Première strophe. Après le quatrième vers, on lisait ceux-ci : Tu connais cet Être Suprême ; Dans ton cœur est sa bonté même; Dans ton esprit est sa grandeur; Tu parais, etc.
La quatrième strophe se lisait ainsi :
On a vu du moins des athées Sociables dans leurs erreurs Leurs opinions infectées
N'avaient point corrompu leurs mœurs. Spinosa fut doux, simple, aimable; Le Dieu que son esprit coupable Avait follement combattu, Prenant pitié de sa faiblesse, Lui laissa l'humaine sagesse Et les ombres de la vertu.
Elle était suivie de cette autre:
Au vaste empire de la Chine Il est un peuple de lettrés Qui de la nature divine Combat les attributs sacrés. * O vous qui de notre hémisphère Portez le flambeau salutaire A ces faux sages d'Orient, Parlez; est-il plus de justice, Plus de candeur et moins de vice Chez nos dévots de l'Occident?
Sixième strophe. Après le quatrième vers :
Son âme alors est endurcie; Sa raison s'enfuit obscurcie; Rien n'a plus sur lui de pouvoir : Sa justice est folle et cruelle; Il est dénaturé par zèle, Et sacrilege par devoir.
Septième strophe. Après le quatrième vers:
Cette troupe folle, inhumaine, Qui tient le bon sens à la gêne Et l'innocence dans les fers, Par son zèle absurde aveuglée, Osa condamner Galilée, Pour avoir connu l'univers.
Après la septième strophe, on lisait celle-ci :
Ce Bacon qui fut de la poudre L'innocent et sage inventeur, Ne put jamais se faire absoudre Au consistoire de l'erreur.
Les chrétiens ont vu sur la terre Le trouble, un concile et la guerre Pour la forme d'un capuchon; Et leurs églises divisées, Du sang des pasteurs arrosées Pour les sophismes de Platon.
* M. de Voltaire croyait alors, d'après quelques ouvrages de moines, que es lettré chinois étaient athées: il a depuis été le premier qui nous ait désabusés de cette erreur.
Après la neuvième strophe, se trouve la suivante, dans la première édition in-4° :
Vous riez des sages d'Athènes Que la terre a trop respectés ; Vous dissipez leurs ombres vaines Par vos immortelles clartés.
Mais, au moins, dans leur nuit profonde, Conducteurs aveugles du monde,
Ils n'étaient point persécuteurs.
Imitez l'esprit pacifique
Et du Lycée et du Portique,
Quand vous condamnez leurs erreurs.
Au lieu de la dixième strophe, on lisait celle-ci :
Enfans ingrats d'un même père, Si vous prétendez le servir, Si vous aspirez à lui plaire, Est-ce à force de vous hair? Est-ce en déchirant l'héritage Qu'un père si tendre et si sage Du haut des cieux nous a transmis ? L'amour était votre partage; Cruels, auriez-vous plus de rage Si vous étiez nés ennemis?
Onzième strophe. Au lieu des trois derniers vers, on lisait: De ces disputes furieuses
Sur des chimères épineuses Qu'oublîra la postérité.
Au lieu de la dernière strophe, on lisait celle-ci :
Dans votre pédantesque audace, Digne de votre faux savoir, Vous argumentez sur la grâce, Et vous êtes loin de l'avoir. Un ignorant qui de son frère Soulage en secret la misère, Qui fuit la cour et les flatteurs, Doux, clément, sans être timide, Voilà mon apôtre et mon guide; Les autres sont des imposteurs.
V. A M. le duc de Richelieu. Sur l'ingratitude.
O TO, mon support et ma gloire, Que j'aime à nourrir ma mémoire Des biens que ta vertu m'a faits! Lorsqu'en tout lieu l'ingratitude Se fait une pénible étude
De l'oubli honteux des bienfaits.
Doux noeuds de la reconnaissance, C'est par vous que, dès mon enfance, Mon cœur à jamais fut lié ;
La voix du sang, de la nature, N'est rien qu'un languissant murmure, Près de la voix de l'amitié.
Eh! quel est en effet mon père? Celui qui m'instruit, qui m'éclaire, Dont le secours m'est assuré : Et celui dont le cœur oublie
Les biens répandus sur sa vie, C'est là le fils dénaturé.
Ingrats, monstres que la nature A pétris d'une fange impure Qu'elle dédaigna d'animer, Il manque à votre âme sauvage Des humains le plus beau partage : Vous n'avez pas le don d'aimer. Nous admirons le fier courage Du lion fumant de carnage, Symbole du dieu des combats. D'où vient que l'univers déteste La couleuvre bien moins funeste? Elle est l'image des ingrats.
Quel monstre plus hideux s'avance? La nature fuit et s'offense, A l'aspect de ce vieux Giton; Il a la rage de Zoïle,
De Gacon l'esprit * et le style, Et l'âme impure de Chausson.
C'est Desfontaines, c'est ce prêtre Venu de Sodôme à Bicêtre, De Bicêtre au sacré vallon; A-t-il l'espérance bizarre Que le bûcher qu'on lui prépare Soit fait des lauriers d'Apollon?
