Images de page
PDF
ePub

par les lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4?

» Sans doute, la loi du 12 brumaire an 2 retroagissait, quand elle faisait participer aux droits successifs qu'elle défère aux enfans naturels, ceux de ces enfans dont les pères étaient morts depuis le 14 juillet 1789; et cette retroactivité a été justement réprimée par la loi du 15 thermidor an 4, parceque les biens des pères de ces enfans étaient acquis irrevocablement aux héritiers désignés par les lois sous l'empire desquelles les pères de ces enfans étaient décédés. Mais par la raison contraire, la loi du 12 brumaire an 2 ne retroagit plus, du moment que, modifiée par la loi du 15 thermidor an 4, elle n'appelle les enfans naturels qu'aux droits successifs, ou si on l'aime mieux, qu'à une créance de droits successifs, ouverts depuis le décret du 4 juin 1793; elle ne fait plus en cela qu'exercer un pouvoir qu'on ne saurait contester au législateur, celui de régler, comme il lui plaît, les successions qui s'ouvriront à l'avenir.

» Mais la loi du 12 brumaire an 2 ne rétroagirait-elle pas encore aujourd'hui, si, aidée par le complément qu'elle a reçu de la loi du 14 floréal an 11, elle étendait sa dis position jusqu'aux enfans naturels qui avaient eté authentiquement reconnus avant le décret du 4 juin 1793 ? Pas davantage; et pourquoi? Parceque la loi ne rétroagit pas, quand elle ne dispose que pour l'avenir; parceque la loi ne dispose certainement que pour l'ave nir, quand elle règle des droits successifs qui ne sont pas encore échus; parcequ'en réglant des droits successifs qui ne sont pas encore échus, la loi est bien maîtresse d'y appeler, comme elle est maitresse d'en exclure, les personnes qui, au moment même où elle dispose, ont telle ou telle qualité, les personnes qui, en ce moment, se trouvent dans telle ou telle position. — Ainsi, qu'une loi dise aujourd'hui, les personnes mariées seront à l'avenir seules habiles à succéder; et que demain s'ouvre une succession à laquelle, sans cette loi, seraient venus des parens célibataires, concurremment avec des parens mariés : les parens célibataires pourront-ils soutenir que cette loi ne doit être entendue que des personnes mariées après sa publication? Non certainement. Et par quelle raison de différence prétendrait on ici restreindre aux enfans naturels nés depuis la loi du 12 brumaire an 2, la disposition de cette loi qui appelle indistinctement aux droits successifs qu'elle détermine, les enfans naturels reconnus par leurs actes de naissance?

» Mais, dit-on, ce qui prouve que les en` fans naturels reconnus avant la loi du 12 brumaire an 2, et dont les pères sont morts depuis, ne peuvent pas jouir des avantages attachés à la reconnaissance légale, c'est qu'on ne peut pas leur appliquer la disposition de l'art. 761 du Code civil: en effet, par cet article, toute réclamation est interdite aux enfans naturels reconnus, lorsqu'ils ont reçu, du vivant de leur père, la moitié de ce qui leur est attribué par les articles précédens, avec déclaration expresse, de la part de leur père, que son intention est de réduire l'enfant naturel à la portion qu'il lui a assignée. Seulement, si cette portion est inférieure à la moitié de ce qui devrait revenir à l'enfant naturel, il est admis à réclamer le supplément nécessaire pour parfaire cette moitié.

Or, il est bien évident que, quand un père, sous l'ancien régime, faisait une donation à l'enfant naturel qu'il avait reconnu, il ne pouvait pas avoir la pensée d'une pareille déclaration. Quel serait donc aujourd'hui le sort des héritiers d'un père qui, ayant donné à son enfant naturel, avant la loi du 12 brumaire an 2, soit la moitié, soit même plus de la moitié de ce que porte le Code civil, serait mort depuis, dans la ferme persuasion qu'il avait rempli tous les devoirs de la nature ? Ses héritiers seraient plus maltraités que s'il avait survécu à la publication du Code civil, que s'il avait reconnu son enfant naturel postérieurement à cette publication, que s'il lui avait donné depuis la même époque une partie de sa fortune; puisqu'il aurait pu, dans ce cas, 'déclarer expressément que c'était là tout ce qu'il voulait donner. Et conçoit-on, peut-on même sérieusement soutenir une manière d'appliquer, soit la loi du 12 brumaire an 2, soit la loi du 14 floréal an 11, qui rend la condition des enfans naturels dont les pères sont morts avant la publication duCode civil, meilleure que celle des enfans naturels de père dont la publication du Code civil a devancé la mort?

