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Il est cher à la France, il l'est à l'univers.
Sitôt qu'on le prononce, il appelle à la gloire
Les plus brillans esprits et les plus fiers vainqueurs :
Quand on est gravé dans les cœurs,

On l'est dans l'avenir au temple de mémoire.

On peut écrire au-dessus du buste de la reine :
Amours, Grâces, Plaisirs, nos fêtes vous admettent.
Regardez ce portrait, vous pouvez l'adorer;

Un moment devant lui vous pouvez folâtrer:
Les Vertus vous le permettent.

Je soupçonne toujours que mes sottises arriveront trop tard. Vous êtes aussi le premier qui ait commandé son souper si loin de chez soi; votre souper sera excellent sans que je m'en mêle. Je suis trop heureux que cette aventure m'ait procuré l'honneur d'être en quelque relation avec un homme de votre mérite. Je suis, etc.

.

DIVERTISSEMENT.

Au fond d'un sallon très-bien décoré, on voit les apprêts d'un festin.
La symphonie commence, et L'ORDONNATEUR chante:
ALLONS, enfans, à qui mieux mieux;
Jeunes garçons, jeunes fillettes,
Dépêchez, préparez ces lieux,
Trémoussez-vous, paresseux que vous êtes.
Mettez-moi cela
Là;

Rendez ce buffet

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Que tous les étrangers soient reçus poliment;
Chevaliers, écuyers, jeunes, vieux,

femme, fille:

Que d'auprès de notre famille
Jamais aucun mortel ne sorte mécontent.

LE MAITRE D'HOTEL de l'hôtellerie.

C'est bien dit. Le maître et la maîtresse de la maison ne cessent de me recommander d'être bien honnête, bien prévenant, bien empressé mais comment être honnête une journée toute entière ? rien n'est plus insupportable. On est accablé de gens qui, parce qu'ils n'ont rien à faire, croient que je n'ai rien à faire aussi qu'à amuser leur oisiveté. Ils s'imaginent que je suis fait pour leur plaire du soir au matin. Ils ont ouï dire que nous aurons ici une voyageuse qui passe tout son temps à gagner les cœurs, et à qui cela ne coûte aucune peine. On accourt pour la voir de tous les coins du monde. Écoutez, garçons de l'hôtellerie, la foule est trop grande; ne laissez entrer que ceux qui viendront deux à deux; que cet ordre soit crié à son de trompe à toutes les portes.

MUSIQUE

Chacun et chacune

Entrez deux à deux :

C'est un nombre heureux :
Un tiers importune.
Voyager seul est ennuyeux.
Soit blonde, soit brune,
Entrez deux à deux,

C'est un nombre heureux.

Ah! cela réussit : il y a moins de foule. Voyons qui sont les curieux qui se présentent. Voilà d'abord deux personnes qui me pa

raissent venir de bien loin.

(Ces deux personnages qui entrent les premiers sont vêtus à la chinoise, coiffés d'un petit bonnet à houppes rouges; ils se courbent jusqu'à terre et font des génuflexions.)

LE MAITRE D'HOTEL.

Ces gens-là sont d'une civilité à faire

enrager.

(il leur rend leurs révérences.).

Messieurs, peut-on, sans manquer au respect qu'on vous doit, vous demander qui vous êtes ?

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UN CHINOIS.

Chi hom ham hi tu su.

LE MAITRE D'HOTEL.

Ah, ce sont des Chinois! ils seront bien attrapés : il est vrai qu'ils verront notre belle voyageuse, mais ils ne l'entendront pas.. Mettez-vous là, monsieur et madame.

(Il y a une ottomane qui règne le long de la salle. Le Chinois et la Chinoise s'y accroupissent. Un Tartare et une Tartare paraissent sans saluer personne; ils ont un arc en main et un ” „n are en m

carquois sur l'épaule; il se couchent auprès des Chinois.) 10: E MAITRE D'HOTEL.

pas

LE

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Ceux-ci ne sont si grands feseurs de révérences. Messieurs les Tartares, pourquoi êtes-vous armés? Venez-vous enlever notre voyageuse? nous la défendrions contre toute la Tartarie, entendez

vous ?

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Freik krank roc, roc krank freik.

