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douleur un jeune homme qui étoit venu de Languedoc avec une comédie qu'il croyoit un chef-d'œuvre, et où il lui fit remarquer clairement mille défauts.

Un de mes amis, qui ne l'avoit jamais vu, fut un jour mené chez lui pour le consulter sur une pièce de même genre. Il en écouta la première et la seconde scène sans dire mot; mais à la troisième, où il y avoit un roi qui ne parloit pas à son gré, se levant en sursaut : « Ce roi est ivre, dit-il, car autrement il ne tiendroit pas çe discours. » Il travailloit avec un soin extraordinaire, et repassoit cent fois sur les mêmes choses: de là vient que nous avons si peu d'ouvrages de lui. Il laissa deux pièces de théâtre, la Belle Esclave et l'Intrigue des Filous, et en achevoit une troisième quand il mourut, qu'il appeloit le Secrétaire de saint Innocent2. Il avoit part, comme je vous ai dit, à celles des Cinq Auteurs. Il

toile, et il s'y trouvoit un provincial qui louoit extrêmement les vers d'un poëte de sa province. Si on avoit voulu le croire, c'étoit le meilleur poëte de France. M. de l'Estoile, qui ne connoissoit pas ce poëte, nous demanda si nous le connoissions. Nous lui dîmes que non. Alors il prononça cet arrêt: Malheur à tout homme qui fait des vers et qui n'est pas connu de M. Gombauld, de M. Ménage et de moi. » — Tallemant rapporte aussi ce fait; le provincial était un gentilhomme saintongeois.

1 Tallemant des Réaux donne le nom de l'auteur et de la pièce. Il est ici question de Michel Le Clerc, plus tard académicien, celui-là même que Racine a si cruellement raillé dans une de ses épigrammes; la tragédie de Ramire, lue par Le Clerc à Claude de l'Estoile, n'a jamais été imprimée.

2 Cette pièce devait être une comédie. On appelait secrétaires de saint Innocent les écrivains publics qui se tenaient autour du marché des Innocents.

y a diverses odes ou stances fort belles de lui dans les derniers Recueils imprimés.

Voilà tout ce que j'avois à vous dire des Académiciens morts. Plût à Dieu que je pusse parler des vivants avec la même liberté, et rendre à quelques-uns de ce nombre, que je connois plus particulièrement, le témoignage que leur esprit et que leur vertu mérite. Mais il y a plusieurs raisons qui m'empêchent, et une seule qui me console d'en être empêché. C'est que si je regarde le public, leurs images se verront sans doute ailleurs en quelque lieu plus célèbre, et de quelque meilleure main; et si je vous considère en particulier, vous savez assez ce que j'en pense, et n'aurez pas oublié ce que je vous en disois si souvent en nos longues promenades de Roumens, où il n'y avoit que des arbres et que des fontaines qui nous écoutassent. Contentez-vous donc de les voir ici nommés parmi les autres, suivant qu'ils sont dans le Catalogue de l'Académie je n'y ajouterai rien que des apostilles pour vous dire le nom de baptême et la qualité de chacun, sa patrie, et le titre des ouvrages par lesquels il est connu.

1

Apparemment on avoit fourni à M. Pellisson un catalogue peu exact; car l'ordre d'ancienneté, qui a toujours été suivi à l'Académie, est souvent renversé ici. En général, on a déjà pu juger par ses autres dénombrements qu'il n'a eu intention d'observer aucun ordre, et peut-être avoit-il ses raisons. Quoi qu'il en soit, une table alphabétique des matières est un remède aisé. (0.)

CATALOGUE

DE MESSIEURS

DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE.

I. Amable DE BOURZEYS, abbé de Saint-Martin de Cores, né en Auvergne. Il n'y a rien d'imprimé de lui sous son nom qu'une Lettre au prince Édouard Palatin, qui est un traité de religion '.

« Il naquit à Volvic près de Riom en Auvergne, le 6 avril 16062. Il fut élevé page chez le marquis de Chandenier 3, et

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Nous avons joint, à la suite de chacun des articles de Pellisson, les notes complémentaires de d'Olivet; la difference des deux textes suffira pour faire distinguer la part de chacun. Pour plusieurs des personnages qui figurent dans le Catalogue de Pellisson, l'abbé d'Olivet a fait des notices particulières qui se trouvent dans le second volume de cet ouvrage : nous réservons nos notes pour les rattacher à ces differents articles.

Camusat relève comme faux ce quantième, et fixe au 6 juin de la même année la naissance de Bourzeys, dont les parents auraient été catholiques et non protestants, comme l'assure le P. Gerberon dans son Histoire du Jansénisme, 1, 332.

