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il n'y en a aucun d'empoisonné, & plufieurs peuvent être falutaires.

Il faut regarder cet ouvrage comme une lettre où l'on expofe en liberté fes fentimens. La plupart des livres reffemblent à ces converfations générales & gênées, dans lesquelles on dit rarement ce qu'on penfe. L'Auteur a dit ici ce qu'il a pensé à un Prince Philofophe auprès duquel il avait alors l'honneur de vivre. Il a appris que des efprits éclairés n'ont pas été mécontens de cette ébauche : ils ont jugé que le Poème fur la Loi Naturelle eft une préparation à des vérités plus fublimes. Cela feul aurait déterminé l'Auteur à rendre l'ouvrage plus complet & plus correct, fi ses infirmités l'avaient permis. Il a été obligé de Se borner à corriger les fautes dont fourmillent les éditions qu'on en a faites.

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Les louanges données dans cet écrit à un Prince qui ne cherchait pas ces louanges, ne doivent furprendre perfonne: elles n'avaient rien de la flatterie, elles partaient du caur; ce n'eft pas-là de cet encens que l'intérêt prodigue à la puiflance. L'homme de Lettres pouvait ne pas mériter les éloges & les bontés dont le Monarque le comblait ; mais le Monarque méritait la vérité que l'homme de lettres lui difait dans cet ouvrage. Les

changemens furvenus depuis dans un commerce fi honorable pour la Littérature n'ont point altéré les fentimens qu'il avait fait naître.

Enfin puifqu'on a arraché au fecret & à l'obfcurité un écrit deftiné à ne point paraître, il fubfiftera chez quelques fages comme un monument d'une correfpondance philofophique qui ne devait point finir; & on ajoûte que, fi la faiblefe humaine fe fait fentir partout, la vraie philofophie dompte toujours cette faibleffe.

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Au refte ce faible Efai fut compofé à l'occafion d'une petite brochure qui parut en ce tems-là. Elle était intitulée du Souverain Bien; & elle devait l'être du Souverain Mal. On y prétendait qu'il n'y a ni vertu ni vice, & que les remords font une faiblesse d'éducation qu'il faut étouffer. L'Auteur du Poeme prétend que les remords nous font auffi naturels que les autres affections de notre ame. Si la fougue d'une paffion fait commettre une faute, la Nature, rendue à ellemême, fent cette faute. La fille fauvage trouvée près de Châlons avoua que dans la colère elle avait donné à fa compagne un coup dont cette infortunée mourut entre fes bras. Dès qu'elle vit fon fang couler, elle fe repentit, elle

pleura, elle étancha ce fang, elle mit des herbes fur la blefure. Ceux qui difent que ce retour d'humanité n'eft qu'une branche de notre amour-propre, font bien de l'honneur à l'amourpropre. Qu'on appelle la raifon & les remords comme on voudra, ils exiftent, & ils font les fondemens de la Loi Naturelle.

LA

LOI NATURELLE,

POÈME EN QUATRE PARTIES.

EXORD E.

Vous dont les exploits, le règne & les ouvrages Deviendront la leçon des Héros & des Sages, Qui voyez d'un même œil les caprices du fort, Le Trône & la cabane, & la vie & la mort; Philofophe intrépide, affermissez mon ame, Couvrez-moi des rayons de cette pure Alâme Qu'allume la raison qu'éteint le préjugé. Dans cette nuit d'erreur, où le Monde est plongé, Apportons, s'il se peut, une faible lumière. Nos premiers entretiens, notre étude première, Etaient, je m'en fouviens, Horace avec Boileau. Vous y cherchiez le vrai, vous y goûtiez le beau. Quelques traits échappés d'une utile morale, Dans leurs piquans écrits brillent par intervalle ;

Mais Pope approfondit ce qu'ils ont effleuré;
D'un efprit plus hardi, d'un pas plus afluré,
Il porta le flambeau dans l'abîme de l'être,
Et l'homme avec lui feul apprit à fe connaître.
L'art quelquefois frivole, & quelquefois divin,
L'art des vers eft dans Pope uile au genre-humain.
Que m'importe en effet que le flatteur d'O&ave,
Parafite difcret, non moins qu'adroit esclave,
Du lit de fa Glycère, ou de Ligurinus,

En profe mefurée infulte à rispinus?

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Que Boileau, répandant plus de fel que de grace,
Veuille outrager Quinault, pense avilir le Tasse ?.
Qu'il peigue de Paris les triftes embarras,

Ou décrive en beaux vers un fort mauvais repas?
Il faut d'autres objets à votre intelligence.

De l'Efprit qui vous meut vous recherchez l'effence,
Son principe, fa fin, & furtout fon devoir.
Voyors ful grand point ce qu'on a pu favoir,
Ce que l'erreur fait croire aux Docteurs du vulgaire,
Et ce que vous inspire un Dieu qui vous éclaire.
Dans le fond de nos cœurs il faut chercher fes traits:
Si Dieu n'eft pas dans nous, il n'exista jamais.
Ne pouvons-nous trouver l'Auteur de notre vie
Qu'au labyrinthe obfcur de la Théologie ?
Origène & Jean Scot font chez vous fans crédit :
La Nature en fait plus qu'ils n'en ont jamais dit.
Ecartons ces Romans qu'on appelle systêmes,
Et, pour nous élever, defcendons dans nous-mêmes.
PREMIÈRE

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