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gislative; mais la jurisprudence des arrêts s'y conforma.

DEUXIÈME ÉPOQUE. Tel était l'état des choses, lorsque l'assemblée constituante, aprés avoir déclaré, par son décret du 13 février 1790, sanctionné le 19 du même mois, que la loi ne reconnaîtrait plus de vœux monastiques solennels des personnes de l'un ni de l'autre sexe, plaça à la tête de la constitution du 3 septembre 1791, une disposition qui, en rappelant ce principe, lui donna plus de latitude la loi ne reconnait plus, dit elle, ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits na

turels.

C'était bien dire aussi clairement qu'il était possible, que l'engagement que contractaient les prêtres, les diacres et les sousdiacres, par leur ordination, de vivre dans le Celibat, ne serait plus désormais rien aux yeux de la loi civile."

Aussi la loi du 20 septembre 1792, en définisssant, tit. 4, sect. 1.re, les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage, n'y plaça-t-elle pas la non-promotion aux ordres sacrés.

Cependant, le 17 décembre suivant, un évêque fut dénoncé au corps législatif, pour avoir refusé l'institution canonique à un vi caire, sous le prétexte qu'il était marié; et sur cette dénonciation, il intervint un de cret d'ordre du jour, motivé sur ce que tout citoyen peut se pourvoir devant les tribunaux contre la violation de la loi à son égard.

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Le 19 juillet 1793, autre décret qui, sur la pétition d'un curé auquel on refusait son traitement parcequ'il était marié, passe l'ordre du jour, motivé sur ce qu'aucune loi ne peut priver du traitement les ministres du culte catholique qui se marient.

Le même jour, troisième décret qui ordonne que les évêques qui apporteront, soit directement, soit indirectement, quelques obstacles au mariage des prêtres, seront déportés et remplacés.

et que son traitement lui sera payé aux frais de la commune qui l'aura persécuté.

Tous ces décrets prouvaient sans doute, par leur multiplicité, que l'opinion publique ne pouvait pas se familiariser avec l'idée d'un prêtre marié et continuant l'exercice de ses fonctions sacerdotales; mais ils manifestaient en même temps la ferme résolution du législateur de ne pas se départir du principe implicitement écrit dans la constitution du 3 septembre 1791, que la prêtrise n'était pas un obstacle au mariage.

Et dans le fait, non-seulement il n'y a pas d'exemple que des mariages contractés à l'époque dont il s'agit par des prètres, aient été attaqués en justice pour défaut de capacité; mais il y a au contraire trois arrêts, dont deux de la cour de cassation, qui ont juge valable un mariage de cette espèce que l'on attaquait par un autre moyen. V. l'artícle Conventions matrimoniales, §. 1, et mon Recueil de Questions de droit, au mot Mariage, §. 5.

TROISIÈME ÉPOQUE. Le 26 messidor an 9, il a été passé entre le gouvernement français et le pape Pie VII, un concordat dont le préambule et le premier article ont depuis servi de prétexte pour soutenir que les prè tres catholiques étaient, dès-lors, devenus incapables de se marier. Voici les termes de

l'un et de l'autre :

« Le gouvernement.... reconnait que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des Français.

» Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retire et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat du rétablissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls.....

>> En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit :

Le 12 août de la même année, quatrième décret par lequel, entre autres dispositions, » Art. 1er. La religion catholique, apostotoute destitution de ministre du culte catholique et romaine, sera librement exercée en lique qui aurait pour cause le mariage des individus qui y sont attachés, est annulée ; et le prêtre qui en est l'objet pourra reprendre ses fonctions.

Le 17 septembre suivant, cinquième décret portant que tout prêtre qui se sera marié, et qui sera inquiété à ce sujet par les habitans des communes de sa paroisse, pourra se retirer dans tel licu qu'il jugera convenable,

France; son culte sera public, en se conformant aux règlemens de police que le gouvernement jugera necessaires pour la tranquil. lite publique (1) ».