» Mais d'abord, ce raisonnement prouve trop, et conséquemment ne prouve rien. Il prouve trop, car tout ce qu'on dit des en. fans naturels reconnus avant la loi du 12 brumaire an 2, on peut le dire également des enfans naturels reconnus depuis cette loi pardes peres morts avant la publication du Code civil. Le père qui, avant la publication du Code civil, faisait une donation à l'enfant naturel qu'il avait reconnu depuis la loi du 12 brumaire an 2, ne pouvait pas, plus que le père donnant à l'enfant naturel qu'il avait reconnu avant cette loi, prévoir que l'art. 761 du Code civil lui ouvrirait un moyen pour restreindre

cet enfant à ce qu'il lui donnait ; et certes, si l'on voulait conclure de là que les enfans naturels reconnus depuis la loi du 12 brumaire an 2, ne doivent pas exercer, sur les successions de leurs pères morts avant la publication du Code civil, les droits déterminés par le Code civil même, non-seulement on raisonnerait fort mal, mais on se mettrait encore en opposition diametrale avec le texte de la loi du 14 floréal an 11.

» Ensuite, il est très-vrai que, si la loi n'y avait pas pourvu, la condition des enfans naturels à qui il aurait été fait des donations avant la publication du Code civil, serait plus avantageuse que celle des enfans naturels à qui des donations auraient été faites depuis cette publication. Mais cet inconvénient n'a pas échappé à la loi du 14 floréal an 11, et elle l'a prévenu. Après avoir dit, art. 1, que l'état et le droit des enfans nés hors mariage, dont les pères et mères sont morts depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2, jusqu'à la promulgation des titres du Code civil sur la paternité et la filiation et sur les successions, seront réglés de la manière prescrite par ces titres ; elle ajoute, art. 2: NÉANMOINS (terme qui fait évidemment excep. tion à l'art. 761 du Code, sur la nécessité de la déclaration expresse qu'exige ce dernier article pour donner lieu à la réduction dont il parle), Néanmoins les dispositions entre-vifs ou testamentaires, antérieures à la promulgation des mêmes titres du Code civil, et dans lesquelles on aurait t fixé les droits de ces enfans naturels, seront exécutées, sauf la réduction à la quotité disponible, aux termes du Code civil, et sauf aussi un sup plément, conformément à l'art. 51 (aujourd'hui 761) de la loi sur les successions, dans le cas où la portion donnée ou léguée serait inférieure à la moitié de ce qui devrait reve nir à l'enfant naturel, suivant la méme loi. - Il serait sans doute à désirer que ce dernier article expliquát plus clairement qu'il ne le fait, ce qu'il entend par des donations dans lesquelles on aurait Fixé les droits des enfans naturels ; mais de quelque manière qu'on l'entende en cette partie, il en résulte toujours, en faveur des héritiers des pères naturels morts avant la promulgation du Code civil, une dérogation quelconque à l'art. 761 de ce Code, touchant la nécessité d'une déclaration expresse de la part du père donateur.

Et si l'on voulait aller jusqu'à soutenir que l'art. 761, loin d'être modifié par l'art. 2 de la loi du 14 floréal an 11, est au contraire, par cet article, déclaré commun, dans toute son étendue, aux donations antérieures à la pro

mulgation du Code civil, l'argument auquel nous répondons en ce moment, ne serait pas pour cela plus solide. L'art. 2 de la loi du 14 floréal, ainsi entendu, prouverait que, parmi les donations faites à des enfans naturels, avant comme depuis la loi du 12 brumaire an 2, il y en a plusieurs dans lesquelles se trouve la déclaration expresse dont parle l'art. 761 du Code; il prouverait par conséquent que eette déclaration expresse n'était ni insolite, ni, à plus forte raison, impossible, de la part des pères qui, avant la promulgation du Code, feisaient des donations à leurs enfans naturels; et par une conséquence ultérieure, il saperait par sa base l'argument dont il s'agit.

