ceffaire des caufes néceffaires ; vôtre mal particulier n'eft rien, vous contribuez au bien général : un tel difcours certainement eût été auffi cruel que le tremblement de terre a été funefte: & voilà ce que dit l'Auteur du Poème fur le défaftre de Lisbonne.

Il avoue donc, avec toute la Terre, qu'il y a du mal fur la terre, ainfi que du bien, il avoue qu'aucun Philofophe n'a pû jamais expliquer Forigine du mal moral & du mal phyfique; il avoue que Bayle, le plus grand Dialecticien qui ait jamais écrit, n'a fait qu'apprendre à douter & qu'il fe combat lui-même; il avoue qu'il y a autant de faibleffes dans les lumières de P'homme, que de mifères dans fa vie. Il expofe tous les fiftêmes en peu de mots. Il dit la Révélation feule peut dénouer ce grand nœud que tous les Philofophes ont embrouillé; il dit que l'efpérance d'un développement de notre être dans un nouvel ordre de chofes, peut feule confoler des malheurs préfens, & que la bonté de la Providence eft le feul afyle auquel l'homme puifle recourir dans les ténèbres de fa raifon, dans les calamités de fa nature faible & mortelle.

que

P.S. I eft toujours malheureufement nécef faire d'avertir qu'il faut diftinguer les objections que fe fait un Auteur, de fes réponses aux objections, & ne pas prendre ce qu'il réfute pour ce qu'il adopte.

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NOTE PARTICULIERE

SUR CE PASSAGE DE CETTE Préface:

* Lorfque l'illuftre Pope donna fon Effai fur l'Homme, & qu'il développa dans fer vers immortels les fyftêmes du Lord Shaftersbury & du Lord Bolingbrooke, &c.

C'EST

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'EST peut-être la première fois qu'on a dit que le fyftême de Pope était celui du Lord Shaftersbury; c'eft pourtant une vérité inconteftable. Toute la partie phyfique eft prefque mot-à-mot dans la première partie du chapitre intitulé: Les Moraliftes, Section 3. MUCH IS ALLEG'd in ANSWER TO SHOW, &c. On a beaucoup à répondre à ces plaintes des défauts de la Nature. Comment eft-elle fortie fi impuifante & fi défectueufe des mains d'un être auffi parfait? Mais je nie qu'elle foit défectueufe..... Sa beauté résulte de contrariétés, & la concorde univerfelle nait d'un combat perpétuel.... il faut que chaque étre foit immolé à d'autres ; les

végétaux aux animaux, les animaux à la terre... &les loix du pouvoir central & de la gravitation, qui donnent aux corps céleftes leur poids & leur mouvement, ne feront point dérangées pour l'amour d'un chétif& faible animal, qui, tout protégé qu'il eft par ces mêmes loix, fera bien-tôt par elles réduit en pouffière.

10,

Cela eft admirablement dit : & cela n'empêche pas que l'illuftre Docteur Clarke, dans fon Traité de l'existence de Dieu, ne dife que le genre humain fe trouve dans un état où l'ordre naturel des chofes de ce Monde eft manifeftement renverse; page Tome II, feconde édition, traduction de M. Ricotier: cela n'empêche pas que l'homme ne puiffe dire: je dois être auffi cher à mon Maître, moi être penfant & fentant, que les planètes qui probablement ne fentent point: cela n'empêche pas que les chofes de ce monde ne puiffent être autrement, puifqu'on nous apprend que l'ordre a été perverti, & qu'il fera rétabli cela n'empêche pas que le mal phyfique & le mal moral ne foient une chole incompréhenfible à l'efprit humain : cela n'empêche pas qu'on ne puiffe révoquer en doute le Tout eft bien, en refpectant Shaftersbury & Pope, dont le fyftême a d'abord été attaqué comme fufpect d'a théisme, & eft aujourd'hui canonifé.

La partie morale de l'Efai fur l'Homme de Pope eft auffi toute entière dans Shafterbury, à l'article de la recherche fur la Vertu, au fecond volume des Caractéristics. C'eft-là que l'Auteur dit que l'intérêt particulier bien entendu fait l'intérêt général. Aimer le bien public & le nôtre eft non-feulement poffible, mais inféparable: To be well affected towards the publick intereft and ones own, is not only confiftent, but inSeparable. C'est-là ce qu'il prouve dans tout ce livre, & c'eft la base de toute la partie morale de l'Effai de Pope fur l'Homme. C'eft par-là qu'il finit.

That reason passion answer one great aim.
That true felf love and Social be the fame.

La raifon & les paffions répondent au grand but de Dieu. Le véritable amourpropre & l'amour focial font le même.

Une fi belle morale, bien mieux développée encore dans Pope que dans Shafterbury, a tou ours charmé l'Auteur des Poèmes fur Lisbonne & fur la Loi naturelle: voilà pourquoi il a dit,

Mais Pope approfondit ce qu'ils ont effleuré ;
Et l'homme avec lui seul apprend à se connaître.

Le Lord Shaftersbury prouve encore que la perfection de la vertu eft due néceffai

rement à la croyance d'un Dieu. And thus perfection of virtue must be owing to the belief of a God,

C'est apparemment fur ces paroles que quelques perfonnes ont traité Shafteribury d'Athée. S'ils avaient bien lû fon livre, ils n'auraient pas fait cet infàme reproche à la mémoire d'un Pair d'Angleterre, d'un Philofophe élevé par le fage Locke.

C'eft ainfi que le Père Hardouin traita d'Athées Pafcal, Mallebranche & Arnauld. C'eft ainfi que le Docteur Lange traita d'Athée le refpectable Wolf, pour avoir loué la morale des Chinois; & Wolf, s'étant appuyé du témoignage des Jéfuites Miffionnaires à la Chine, le Docteur répondit: Ne fait-on pas que les Jéfuites font des Athées ? Ceux qui gémirent fur l'aventure des Diables de Loudun, fi humiliante pour la raison humaine; ceux qui trouvèrent mauvais qu'un Récollet, en conduifant Urbain Grandier au fupplice, le frappât au vifage avec un crucifix de fer, furent appellés Athées par les Récollets. Les Convulfionnaires ont imprimé, que ceux qui fe moquaient des convulsions étaient des Athées; & les Moliniftes ont cent fois baptifé de ce nom les Janféniftes.

Lorfqu'un homme connu écrivit le premier en France, il y a plus de trente ans,