En s'exprimant ainsi, le concordat avait-il pour objet de rétablir l'empêchement legal

(1) Bulletin des lois, 3". séric, no. 172.

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qui, avant la constitution de 1791, s'opposait porte d'arrêter les funestes effets dans leur
au mariage des prêtres?
principe.

Le commentaire le plus sûr de cette convention est sans doute le discours prononcé par l'orateur du gouvernement, M. Portalis, lors de la présentation au corps législatif du projet de la loi du 18 germinal an 10, qui en a ordonné la publication. Eh bien! Voici mot pour mot ce qu'il a dit sur ce point:

« Pour les ministres que nous conservons ('et à qui le Célibat est ordonné par les règlemens ecclésiastiques), la défense qui leur est faite du mariage par ces réglemens, n'est point consacrée comme empêchement dirimant, dans l'ordre civil.

» Ainsi, leur mariage, s'ils en contractaient un, ne serait point nul aux yeux des lois politiques et civiles, et les enfans qui en naitraient seraient légitimes. Mais dans le for intérieur et dans l'ordre religieux, ils s'exposeraient aux peines spirituelles prononcées par les lois canoniques. Ils continueraient à jouir de leurs droits de famille et de cité; mais ils seraient tenus de s'abstenir du sacerdoce ».

Que trouvons-nous dans ces paroles? Une concession faite par le législateur à l'opinion publique qui, en 1793, s'était aussi fortement prononcée contre le cumul des fonctions sacerdotales avec l'état de mariage? Oui, mais rien de plus ; et bien loin que de là on puisse inférer que le concordat fait revivre, quant aux effets civils, l'empêchement dirimant que la promotion aux ordres sacrés apportait au mariage avant 1791, le contraire y est établi de la manière la plus positive.

C'est à la suite de cette convention, et, pour ainsi dire, en sa présence, que le Code civil a été décrété; et certainement si, en le décrétant, le législateur eût regardé l'empechement dont il s'agit comme recréé par cette convention, il ne l'aurait pas passé sous silence, et encore moins en aurait-il implicitement prononcé de nouveau l'abolition par l'art. 7 de la loi du 30 ventóse an 12.

Mais, dit-on, il y a une lettre du ministre des cultes, en date du 14 janvier 1806, à l'archevêque de Bordeaux, qui est ainsi

conçue :

« M. l'archevêque, j'ai la satisfaction de vous annoncer que S. M. I. et R., en considération du bien de la religion et des mœurs, d'ordonner qu'il serait défendu à tous les offivient ciers de l'état civil de recevoir l'acte de mariage du prêtre B... S. M. I. et R. considere le projet formé par cet ecclésiastique, comme un delit contre la religion, la morale, dont il im.

chevêque, d'avoir prévu, autant qu'il était »Vous vous applaudirez sans doute, M. l'arpereur, en vous opposant à la consommation en vous, les intentions de notre auguste emd'un scandale dont le spectacle aurait affligé les bons et encouragé les méchans.

» J'écris à M. le préfet de la Gironde, pour qu'il fasse exécuter les ordres de S. M. J'en fais également part à LL. EE. les ministres de la justice et de l'intérieur. La sagesse d'une telle mesure servira à diriger l'esprit des administrations civiles dans une matière que nos lois n'avaient point prévue ».

Cette lettre prouve sans doute qu'en la faisaut écrire, le chef du gouvernement de ce temps-là avait perdu de vue, comme pouvoir exécutif, le grand principe qui l'avait dirigé, des cultes est constitutionnellement établie, comme législateur, dans la confection du Code civil, savoir, que, dans un pays où la liberté la loi ne doit et ne peut voir dans le mariage qu'un acte civil, et qu'elle ne doit ni ne peut le considerer sous ses rapports avec la religion.

