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pendant M. Newton parle toujours de ces Orbes comme de quelque chofe de très-réel.

Il leur attribuë des Propriétés très-réelles, corporelles même, du mouvement, du repos, des interfections, des nœuds, des apfides, des centres, des foyers, des tiraillemens, des attractions, des forces, tout ce qu'il veut.

C'eft-à-dire, qu'en profcrivant la matiere des Tourbillons, il en a retenu la forme: tant l'idée en eft naturelle, & néceffaire dans la Physique & dans l'Aftronomie, dont l'objet n'est manifestement qu'un amas de corps tourbillonnans.

TROISIÈME

BRANCHE

DU SYSTÈME DE L'UNIVERS EN GRAND.

La Conftitution des LOIX D'EQUILIBRE
ou de PESANTEUR.

D

ESCARTES, après tout, fuivoit fa pointe, & faifoit un vrai Syftême. En rempliffant bien l'Univers de matiere, il n'avoit en vûe que de faire une bon-, ne, une vraye Machine,

Il avoit fixé les Centres & les Rouës: mais comment fixés? Ce n'eft point ici une machine encadrée & bien chevillée ce ne font point des roues enfilées de bons effieux inébranlables.

C'eft une machine comme toute en l'air, & dont toutes les pieces en liberté, veulent pourtant une certaine stabilité réguliere, & plus réguliere que nos horloges & nos meilleures machines.

A cela Defcartes avoit d'abord pourvu par la Plénitude du monde, qui tient chaque piece à fa place par la raison que les autres places font prifes, & qu'il faut de bonnes raisons, raifons méchaniques de force, de prévalence, raifons d'Equilibre pour les déplacer.

Car de foi la matiere ne réfifte que materiellement à fon déplacement. Dans un Syftême d'intelligence fouveraine & de fageffe incréée il y a quelque chofe de plus: & c'eft furtout par la forme que l'Univers est digne de Dieu, comme souverain, comme suprême Mo

narque.

Et ce font les Loix de l'Equilibre, qui font ici la raifon d'Etat, & comme ratio ultima naturæ.

Ce fut donc un des plus grands points de vue du Syftême de Descartes, de regarder l'Univers entier & toutes fes parties comme des machines, & tous leurs Mouvemens, Opérations & Phénomenes comme des Méchanifmes reglés par les loix d'un jufte Equilibre.

En faveur d'une fi grande vue générale, on doit pardonner à Descartes, de s'en être fouvent écarté dans le détail des opérations de la nature; d'avoir fouvent manqué les véritables loix de l'Equilibre, & d'avoir même quelquefois trop voulu tout expliquer par-là.

C'eft l'écueil des bons Principes comme des bons Remedes, qu'on les prodigue trop.

Le Monde eft une Machine en général : mais il contient en particulier bien des Machines indépendantes, & qui en prenant la loi du Méchanisme général, ont bien des Méchanismes qui leur font propres.

Et les Loix de l'Equilibre font fufpenduës, interrompues, contredites même de bien des façons, & en bien des endroits.

Or en fuppofant des Loix d'Equilibre, Descartes a fuppofé auffi celles de la Pefanteur, & reconnu cette Pefanteur pour le Principe le plus général de tous les Méchanismes de la nature.

D'autant mieux qu'expliquant la Pesanteur par le Tourbillonnement, & faifant tout Tourbillonner, il est censé avoir voulu tout expliquer par les Loix d'une Pefanteur universelle.

Le tout cependant plus par voye de fuppofition ou d'hypothese fans même l'énoncer, que d'une maniere expreffe, démontrée & bien didactique.

C'étoit la grande façon de ce beau génie. Il difoit bien ce qu'il difoit, & tout le monde pouvoit l'entendre.

Mais il parloit à demi-mot, & ne difoit pas tout. Ce n'étoit pas fa faute, s'il ne parloit pas toujours à de bons entendeurs.

Ses Disciples ne se sont pas toujours piqués d'énoncer ni d'entendre même fes fuppofitions tacites. Et fes adverfaires fe font au contraire piqués de ne pas les entendre, réfolus de lui faire un crime de ces réticences.

M. Newton a été un peu trop de ce goût, de n'aider

jamais à la lettre, & de juger cet illuftre Antagoniste rigoureusement fur fes énoncés: fouvent même fur des demi-énoncés.

Descartes avoit articulé le Principe de l'Equilibre, & fous-entendu celui de la Pefanteur, qui eft pourtant au fond le même. Newton a fait fonner bien haut ce dernier, en fous-entendant, je crois, un peu trop le premier.

Descartes avoit expliqué la gravité universelle sans prefque le dire. Tout tourbillonnant dans le Tourbillon folaire, par exemple, tout y pese vers le soleil : & c'est le même de tous les autres Tourbillons & de l'Univers entier.

a

Newton, fans expliquer la gravité, où, ce qui va au même, ne l'expliquant, au moins dans fes Principes, que par l'attraction ou par une Gravitation naturelle, beaucoup parlé de cette Gravité, & avancé plufieurs Propofitions affirmatives & en titre, Lunam Gravitare; Planetas Gravitare, &c.

Mais l'Equilibre, nulle part il ne l'a mis en These : & la raison en eft prise du fond de fon Systême qui, pour le dire tout franc, n'eft point du tout méchanique. Et comment le feroit-il ? Il n'eft point materiel, ou l'eft que dans les effets, & nullement dans les caufes. Il n'y a, quoiqu'on veuille dire, de méchanique que la matiere. Pour toute Machine il faut matiere, forme & mouvement.

ne

La forme & le mouvement supposent effentiellement la matiere, La matiere & la forme font le Corps de la

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Machine; ce Corps joint au mouvement fait le Méchanisme.

M. Newton dit formellement (Prop. 6. Theor. 6. Cor. 1.) Hinc Pondera corporum non pendent ab eorum formis & texturis.

Et dans le Corollaire 2. il ajoûte que les Poids des Corps font fimplement comme leur quantité de matiere, funt ut quantitates materia in iifdem.

Je ne voudrois pas pour l'honneur de M. Newton, que ces Affertions lui euffent échappé. Elles font fi contraires à la faine Phyfique, à toute idée même de Phyfique.

Il faut que cette fcience foit bien tombée aujourd'hui ou bien prête à tomber, lorsqu'on regarde une maniere de Systême qui résulte de-là, comme capable de balancer une idée auffi faine que celle de Defcartes fur le Méchanisme de la Nature.

Du refte ces Affertions n'ont pas fimplement échappé à M. Newton. Elles font la quinteffence de tout fon Syftême de Phyfique. Si on exprimoit fon Livre des Principes Mathématiques, il n'en fortiroit que cela.

Dans le moment que j'écris ceci, le fouvenir vague qui me refte du total de ce Livre des Principes, Ouvrage admirable d'ailleurs, me fait naître l'idée que M. Newton n'y a jamais parlé d'Equilibre, & furtout de Loix d'Equilibre. Ce feroit avoir porté loin l'antipathie pour Descartes ou pour ses Principes Méchaniques.

Car M. Newton étoit non-feulement un grand Géometre, mais auffi, comme j'ai dit, un grand Méchani

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