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On pouvoit se passer de ces épigrammes, mais des grands hommes les moindres choses sont précieuses. Il avoit l'esprit présent, et faisoit souvent des réponses fort agréables, comme celle dont je vous ai parlé ailleurs, qu'il fit au cardinal de Richelieu'. Il n'a laissé que deux ouvrages considérables, l'un qui est imprimé et l'autre qui ne l'est pas encore, lorsque j'écris ceci2.

Le premier est ce volume de Remarques sur la langue françoise, contre lequel M. de La Mothe-le-Vayer a fait quelques observations, et qui depuis peu a aussi été combattu par le sicur Dupleix, mais qui, au jugement du public, mérite une estime très-particulière3. Car nonseulement la matière en est très-bonne pour la plus grande partie, et le style excellent et merveilleux; mais encore il y a dans tout le corps de l'ouvrage je ne sais

1 Page 108.

2 C'est-à-dire en 1652.

Les contemporains sont presque unanimes pour faire l'éloge de ce curieux et très-important ouvrage. Voyez, outre les jugements rapportés par Baillet (Jugements des savants, t. II), une lettre fort intéressante de Godeau (Lettres de M. Godeau, 1715, 1 vol. in-12, pp. 378-391). — Voyez aussi plus haut, p. 113.

quoi d'honnête homme, tant de franchise, qu'on ne saurait presque s'empêcher d'en aimer l'auteur. Et plût à Dieu que les mémoires qu'il avoit déjà tout prêts pour en faire un second volume' se trouvassent, et que nous n'eussions pas sujet de déplorer la perte qui s'en est faite après sa mort, entre les mains de ceux qui firent saisir ses papiers 2!

L'autre ouyrage considérable, et qui n'est pas encore imprimé, est la traduction de Quinte-Curce, sur laquelle il avoit été trente ans, la changeant et la corrigeant sans cesse. On dit même qu'après avoir vu

1 Un avocat de Grenoble, nommé Aleman, fit imprimer en 1690 à Paris un volume de Nouvelles Remarques de M. de Vaugelas, dont il dit que l'original lui avoit été donné par M. de La Chambre, cure de Saint-Barthélemy. On ne sauroit douter que ces Nouvelles Remarques ne soient véritablement de M. de Vaugelas; son style s'y fait aisément reconnoître. Mais ce Recueil, à peu de chose près, ne roule que sur des phrases absolument surannées, mème du temps de M. de Vaugelas; en sorte qu'on peut raisonnablement croire que c'est le rebut de ses premières Remarques, et qu'ainsi nous n'avons point ces mémoires, « déjà tout prêts pour en faire un second volume,» dont parle M. Pellisson. (0.)

* On lit dans les Factums de Furetière que les notes prises par Vaugelas pour ses Remarques ne furent pas seules saisies. «< On doit, dit-il, les cinq ou six premières lettres de ce Dictionnaire de l'Académie à M. de Vaugelas, qui y a travaillé douze ou quinze ans, et toutes les autres à M. de Mézeray qui s'y est appliqué trentetrois années. Celles de M. de Vaugelas furent saisies à sa mort par ses créanciers; on n'en sauva qu'une partie qui fut mise entre les mains de M. Conrart, secrétaire perpétuel de l'Académie, qui en étoit si jaloux qu'on n'en a pu rien voir qu'après sa mort.» (Recueil des factums de Furetière, Amsterdam, 1694, t. I, p 366).Voy. ci-dessus, pp. 107 et suiv,

quelques traductions de M. d'Ablancourt', il en goùta tellement le style un peu moins étendu que le sien qu'il recommença tout son travail, et fit une traduction. toute nouvelle. J'ai vu les cahiers qui restent de cette dernière sorte, où le plus souvent chaque période est traduite à la marge en cinq ou six différentes manières, toutes presque fort bonnes. M. Chapelain et M. Conrart, qui prennent le soin de revoir très-exactement cet ouvrage, pour le mettre au jour, ont souvent bien de la peine à juger quelle est la meilleure 2, et, ce que j'estime fort remarquable, il se trouve d'ordinaire que celle qu'il a mise la première est celle qu'on aime le mieux. C'est de ce travail que M. de Balzac a dit : « L'Alexandre de Quinte-Curce est invincible, et celui de Vaugelas est inimitable3. » M. de Voiture, qui étoit fort de ses amis, le railloit sur le trop de soin et le trop de temps qu'il y employoit. Il lui disoit qu'il n'auroit jamais achevé; que pendant qu'il

1 Vaugelas lui-même le dit. Il déclare qu'il a refondu son Quinte-Curce sur le modèle de l'Arian de M. d'Ablancourt, « qui pour le style historique, dit-il, n'a personne, à mon avis, qui le surpasse, tant il est clair et débarrassé, élégant et court. » (0.)