» Il ne reste plus à la dame Cousin qu'une seule objection, et, nous devons le dire, elle est bien faible.-La reconnaissance de paternité, souscrite en 1787 au profit d'AdélaïdeLouise, n'a pas été volontaire de la part du sieur Cousin ; le sieur Cousin ne l'a souscrite que pour se soustraire à des poursuites scandaleuses: il ne l'a par conséquent souscrite que forcément. Or, peut-on appliquer à une reconnaissance forcée les effets que la loi du 12 brumaire et le Code civil attachent aux reconnaissances de paternité, aux reconnaissances que la loi du 12 brumaire et le Code civil laissent aux pères la pleine liberté de faire ou de ne pas faire?

» Non vraiment, les reconnaissances forcées, qui ont été faites sous l'empire de l'ancienne legislation, ne sont pas susceptibles de l'application, soit de la loi du 12 brumaire, soit du Code civil. Mais, qu'entend-on en cette matière par des reconnaisances forcées? Ce sont celles-là,et celles-là seulement, qui sont intervenues à la suite de demandes judiciaires en déclaration de paternité.

» L'arrêt de Ganjoux, rendu le 5 thermidor an 5, au rapport de M. Cochard, nous en offre un exemple.- Par une transaction du 13 avril 1759, Claude Ganjoux avait renoncé à l'appel d'une sentence du 6 avril 1758, qui le condamnait à se charger d'une fille nommée Marguerite, dont était accouchée Claudine Gervais; et depuis, jusqu'à sa mort arrivée le 14 août 1789, il avait, conformément à cette sentence, fourni des alimens à Marguerite. Après la publication de la loi du 12 brumaire an 2, Marguerite, se fondant sur l'art. 8 de cette loi, réclama sa succession, et elle lui fut adjugée par une sentence arbitrale du 14 thermidor de la même année. Mais cette sentence ayant été déférée à la cour, la cour l'a cassée, « attendu 10 que la défenderesse » n'a prouvé sa prétendue possession d'état » par la représentation d'aucun écrit public ou

་་

» privé, émané du fait libre et volontaire de » Claude Ganjoux, qu'elle désigne comme son » père naturel....; attendu 2o que les diffé>> rentes sommes qu'il lui a payées, ne l'ont » été que forcément, et en exécution de la » sentence du 6 avril 1758; attendu 30 que » la transaction postérieure du 13 avril 1759, » passée entre Claude Ganjoux et la mère de » la defenderesse, ne peut être considérée non » plus comme un acte libre et spontané de re» connaissance de la paternité que cette femme » lui imputait; puisqu'elle n'a eu pour objet » que l'incertitude de la décision à intervenir » sur l'appellation de ladite sentence, émise » par ledit Ganjoux, et dont il ne pouvait » prévoir l'événement; que les sommes payées > en exécution, ne peuvent non plus être re» gardées comme une reconnaissance de la » même paternité, mais comme le prix de » l'incertitude de l'événement dudit procès; >> attendu 4o que, loin de s'être reconnu père » de ladite defenderesse, ledit Ganjoux a eu » l'attention de faire signifier, le 27 mai 1758, » au curé de la paroisse à laquelle ladite defen» deresse devait être présentée au baptême, » un acte par lequel il lui déclarait qu'il s'op>> posait, autant qu'il était en son pouvoir, à » ce qu'elle fut designée de son nom sur les >> registres, et comme sa fille naturelle; at» tendu 50 qu'à nulle autre époque de sa vie, »ni au temps du mariage de ladite defende»resse, Claude Ganjoux ne l'a reconnue libre»ment et volontairement pour être sa fille >> naturelle, et qu'il n'a rien fait pour elle en » cette qualité ».

» Si c'etait dans des circonstances de cette nature que le sieur Cousin eût reconnu Adelaide-Louise, n'en doutons point, vous jugeriez aujourd'hui contre Adelaide-Louise, ce que vous avez jugé le 5 thermidor an 5 contre Marguerite. Mais quelle différence entre les deux espèces! Le sieur Cousin n'a été, ou du moins il parait n'avoir été forcé par aucune mesure à reconnaître Adelaide-Louise. C'est donc de son plein gré, c'est done par un acte libre et spontané, c'est donc de sa volonté pure et franche, qu'il est censé l'avoir reconnue. Qu'il n'ait cherché, en la reconnaissant, qu'à prévenir des poursuites judiciaires, cela peut être; mais pour détruire l'effet de sa reconnaissance, des probabilités ne suffisent pas; il faut des preuves, et ici les preuves manquent totalement.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête de la demanderesse ».