Il m'a dû l'honneur et la vie, Et dans son ingrate furie,
De Rousseau lâche imitateur,
Avec moins d'art et plus d'audace,
De la fange où sa voix coasse,
Il outrage son bienfaiteur.
Qu'un Hibernois **, loin de la France,
Aille ensevelir dans Byzance
Sa honte, à l'abri du croissant;
D'un œil tranquille et sans colère, Je vois son crime et sa misère; Il n'emporte que mon argent. Mais l'ingrat, dévoré d'envie,
* Gacon était un misérable écrivain satirique, universellement méprisé ; Chausson a laissé un nom immortel.
** Un abbé irlandais, fils d'un chirurgien de Nantes, qui se disait de l'ancienne maison de Makarti, ayant subsisté long-temps des bienfaits de notre auteur, et lui ayant emprunté deux mille livres, en 1732, s'enfuit aussitôt avec un Écossais, nommé Ramsay, qui se disait aussi des bons Ramsay, et avec un officier français nommé Mornay; ils passèrent tous trois à Constantinople, et se firent circoncire chez le comte de Bonneval. Remarquez qu'aucun de ces folliculaires, de ces trompettes de scandale, qui fatiguaient Paris de leurs brochures, n'a écrit contre cette apostasie; mais ils ont jeté feu et flamme contre les Bayle, les Montesquieu, les Diderot, les d'Alembert, les Helvétius, les Buffon, contre tous ceux qui ont éclairé
Après la quatrième strophe, on lisait celle-ci :
Je crois voir ces plaines stériles Dont nos cultures inutiles
N'ont pu fertiliser le sein;
Ou le bronze informe et rebelle, Indocile à la main fidèle
Qui conduit les traits du burin.
Après la cinquième, on lisait les suivantes :
Tel fut ce plagiaire habile Et de Marot et de d'Ouville, Connu par ses viles chansons: Semblable à l'infâme Locuste Qui, sous les successeurs d'Auguste, Fut illustre par ses poisons.
Dis-nous, Rousseau, quel premier crime Entraîna tes pas dans l'abîme Où j'ai vu Saurin te plonger? Ah! ce fut l'oubli des services : Tufus ingrat, et tous les vices Vinrent en foule t'assiéger.
Aussitôt le dieu qui m'inspire T'arracha le luth et la lyre Qu'avaient déshonorés tes mains: Tu n'es plus qu'un reptile immonde, Rebut du Parnasse et du monde, Rongé de tes propres venins.
En vain ta triste hypocrisie
Des fureurs de sa frénésie Veut couvrir ces traits odieux;
Ton cœur n'en est que plus coupable,
Et, dans la noirceur qui t'accable, Ton esprit moins ingénieux.
Des forêts le tyran sauvage,
Vieux, languissant et plein de rage, Périssant de faim dans les bois, Pour tromper les troupeaux paisibles, Prétendit par ses cris horribles Des pasteurs imiter la voix.
Les faibles troupeaux en gémirent: Mais, quand les pasteurs entendirent Ses détestables hurlemens, On écrasa dans son repaire Cet hypocrite sanguinaire, Pour prix de ses déguisemens. Oh! qu'en sa fureur impuissante Une âme abattue et tremblante Donne de mépris et d'horreur, Quand le style, glacé par l'âge, En vain ranimé par la rage, Languit énervé de froideur!
Il faut que ma main vengeresse Sur ce monstre un moment s'abaisse A lancer ces utiles traits;
Il faut de la douce peinture De ta vertu brillante et pure, Passer à d'horribles portraits. Quel monstre plus hideux, etc.
Après la septième strophe, on lisait :
Vieux, languissant et sans courage, Souvent dans un accès de rage Qui l'enflamme et dont il périt, Un chien de sa gueule édentée, Horrible, écumante, empestée, Poursuit la main qui le nourrit.
Il me dut l'honneur et la vie ; Et dans son ingrate furie, De Rousseau lache imitateur, Ami traître, ennemi timide, Des flots de sa bile insipide
Il veut couvrir son bienfaiteur.
Les neuvième et dixième strophes ont été ajoutées. Après la douzième, on lisait celle-ci qui terminait l'ode :
Raphaël, Rubens, Michel-Ange, Sous les pieds du divin archange
Ont montré le diable abattu; Et, par un heureux artifice, Massillon peint l'horreur du vice,
Pour mieux embellir la vertu.
VI. A MM. de l'académie des sciences qui ont été sous l'équateur et au cercle polaire mesurer des degrés de latitude.
O VÉRITÉ Sublime! ô céleste Uranie! Esprit né de l'esprit qui forma l'univers ; Qui mesures des cieux la carrière infinie, Et qui pèses les airs;
Tandis que tu conduis sur les gouffres de l'onde Ces voyageurs savans, ministres de tes lois, De l'ardent équateur ou du pôle du monde, Entends ma faible voix.
Que font tes vrais enfans? Vainqueurs de la nature, Ils arrachent son voile; et ces rares esprits
Fixent la pesanteur, la masse et la figure
De l'univers surpris.
Les enfers sont émus au bruit de leur voyage: Je vois paraître au jour les ombres des héros,
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