2 MM. Chapelain et Conrart procurèrent en 1653 la première édition du Quinte-Curce de Vaugelas; il s'en fit incontinent une seconde, toute semblable à la première; mais ensuite on retrouva une nouvelle copie de l'auteur, sur laquelle M. Patru en donna une troisième édition, fort différente des deux autres, en 1659. (0.)

3 Balzac avoit dit : «L'Alexandre de Philippe est invincible, etc.>> Voyez le tome I, page 414 de ses Œuvres, in-f". Aussi, en parlant de ce passage et de celui dont il s'agit ci-dessus (pp. 232-233, en note), il écrivit à Conrart « qu'il n'entendoit point ce que lui faisoit dire l'imprimeur de M. Pellisson. (0.)

en polirait une partie, notre langue venant à changer, l'obligeroit à refaire toutes les autres : à quoi il appliquoit plaisamment ce qui est dit, dans Martial, de ce barbier qui étoit si longtemps après une barbe, qu'avant qu'il l'eût achevée elle commençoit à revenir.

Eutrapelus tonsor dum circuit ora Luperci,

Expungitque genas, altera barba subit.

Ainsi, disoit-il, altera lingua subit.

XIV

BALTHAZAR BARO.

Balthazar Baro étoit de Valence en Dauphiné. En sa jeunesse il fut secrétaire de M. d'Urfé', l'un des plus rares et des plus merveilleux esprits que la France ait jamais portés, lequel étant mort comme il achevoit la quatrième partie d'Astrée, Baro la fit imprimer, et composa la cinquième sur ses mémoires. Il vint à Paris, et s'y maria avec une veuve, sœur de son hôtesse. Il eut grand accès chez la duchesse de Chevreuse, à cause de quoi le cardinal de Richelieu eut peine à souffrir qu'il fût de l'Académie. Il fut fait aussi gentilhomme de Mademoiselle. Sur la fin de sa vie il avoit obtenu deux

1 Honoré d'Urfé, auteur du fameux roman de l'Astrée.

2 Baro dut cet honneur à Richelieu même, que Pellisson lui suppose hostile. Voici ce que dit Baro dans la dédicace qu'il fit de Parthénie à Mademoiselle (1642) : « Ce n'est point sur le rap

offices de nouvelle création; l'un de Procureur du Roi

au Présidial établi depuis peu à Valence '; l'autre, de Trésorier de France à Montpellier. Il est mort agé d'environ cinquante ans, et a laissé des enfants. Il a fait plusieurs pièces de théâtre et beaucoup d'autres poésies; mais son plus grand et son principal ouvrage est la Conclusion d'Astrée3, où il semble avoir été inspiré par le génie de son maître.

XV

BAUDOIN.

Jean Baudoin étoit du lieu de Pradelle en Vivarez1;

port d'autrui, Mademoiselle, que je fonde le jugement que je fais de vous; depuis le temps que Monseigneur le cardinal de Richelieu daigna favoriser la passion que j'avois d'être à Votre Altesse Royale, et qu'outre un nombre infini d'autres bienfaits, il plut à ce grand ministre de me procurer l'honneur d'être de votre maison, j'ai été le fidèle témoin de vos déportements, et je puis dire qu'il ne s'est rien passé dans le cours de votre vie qui ne m'ait ravi d'étonnement et d'admiration. »

1 Le siège présidial de Valence fut créé l'an 1635.

2 Vers 1649, selon le Parnasse françois de Titon du Tillet; en 1650 selon la meilleure édition de Moreri, qui avait donné d'abord la date de 1649. Cependant sa tragédie de Rosemonde a été publiée en 1651, et rien n'y donne à penser qu'il fût mort à cette époque, sinon que le privilége est accordé à son libraire.

3 La Conclusion d'Astrée fut publiée en décembre 1627 par le libraire François Pomeray.

L'abbé de Marolles, dans son Dénombrement des Auleurs, dit que Baudoin étoit de Franche-Comté; mais il se trompe. (0.)

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