te prends par tes propres ayeux: les institutions de l'homme ne peuvent

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