Arrêt du 14 floréal an 13, au rapport de M. Pajon, qui,

.

« Attendu 1o que l'arrêt attaqué n'a point contrevenu à l'art. 5 du tit. 14 de la loi du 24 août 1790, en réduisant toutes les questions du procès à celle unique de savoir si l'acte de naissance du 27 novembre 1787 contenait une reconnaissance suffisante de l'état de la défenderesse;

» Attendu 2o qu'il n'a point non plus contrevenu à l'art. 1234 du Code civil, en ce qu'il n'a rien préjugé sur lefait de la constitution de rente viagère, qu'on prétend avoir été placée par le sieur Cousin-Méricourt, sous le nom d'une personne interposée, à l'effet de subve nir à l'éducation et àl'établissement de la dé. fenderesse;

» Attendu 3o qu'il na' point contrevenu à l'art. 337, puisqu'il s'agissait dans la cause d'une reconnaissance faite antérieurement, et non pendant le mariage du sieur CousinMéricourt;

» Attendu 4o qu'il n'a point contrevenu à l'art. 756, puisqu'il ne défère à la défenderesse que les droits qui lui sont conférés par le Code civil, et que la généralité de cette expression ne préjuge rien sur la nature de ces droits; » Attendu 5o qu'il n'a point non plus violé l'autorité dela chose jugée par l'arrêt de la section civile, du 7 fructidor an 10, puisqu'en renvoyant les parties à procéder pour nouveau jugement, elle a nécessairement conféré au tribunal de renvoi le droit de statuer sur le procès en état d'appel du jugement de première instance;

» Attendu enfin que l'art. 1 de la loi du 14 floréal de l'an 11 ayant rendu applicables aux enfans nés hors du mariage, dont les pères et mères seraient décédés postérieurement à la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2, les dispositions du Code civil relatives à la paternité et à la filiation; il s'ensuit que c'est par l'art. 334 de ce Code que leur état doit être déterminé; d'où il résulte, pour dernière conséquence, que cet article n'ayant établi aucune distinction entre les actes de naissance dont la date serait antérieure ou postérieure à l'époque de la promulgation de ladite loi du 12 brumaire de l'an 2, l'arrêt attaqué n'a point faussement appliqué celle du 14 floréal de l'an 11, en déclarant suffisante la reconnaissance produite par la défenderesse ;

» Rejette le pourvoi.... ».

S. III. 1. Les reconnaissances de paternité qui, à la suite de procédures judiciaires, ont éte données en forme authentique, par un homme mort dans l'intervalle de la loi du 12 brumaire an 2 au Code civil, en faveur d'enfans naturels nés avant la première de ces lois, suffisent-elles pour

attribuer à ces enfans, en vertu de la loi transitoire du 14 floréal au 11, les droits conférés par le Code civil aux enfans naturels légalement reconnus ?

2.0 Quel est l'effet d'une reconnaissance de paternité et d'une institution d'héritier faite en faveur d'un enfant naturel, après la loi du 12 brumaire an 2, par le testament solennel d'un homme mort avant la promulgation du Code civil, et qui avait alors un enfant légitime qui lui a survécu? 3. Les art. 2 et 3 de la loi transitoire du 14 floréal an 11 dérogent-ils, en faveur des enfans naturels dont les pères sont morts dans l'intervalle de la loi du 12 brumaire an 2, au Code civil, à la disposition de l'art. 337 du Code civil méme? Thérèse Laborde avait mis au monde, avril 1778, en octobre 1779 et en juin 1783, trois enfans naturels, qui avaient éte baptises sous les noms de Marie Durandeau, Jean-Bavtiste Brassier et Jean-Philippe Richon-Gramont. Ce dernier avait été, par son acte de baptême, qualifié de fils légitime de Philippe Richon-Gramont, bourgeois.

en

Le 22 février 1784, Philippe Richon, conseiller au parlement de Bordeaux, épouse Rosalie Seignouret ; et de ce mariage nait un fils unique, nommé Joseph-Philippe Richon.

Le 14 novembre 1791, Thérèse Laborde traduit Philippe Richon devant le tribunal du district de Bordeaux, pour le faire condamner à lui payer 10. vingt mille livres de dommagesintérêts,à raison des liaisons qu'il a entretenues avec elle pendant plusieurs années; 2.0 une pension alimentaire pour Jean-Philippe Gramont, dont elle lui attribue la paternité; 3.0 un capital de 6000 livres pour assurer un état à cet enfant.