Elle prouve sans doute qu'il avait oublié que, si, comme protecteur du culte catholi que, il pouvait aller jusqu'à tenir la main à ce que les cérémonies de ce culte fussent refusées au mariage que le prêtre B........... se proposait de contracter, il devait aussi, comme chargé éminemment de faire exécuter les lois de l'état, empêcher que nul obstacle ne fut apporté par l'autorité ecclésiastique à ce que les officiers de l'état civil célébrassent ce mariage.

Elle prouve, sans doute, qu'entraîné momentanement par des considérations qu'il avait fection du Code civil, pour faire remettre en lui-même jugées insuffisantes, dans la convigueur, par une loi générale, les anciennes mis, dans un cas particulier, de faire flechir règles sur le mariage des prêtres, il s'est per

le droit commun de la France sous sa volonté
individuelle.

d'un de ses ministres, un acte arbitraire devant
Elle prouve enfin qu'il a fait,
lequel il eût probablement reculé, s'il se fût
par l'organe
agi de lui donner la forme d'un décret, et
surtout de le faire insérer dans le Bulletin
officiel.

cela seul, qu'elle ne peut pas servir de règle
Mais elle prouve en même temps, et par
générale pour annuler les mariages contractes
par des prêtres qui, égarés par des erreurs de
conscience dont la loi civile ne se mêle pas,
veulent profiter de la liberté qu'ils tiennent

de la nature, et que la foi civile leur laisse. Car s'il est vrai, comme le déclare un texte célèbre du droit romain, que l'on ne doit pas tirer à conséquence un acte arbitraire qui, pour un cas spécial, a été revêtu de l'appareil législatif, à plus forte raison doit-on restreindre dans son espèce particulière un acte arbitraire qui n'a été exercé que par une lettre ministérielle (1).

Les mêmes observations s'appliquent à une autre lettre écrite le 30 janvier 1807, par le même ministre, au préfet de la Seine-Inférieure, et dans laquelle se trouve d'ailleurs une distinction fort remarquable entre les prêtres qui avaient exercé les fonctions sacerdotales depuis le concordat, et ceux qui, les ayant abdiquées antérieurement, ne les avaient pas reprises. En voici les termes.

« M. le préfet, S. Em. M. le cardinal-archevêque de Rouen m'instruit qu'un mariage vient d'être contracté par un prêtre, devant l'officier civil de cette ville. J'ignore l'hypothese particulière de cette affaire; mais je crois devoir profiter de cette occasion, pour vous offrir quelques règles de conduite en pareille circonstance.

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» La loi civile se tait sur le mariage des prêtres. Ces mariages sont généralement réprouvés par l'opinion; ils ont des dangers pour la tranquillité et la sûreté des familles. Unprêtre catholique aurait trop de moyens de séduire, s'il pouvait se promettre d'arriver au terme de sa séduction par un mariage légitime. Sous prétexte de diriger les conscien ces, il chercherait à gagner et à corrompre les cœurs, et à tourner à son profit particulier l'influence que son ministère ne lui donne que pour le bien de la religion. En conséquence, une décision de sa majesté, intervenue sur le rapport de son excellence M. le grand juge et sur le mien, porte que l'on ne doit point tolérer les mariages de prêtres qui, depuis le concordat, se sont mis en communion avec leur évêque, et ont continue ou repris les fonctions de leur ministère. On abandonne à leur conscience ceux d'entre les prêtres qui auraient abdiqué leurs fonctions avant le concordat, et qui ne les ont plus reprises depuis. On a pensé, avec raison, que les mariages de ces derniers présente raient moins d'inconvéniens et moins de scandale ».

Remarquons d'abord que, dans cette lettre, le ministre des cultes ne va pas jusqu'à dire

(1) Quod contrà rationem jurts receptam est, non est producendum ad consequentias. Loi 14, D. de legib us.

que le mariage dont l'archevêque de Rouen lui avait dénoncé la célébration, soit nul, et que l'annulation doive en être poursuivie en justice.