3 Il étoit capitaine des gardes du corps; c'étoit un homme fort

dans cet état il ne laissa pas de faire un si grand progrès dans les lettres, surtout dans le grec, que le P. Arnoul, jésuite, son parent, qui avait été confesseur du Roi, l'ayant emmené à Rome, lorsqu'il n'avoit encore que dix-sept ans, osa le produire sur ce grand théâtre, comme un génie extraordinaire. Il y fit son cours de théologie sous le P. de Lugo, jésuite, et il apprit les langues orientales. Il s'y exerça aussi à diverses pièces de poésie, grecques et latines', et la traduction en vers grecs du poëme De partu Virginis, du pape Urbain VIII, lui mérita de Sa Sainteté un prieuré en Bretagne. Le cardinal Maurice de Savoie prit goût pour lui, l'amena à Turin, le fit loger dans le palais du Duc son père, et ne lui permit de se retirer en France qu'au bout de deux ans, gratifié d'une pension considérable. Lorsqu'il fut arrivé à Paris, le duc de Liancourt, qui faisoit cas des gens de lettres, lui offrit un appartement dans son hôtel et le présenta au roi Louis XIII, dont il obtint l'abbaye de Saint-Martin de Cores. Le cardinal de Richelieu l'honora de son estime et le choisit pour être un des membres de l'Académie françoise qu'il venoit d'établir. Peu de temps après, l'abbé de Bourzeys

savant, comme on le voit par les lettres latines que lui adresse Tanneguy Lefèvre. (Tanaquilli Fabri epistolæ, in-4°, Saumur, chez Desbordes.)

1 Leo Allatius, p. 25 de ses Apes Urbanæ, cite de lui l'ouvrage suivant: Epithalamium in nuptias DD. Thaddæi Barberini et Annæ Columnæ, e typogr. Cameræ, 1629, in-8°.

2 Cores, Chores ou Gores, dans le diocèse d'Autun. - L'abbé Gallois, puis l'abbé Boileau lui succédèrent dans cette abbaye, dont le revenu était de 12,000 livres, d'après la Clef du grand pouillé de France, de J. Doujat, 1671, in-12, p. 56.

3 On a vu plus haut, p. 74, qu'il y prononça, le 12 février 1635, un Discours sur le dessein de l'Académie et sur le différent génie des langues.

prit les ordres sacrés et s'appliqua à la controverse. Les fruits de ses travaux furent la conversion de quelques-uns des ministres, contre lesquels il avoit disputé. Il eut même tout l'honneur de celle d'Édouard, prince palatin'. Enfin la grande habileté qu'il avoit en ces matières porta le cardinal de Richelieu à lui confier ses ouvrages de controverse, et ce fut par ces soins qu'ils furent mis dans l'état où ils ont été imprimés. Les disputes sur la grâce s'étant élevées, donnèrent lieu à l'abbé de Bourzeys de faire divers écrits; mais la Constitution d'Innocent X étant intervenue en 16533, il cessa d'écrire sur ces disputes, et signa le formulaire en 1661^. Il suivit le cardinal Mazarin au voyage de Bouillon, où il le servit bien de sa plume. M. Colbert eut pour lui la même estime. Il le mit à la tête, non-seulement de l'Académie des inscriptions, mais encore d'une autre assemblée, qui se tenait dans la bibliothèque du Roi, et qui n'étoit composée

1 Le prince Édouard étoit le sixième des enfants de Frédéric V. Né le 6 octobre 1624, il épousa, le 24 août 1645, Anne de Gonzague, sœur de Marie de Gonzague, reine de Pologne, et mourut catholique le 10 mars 1663.

2 Il ne peut être question des premiers ouvrages de Richelieu, publiés entre 1617 et 1621, quand l'abbé de Bourzeys avoit douze ou seize ans, mais de a la méthode la plus facile et assurée de convertir ceux qui sont séparés de l'Église. » 1 vol. in-fo. 1651, et de « La perfection du chrétien, » 1 vol. in-4o, 1616, deux ouvrages auxquels il auroit eu la principale part, et dont la mémoire du Cardinal auroit eu l'honneur posthume. Le privilége en fut accordé à la duchesse d'Aiguillon, nièce du Cardinal.

3 La Constitution donnée par le pape Innocent Il est datée du 31 mai.

A la date du 4 novembre. Cet acte a été apprécié de diverses manières. Voy. le P. Quesnel, Démonstration de deux faussetés capitales de l'histoire des V propositions.

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