Le 19 décembre suivant, jugement qui, en ordonnant une plus ample instruction, accorde à Jean-Philippe Gramont une pension provisoire de 600 livres.

Le 6 septembre 1792, transaction notariée entre Philippe Richon et Thérèse Laborde. Deux clauses sont à remarquer dans cet acte: par la première, Philippe Richon s'oblige de payer à Thérèse Laborde 1500 livres une fois, et une pension viagère de 600 livres; par la seconde, il s'engage « de pourvoir à la nour»riture, entretien et éducation de Jean-Philippe Richon, son fils naturel, et de lui » donner un état ; à l'effet de quoi, la demoi» selle Laborde lui a remis ledit Jean-Philippe » Richon; promettant ladite demoiselle de » ne se mêler en aucune manière, directe»ment ou indirectement, de l'éducation et » de la personne dudit Jean-Philippe Richon,

» même de le lui faire remettre dans le cas » où, par quelque événement imprévu, ledit » Jean-Philippe Richon se retirerait auprès » d'elle; sous peine de perdre la pension via» gère ci-dessus promise; s'en remettant » ladite demoiselle Laborde entièrement à » l'honnêteté et à la délicatesse dudit sieur » Richon; et moyennant tout ce que dessus, » les parties consentent que le procès pendant » entre elles au tribunal de district, demeure » éteint et comme non avenu par la présente » transaction ».

Le 16 ventose an 2, pétition de Thérèse Laborde au représentant du peuple Ysabeau, en mission dans le département de la Gironde, par laquelle, en accusant le cit. Richon d'avoir successivement fait disparaître les enfans qu'elle a eus de lui, pour sacrifier à son fils appelé légitime dans les temps de préjugé, elle demande qu'il soit tenu de lui représenter ses enfans pour étre reconnus, et, en outre, de lui payer à elle-même un capital de 60,000 livres.

Le représentant du peuple Ysabeau renvoie cette pétition au sieur Gaube, juge de paix, auquel il enjoint « d'appeler ou faire appeler » les parties, les entendre et interroger sépa»rement, pour, sur les procès-verbaux qui » seront dressés, les entendre séparément, » les concilier, s'il se peut, sur leurs inté >> rêts; lui enjoignant surtout de faire tout ce » qu'il sera humainement possible de faire » pour s'assurer de l'existence des trois en» fans, et de les faire reconnaître par leurs

l'au

père et mère, s'ils existent; au cas con» traire, obliger ceux qui en auront été char»gés, et qui s'en sont emparés, de faire con» naitre comment et par quel genre de mort » ils ont pu finir leur vie, faire à ce sujet » toutes enquêtes, informations, recherches, " perquisitions qu'il croira nécessaires ; »torisant à s'adjoindre et déléguer les pou» voirs qui lui sont confiés, à tel de ses con» citoyens qu'il jugera digne de sa confiance, » comme de lui allouer telles rétributions >> qu'il croira devoir; rendre enfin tel ju»gement que sa conscience et les lois lui » indiqueront, afin que, dans le plus bref » délai, justice soit rendue à toutes les par» ties, et que le crime, s'il en existe, » soit puni par les peines que les lois indi>>quent ».

Le 3 germinal an 2, Thérèse Laborde et Philippe Richon, representé par son épouse, munie à cet effet d'une procuration spéciale, comparaissent devant le juge de paix Gaube.

Therese Laborde demande la représentation de ses trois enfans, sur l'existence des

quels elle désire étre fixée, et 60,000 livres de dommages-intérêts.

La dame Richon, de son côté, dit «< qu'elle » s'empresse de satisfaire aux désirs de la >> cit. Laborde, et de remplir en même temps >> un devoir qui rentre dans l'intérêt public, >> en représentant à l'instant même, devant » la cit. Laborde, deux enfans nés d'elle et » du cit. Richon, dont l'un appelé Jean, por» tant le surnom de Brassier, et que le cit. » Richon reconnait cependant pour son fils, » agé d'environ seize ans ; et l'autre nommé » Jean-Philippe Richon, reconnu aussi par » le cit. Richon pour son fils; ajoutant qu'une » fille née de ladite cit. Laborde et dudit >> Richon était décédée dans le mois d'août » 1779, chez la nourrice où elle avait été » placée dans la commune de Gallebant ».