Remarquens ensuite l'aveu qu'il y fait du silence de la loi sur le mariage des prétres. Rapprochons cet aveu du principe incontestable que la loi permet tout ce qu'elle ne défend pas; et nous arriverons nécessairement à la conséquence que l'administration peut bien, par un empiétement arbitraire sur l'autorité des tribunaux, apporter des obstacles de fait à ce qu'un prêtre exerçant actuellement les fonctions sacerdotales, se marie à la charge de les abandonner, mais qu'elle est sans moyens pour faire déclarer nul le mariage qu'il scra parvenu à contracter.

A plus forte raison, les tribunaux ne peuvent-ils pas se prévaloir, soit de cette lettre, soit de la précédente, pour empêcher un prêtre de se marier.

C'est cependant ce qu'avaient fait un tribunal de première instance et une cour d'appel, dans l'espèce que voici.

« Barthélemy Charonceuil, né à Vertillac, département de la Dordogne, en 1773, fut ordonné prêtre en 1792 par l'évêque constitutionnel de Périgueux et placé comme desservant dans la paroisse de Bertry. Peu de temps après il quitta les fonctions du sacerdoce pour se rendre à l'armée des Pyrénées Orientales d'où il revint vers la fin de l'an 3. Bientôt après, il forma des liaisons avec Gabrielle Petit, jeune orpheline, de laquelle il était parent; ces liaisons furent portées jusqu'au dernier degré d'intimité. Le 29 pluviose an 7, Gabrielle Petit devint mère. L'enfant fut présente, le 5 ventose suivant, par Charonceuil à l'officier de l'état civil de la commune d'Andry. Charonceuil parut devant cet officier, accompagné de Raymond Petit, frère de Gabrielle et du curé de la même commune. Il fit enregistrer cet enfant comme fille de Barthelemy Charonceuil et de Gabrielle Petit. Le 4 novembre 1802, une dispense du cardinal legat releva Charonceuil de l'empê chement résultant (suivant les lois ecclésiastiques), de son admission aux ordres sacrés, et l'autorisa à contracter mariage avec la personne qu'il avait fréquentée. Après plusieurs années de liaison et de fréquentation, après avoir rendu Gabrielle Petit deux fois mére, Charonceuil dirigea ses vœux vers un autre objet. Le premier avril 1807, il passa un contrat de mariage avec Marie Vidal. Le 11 du même mois, Gabrielle Petit notifia à l'officier civil de la commune de Vertillac un acte d'opposition à ce mariage. Charonceuil

l'assigna devant le tribunal de Périgueux en déboutement de cette opposition. Elle soutint qu'elle était l'épouse de Charonceuil et qu'un prêtre catholique avait béni leur mariage, et demanda à prouver sa possession d'état d'épouse de Charonceuil. Par jugement du 15 mai 1807, Charonceuil fut déclaré non-recevable dans sa demande. Sur l'appel qu'il interjeta devant la cour de Bordeaux, arrêt intervint, le 20 juillet de la même année 1807, par lequel Gabrielle Petit fut déclarée nonrecevable dans son opposition, sur le motif qu'elle ne rapportait point la preuve qu'elle eût contracté mariage avec Charonceuil devant l'officier public compétent; mais le même arrêt faisant droit sur les conclusions du procureur général, attendu que l'empêchement au mariage résultant du caractère de prêtre qu'avait reçu Charonceuil, n'avait été levé par l'autorité du souverain pontife, que pour contracter mariage avec Gabrielle Petit, pour légitimer l'enfant provenu de leur commerce, ainsi que cela resultait d'un bref du 4 novembre 1802,déclare Charonceuil incapable de contracter mariage avec toute autre femme que Gabrielle Petit. Cette dernière disposition a été cassée (le 16 octobre 1809), comme contraire à l'art. 1er, tit. 1er, de la loi du 18 germinal an 10, qui veut qu'aucune bulle, bref, ni autres expéditions de la cour de Rome ne puissent être reçus, publies, imprimés autrement mis à exécution sans l'autorisation du gouvernement. Suit la teneur de cet arrêt :