LE MAITRE D'HOTEL +9

J'entends, vous le voudriez bien; mais vous ne l'osez pas. Ah! voici deux Lapons; comment ceux-là peuvent-ils venir deux à deux? il me semble que, si j'étais Lapon, mon premier soin serait de ne me jamais trouver avec une Lapone.... Allons, passez-là, pauvres gens.

(ils se placent à côté des Tartares.')

Ah! voici de l'autre côté des gens de connaissance; des Espagnols, des Allemands, des Italiens; c'est une consolation.

(Un Espagnol et une Espagnole, un Allemand et une Allemande, un Italien et une Italienne paraissent sur la scène à la fois. L'Espagnol, vêtu à la mode antique, salue la Reine en disant⚫) si, tingent

-20 a -I

Respecto y silencio.
(l'Allemand dit :)!

1.

Sihe the liebe Tochter von unserigen kaisaren.

(l'Italienne dit omarmp

Questi parlano, e noi cantiamoi

(elle chante)ub liela

Qui regna il vero amore; desc

Non è tiranno d O'I

Non fa inganno,

Non tormenta il cuore

e;

91 Pura fiamma s'accende,big

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Non arde ma risplende.

Qui regna il vero amore
Non tormenta il cuore.

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Les Asiatiques et les Européens se prennent par la main et dansent: le fond de la salle s'ouvre une troupe de danseurs de l'opéra paraît: un chanteur est à la tête, et chante oe couplet :

(Après ce

Quoi ! l'on danse en ces lieux, et nous n'en sommes pas,
Nous dont la danse est l'apanage!

Le plaisir conduit tous nos pas.

Je vois des étrangers, dans ces heureux climats,
Courir aux fêtes de village.

Partageons, surpassons leurs jeux:
C'est au peuple le plus heureux
A danser davantage.

Le menuet est sur son déclin
Hélas! nous avons vu la fin

i

De la courante et de la sarabande:

Nous pouvons célébrer de plus nobles attraits ;
Aimons, adorons à jamais
poLa divine allemande.

(tous les personnages ensemble.)
Aimons, adorons à jamais
La divine allemande.

GRAND BALLET.

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ès ce divertissement, on passe dans un bosquet illuminé. L'Ordonnateur demande au guide' comptent aller.... Celui-ci répond :)

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Monsieur, ces messieurs et ces dames, tant Chinois que Tartares, Lapons, Espagnols, ou Allemands, courent le monde depuis longtemps pour trouver le palais de la Félicité. Des gens malins leur ont prédit qu'ils courraient toute leur vie. C'est ici qu'habitent les Génies des quatre élémens; Gnomes, Salamandres, Ondins, et Sylphes. Si le bonheur habite quelque part, on peut s'en informer à eux. (Entrée des quatre espèces de Génies qui président que cons ux élémens. Après la danse,

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DEMOGORGON, le souverain des

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.9

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(Le temple du Bonheur parfait est dans le fond, mais il n'y a point de porte. )

L'ORDONNATEUR aux danseurs.

Messieurs, qui courez par tout le monde pour chercher le Bonheur parfait, il est dans ce temple; mais il faut l'escalader; on n'arpas au bonheur sans peine.

rive

(Les danseurs escaladent le temple au son d'une symphonie bruyante; le temple tombe, et il en part un feu d'artifice.

ÉPITRES.

AVERTISSEMENT.des éditeurs de l'édition de Kehl.

ON a placé les épîtres suivant leurs dates. Quelques-unes de celles qui ont été imprimées dans les autres éditions, ne paraissent point ici; elles fesaient partie de lettres mêlées de prose et de vers qui sont recueillies dans un des volumes de cette édition.

Peut-être les lecteurs trouveront-ils plusieurs des premières épitres fort inférieures à celles que l'auteur a données lui-même au public; cependant on n'a pas cru devoir les retrancher: on y verra les progrès qu'il a faits vers la perfection. Et ceux qui cultivent la poésie y apprendront que, même dans un petit genre, le génie le plus étendu et le plus facile a encore besoin du secours de l'étude et de la réflexion,

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ÉPITRE PREMIÈRE. A Monseigneur, fils unique de Louis XIV. — 1706 ou 1707.
NOBLE sang du plus grand des rois,
Son amour et notre espérance,
Vous qui, sans régner sur la France,
Régnez sur le cœur des François, **
Pourrez-vous souffrir que ma veine,
Par un effort ambitieux, 54
Ose vous donner une étrenne,..