Sur cet exposé, Thérèse Laborde déclare reconnaitre Jean-Philippe Richon pour son fils, né d'elle et du cit. Richon; ne pas reconnaître l'autre, surnommé Brassier; et rester incertaine sur le sort de sa fille, dont elle requiert que compte lui soit rendu d'une manière positive.

Le juge de paix donne acte à la dame Richon de la représentation qu'elle a faite de deux enfans; et ordonne que, sur les faits contestés par Thérèse Laborde, il sera procédé devant lui à une enquête.

L'enquête a lieu le 18 du même mois. Après l'audition des témoins, Thérèse Laborde declare tenir pour prouvé que Jean Brassier est le fils qu'elle a eu de Philippe Richon; mais ne pas regarder comme justifié que sa fille, Marie Durandeau, ait cessé d'exister. Le juge de paix continue l'audience à un autre jour.

Enfin, le 2 floréal an 2, après avoir entendu de nouveau les parties, il rend son jugement définitif. Par ce jugement, il déclare que le décès de Marie Durandeau est suffisamment prouvé: « et considérant (ajoute>>t-il), en ce qui touche les deux enfans » máles, que celui nommé Jean est vivant, >> reconnu et avoué par la cit. Laborde et par » le cit. Richon; que celui nommé Jean-Phi » lippe est aussi vivant, reconnu et avoué par » la cit. Laborde et par le cit. Richon, leurs » père et mére hors le mariage; que le cit. » Richon s'est chargé de pourvoir à la nourri»ture, aux besoins et à l'éducation desdits » Jean et Jean-Philippe, ses enfans ; et qu'il » s'acquitte des devoirs de la paternité; en » sorte que l'intérêt général et celui des deux » enfans sont complétement assurés ; considé >> rant, relativement aux dommages-intérêts, » que cet objet a été réglé par la transaction

» du 6 septembre 1792.... ; relaxons le cit. Ri» chon de la demande contre lui formée par » la cit. Laborde, avec dépens ».

Le 19 du même mois, Philippe Richon fait signifier ce jugement à Thérèse Laborde, afin qu'elle ne l'ignore.

Onze jours après, le 30, il fait écrire par une main étrangère, et il signe à chaque page, un testament mystique, qu'il dépose, dúment clos et cacheté, entre les mains de Trougenat, notaire à Bordeaux, en présence de sept témoins, le jour même de sa date.

Il déclare, par cet acte, qu'avant son mariage avec mademoiselle Seignouret, il a eu de Thérèse Laborde trois enfans, dont l'un, Marie Durandeau, est décédé ; et les deux autres, nommés Jean Brassier, et Jean-Philippe, surnommé Gramont, sont encore vivans.

Par une seconde disposition, il institue Joseph-Philippe Richon (son fils légitime), et les deux enfans vivans de la demoiselle Laborde, ses héritiers généraux et universels, SUIVANT LES LOIS NOUVELLES, décrétées par la convention nationale.

Il nomme ensuite la dame Seignouret, son épouse, tutrice de ses trois enfans sus-nommés ; il la charge de pourvoir à leur éducation et à leur entretien; il la dispense de toute formalité de justice, ainsi que de toute autorisation, pour gérer cette tutelle; et il de clare qu'il n'a aucune confiance dans la demoiselle Laborde, pour veiller à l'entretien et à l'éducation des deux enfans qui lui restent d'elle.

Il donne et lègue à la demoiselle Seignouret, son épouse, l'usufruit de ses biens-meubles et immeubles en totalité, jusqu'à la majorité de ses trois enfans; et pour moitié seulement après leur majorité.

Enfin, il révoque tous les testamens, codicilles et autres dispositions à cause de mort qu'il pourrait avoir faits ci-devant ; et il veut que cet écrit soit son seul et unique testament, attendu qu'il est conforme aux lois actuelles de la république.

Le testateur décède dans les premiers jours de messidor an 2.

Le 23 du même mois, le testament est ouvert par le président du tribunal du district de Bordeaux.

La veuve Richon accepte la tutelle qui lui est déférée par cet acte.

En l'an 5, Jean-Philippe Richon-Gramont, assisté de Pierre Laborde, son curateur, se pourvoit contre la veuve Richon, pour obtenir le partage de la succession du défunt, et par provision le paiement d'une somme de 6,000 livres.

« PrécédentContinuer »