» Ouï le rapport de M. Liborel... ; vu la loi du 18 germinal an 10, tit. 1er, art. 1er portant organisation de la convention du 26 messidor an 9.....; considérant que l'arrêt dénoncé..., conforme aux lois dans les motifs d'après lesquels il déclare Gabrielle Petit nonrecevable dans son opposition au mariage dont ́il s'agissait, viole néanmoins celle ci-dessus transcrite, en déclarant, d'après le bref non autorisé par le gouvernement, le demandeur incapable de contracter mariage avec toute autre femme que ladite Gabrielle Petit; par ces motifs, la cour casse et aunulle.... ». (Bulletin civil de la Cour de Cassation).

Quoique cet arrêt ne casse celui de la cour d'appel de Bordeaux que pour contravention à la loi du 18 germinal an 10, il n'en juge pas moins nettement que le concordat n'a pas retabli en France l'empêchement canonique résultant de la promotion aux ordres sacres; et que Charonceuil n'avait pas besoin, pour se marier, de se faire relever de cet empêche ment par une dispense de la cour de Rome; car si cette dispense lui eût été nécessaire, la seule conséquence à tirer de ce qu'elle n'avait

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D'une part, elle déclare, art. 68, que le Code civil et les lois actuellement existantes qui ne sont pas à contraire la présente charte, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y ait été légalement dérogé.

De l'autre, après avoir dit, art. 5, que chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection; elle ajoute, art. 16: cependant la religion catholique, apostolique et romai ne est la religion de l'état.

La question est donc de savoir si, par la scule déclaration que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de l'état, la charte constitutionnelle abroge la faculté que le Code civil laisse aux prêtres de se marier.

M. Toullier connaissait certainement cette déclaration, lorsque, dans la troisième édition de son droit civil français, publiée en 1821 il disait en toutes lettres, livre 1.er titre 5, n.o 560, que, tant qu'il n'existera point de loi prohibitive, le mariage des prètres sera valide aux yeux de la loi civile; et les enfans qui en naîtront seront légitimes.

Ce jurisconsulte ne regarde donc pas l'empêchement canonique des ordres sacrés comme rétabli civilement par l'art. 6 de la charte.

Et en effet, cet article, combiné avec celui qui le précéde, signifie bien qu'encore que l'exercice de toutes les religions soit protégé par la loi, cependant la religion catholique qui est celle du gouvernement et qui n'est telle que parce qu'elle est professée, comme l'avait déja dit le concordat de 1801, par la grande majorité des Français, jouira de plus d'honneurs, sera environnée de plus d'éclat dans son exercice, et aura plus de prérogatives que les autres ; que, par exemple, les cérémonies extérieures n'en seront plus désormais assujetties aux restrictions contenues dans l'art. 45 de la loi du 18 germinal an 10; et que l'art. 43 de la même loi qui enjoignait à ses ministres de ne paraitre en public, hors de

l'exercice de leurs fonctions, qu'habillés à la française, et dont ils ne s'écartaient depuis quelque temps que par tolerance, cessera absolument d'être obligatoire.

Mais vouloir faire dire à cet article que les dispositions du droit canonique concernant le mariage des prêtres, sont remises en vigueur comme lois en France, c'est évidemment en forcer le sens; parlons plus juste, c'est lui prêter un sens absurde.