Vous qui n'en recevez que de la main des dieux?
La nature en vous fesant naîtreggenomes
Vous étrenna de ses plus doux attraits,

Et fit voir dans vos premiers traits up 1928:

Que le fils de Louis était digne de l'être.

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Tous les dieux à l'enyi yous firent leurs présens:
Mars vous donna la force et le courage;

Minerve, des vos jeunes ans,

Ajouta la sagesse au feu bouillant de l'âge
L'immortel Apollon vous donna la beauté;

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Mais un dieu plus puissant, que j'implore en mes peines,
Voulut aussi me donner mes étrennes

En vous donnant la libéralité.

2

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II. A madame la comtesse De Fontaine, sur son roman de la Comtesse

de Savoie.

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1713.

LA Fayette et Segrais, couple sublime et tendre,

Le modèle, avant vous, de nos galans écrits,

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* Ces vers furent présentés à ce prince par un soldat des Invalides : l'auteur avait environ douze ans lorsqu'il les fit. Voyez le Commentaire historique sur sa vie. Cette pièce y' citée, mais avec quelques différences.

**On rimait alors pour les yeux : M. de Voltaire suivait en cela l'exemple des poëtes du siècle de Louis XIV; mais il ne tarda pas à s'apercevoir que la rime était faite pour l'oreille : il entreprit le premier d'accorder l'orthographe avec la prononciation, et fit voir le ridicule d'écrire le peuple français, comme saint François. Plusieurs écrivains ont senti la justesse de ses observations, et ont adopté son système.

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Des champs élysiens, sur les ailes des Ris,"
Vinrent depuis peu dans Paris :

D'où ne viendrait-on pas, Sapho, pour vous entendre?
A vos genoux tous deux humiliés,

Tous deux vaincus, et pourtant pleins de joie,
Ils mirent leur Zaide aux pieds

De la Comtesse de Savoie.

Ils avaient bien raison : quel dieu, charmant auteur,
Quel dieu vous a donné ce langage enchanteur,

La force et la délicatesse,

La simplicité, la noblesse,

Que Fénelon seul avait joint;

Ce naturel aisé dont l'art n'approche point?

Sapho, qui ne croirait que l'amour vous inspire?
Mais vous vous contentez de vanter son empire;
De Mendoce amoureux vous peignez le beau feu,
Et la vertueuse faiblesse

Ah!

D'une maîtresse

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Qui lui fait, en fuyant, un si charmant ayeu. 3107
pouvez-vous donner ces leçons de tendresse,
Vous qui les pratiquez si peu??
C'est ainsi que Marot, sur sa lyre incrédule,
Du dieu qu'il méconnut prôna la sainteté :
Vous avez pour
l'amour aussi peu
de scrupule;
Vous ne le servez point, et vous l'avez chanté.
Adieu; malgré mes épilogues,
Puissiez-vous pourtant tous les ans

Me lire deux ou trois romans

Et taxer quatre synagogues

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III. A M. l'abbé Servien, prisonnier au château de Vincennes. 1714
AIMABLE abbé, dans Paris autrefois

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D

La volupté de toi reçut des lois;
Les Ris badins, les Grâces enjouées,
A te servir des long-temps dévouées
Et des long-temps fuyant les yeux du rồi,
Marchaient souvent entre Philippe et toi

Te prodiguaient leurs faveurs libérales, et 07
Et de leurs mains marquaient dans leurs annales,14
En lettres d'or, mots et contés joyeux, al mate
De ton esprit enfans capricieux.

O doux plaisirs, amis de l'innocence
Plaisirs goûtés au sein de l'indolence,

-⠀⠀⠀ Et cependant des dévots inconnus! big tog

O jours heureux! qu'êtes-vous devenus?

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Madame la comtesse De Fontaine était fille du marquis de Givri, commandant de Metz, qui avait favorisé l'établissement des Juifs dans cette ville: ceux-ci, par reconnaissance, lui avaient fait une pension considérable qui était passée à ses enfans. Le roman de la Comtesse de Savoie, alors manuscrit, a été imprimé en 1722. C'est de ce roman que Voltaire a em prunté le sujet de sa tragédie de Tancrède.

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