Car si une fois vous admettez que cet article rétablit civilement en France l'empêche ment canonique résultant de la promotion aux ordres sacrés, il faut que vous alliez bien plus loin il faut que vous en fassiez également découler le rétablissement civil des empêchemeus dirimans que les lois ecclésiasti ques opposent au mariage d'un chrétien avec une juive ou une mahometane (1), au mariage d'un oncle naturel ou par alliance, soit avec la fille naturelle, soit avec la belle-fille de son frère (2), au mariage des cousins germains et des alliés au même degré (3), au mariage qu'un fiancé voudrait contracter avec la fille ou la petite-fille de la femme qu'il avait promis d'épouser, mais qu'il n'avait pas épousée en effet (4), au mariage qu'un parrain voudrait contracter avec sa filleule (5); et par conséquent que vous ne permettiez aux officiers de l'état civil de célébrer de tels mariages, qu'après s'être fait représenter des dispenses en bonne forme de la cour de Rome.

Ce n'est pas tout. Comme l'église ne reconnaît point de mariage entre les chrétiens là où il n'y a point de sacrement (6), vous vous trouverez forcé, sinon d'intervertir l'ordre actuel de la célébration du mariage civil et de celle du mariage religieux, et de ne permettre la première qu'après la seconde qu'elle doit cependant précéder suivant nos lois actuelles, au moins de subordonner à la seconde l'effet de la première; en sorte que, si deux époux, après s'être unis devant l'officier de l'état civil de leur domicile, ne se marient pas de nouveau devant leur curé, il n'y aura entre eux qu'un vrai préliminaire de mariage et qu'il ne pourra naître d'eux que des batards.

Et remarquez bien encore que, tout absur. des que sont ces conséquences nécessaires de l'interprétation qu'il vous plaît de donner à

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l'art. 6 de la charte, vous êtes forcé de les admettre, non-seulement entre les catholiques, mais encore entre les protestans et les juifs. Car si vous traduisez les mots, la religion catholique est la religion de l'état, par les mots la religion catholique est la loi de l'état (et il est impossible que vous ne les traduisiez pas ainsi dans votre système), il faut bien que vous alliez jusqu'à dire que tous les Français sont soumis à ses préceptes, quelque culte qu'ils professent, puisqu'il n'est point de Français qui ne doive obéissance aux lois de l'état.

Mais alors que deviendra l'art. 5 qui laisse aux protestans et aux juifs le libre exercice de leurs cultes, et leur assure dans cet exercice toute la protection de la loi ?

Disons donc que l'art. 6 n'a pas rendu civilement obligatoires en France les lois ecclé siastiques qui ne l'étaient pas sous le Code civil; qu'il a laissé, à cet égard, les choses sur le pied où elles étaient au moment de sa pro mulgation; et que par conséquent ce qui était civilement valable en France avant sa promulgation, l'est encore aujourd'hui.

Eh! Quelle force n'ajoute pas encore à cette doctrine la loi du 8 mai 1816? La religion catholique prohibe absolument le divorce, et le Code civil le permet. Que serait-il resulté de leur conflit sur ce point, dans le systême que nous combattons? Une conséquence aussi simple qu'évidente : c'est que l'art. 6 de la charte aurait emporté de plein droit l'abolition du divorce. Cependant l'abolition du divorce n'a été prononcée que par la loi dont il s'agit; et elle l'a été avec des dispositions accessoires qui prouvent nettement qu'elle n'a porté aucune atteinte aux divorces légalement effectués dans l'intervalle de la charte constitutionnelle à cette loi. Le moyen, dès lors, de soutenir que l'art. 6 de la charte a fait ' cesser de plein droit la faculté civile qu'avaient précédemment les prêtres de se marier?

On le soutient cependant, et voici comment on raisonne. Il existait, lors de la promulgation de la charte, une loi formelle qui permettait le divorce. Il a donc fallu une loi formelle pour le défendre. Mais le mariage civil des prêtres n'était expressément autorisé, à cette époque, par aucune loi. On n'était parvenu à le faire tolérer que par des raisonnemens fondés sur la constitution de 1791. Or, la constitution de 1791 était anéantie en 1814, et avec elle était détruite la base des conséquences que l'on en avait déduites. Il n'a donc pas alors fallu de loi expresse pour réassujettir les prêtres à l'empêchement résultant de leur ordination.

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