ordre, toujours dans le même nombre, toujours dans la même étendue refpective, toujours même, à peu près, dans le même degré d'intensité & de coloris ?

Les divers Corps que la Chimie décompose, donnent des Principes tout différens.

Ce font toujours, fi l'on veut, des fels, des fouffres, du flegme, de la terre, de l'esprit. Mais chaque mixte donne des fels, des fouffres, des flegmes, &c. fort différens.

L'un donne plus de flegme, l'autre plus de souffre, l'autre plus de fel, un autre plus de terre.

Čelui-ci donne un fel acide, celui-là un fel alcali; & ces acides & ces alcalis font fort différens, &c.

Comment un objet rouge, un objet jaune, un objet verd, un objet blanc, un objet noir, donnent-ils tous également du rouge & du jaune du côté de l'angle du Prisme, du violet & du bleu vers la base, & en même quantité refpective, & en même ordre ?

Et fi l'on retourne le Prisme, comment le rouge & le jaune paroiffent-ils conftament là ou paroiffoient le bleu & le violet &c ? Les diverfes analyses d'un même corps déguisent beaucoup fes Principes.

La Chimie les déguise & les embrouille en effect beaucoup;.& fes décompofitions font, à les bien prendre, de vrayes compofitions. C'eft l'effet de notre Art, c'est le propre de l'homme, d'embrouiller tout, en voulant débrouiller. C'eft que l'un eft bien plus facile que l'autre.

J'ai toujours admiré le Prisme auquel on donne la proprieté unique de débrouiller parfaitement, fur le

champ, tout ce qu'il y a de plus embrouillé au monde, fçavoir les rayons qui font d'une finesse extrême, d'un mêlange exquis, & par conféquent tout ce qu'il y a de plus difficile à débrouiller.

Il paroît donc que le Prisme engendre véritablement les couleurs, des couleurs qui lui font propres, qui n'éxistoient pas fans lui, qui n'exiftent que par lui, & qui ne tenant à aucun objet, font occafionnées dans la Lumiere par le voisinage de l'ombre.

L'ombre n'eft rien, dit-on, & ne peut rien produire, rien occafionner. L'ombre, ajoute-t-on, n'eft qu'une négation de Lumiere. Une négation ne peut rien produire de pofitif.

Ce font-là des idées vagues, qui ne décident de rien. Il faut les expliquer. La Lumiere eft le mouvement d'un Corps, d'un certain Corps, des globules, par exemple.

L'ombre en fait de mouvement n'eft rien, j'en conviens. Mais c'est un Corps, ce font des globules en repos. Et l'ombre à côté de la lumiere, ce font des files de globules en repos, immédiatement à côté d'autres files de glo

bules en mouvement.

Par leur négation même, par leur repos, les globules qui font dans l'ombre, peuvent arrêter, détourner, modifier ceux qui a côté d'eux produisent la lumiere. Et il n'eft pas hors de vraisemblance par conféquent, que l'ombre n'influe dans la génération des couleurs prifmatiques, puisqu'il eft conftant qu'elles ne font jamais en gendrées que dans ce voifinage de l'ombre & de la Lumiere. c. q. f. d.

X V I.

QUATRE-VINGT-QUATRIÈME PROBLEME,

Si c'est un fait conftant, que les Rayons foient
inégalement réfrangibles?

No

O N-feulement M. Newton n'a pas balancé à admettre cette inégale réfrangibilité, à la vuë de l'inégalité de Réfraction découverte par Grimaldi; nonseulement il en a fait la Base de son Systême hypothétique des couleurs.

Mais, ce qui eft bien plus étonnant, c'eft qu'il l'a mife enthefe, & à prétendu la prouver, la démontrer comme un fait afforti, étayé, résultant de mille faits.

A qui & à quoi, je le répete, se fiera-t-on désormais, fi non - feulement M. Newton n'a point verifié ce fait, mais s'il n'a pas même pû le verifier; & fi le fait contraire eft le feul veritable?

Pour moi, je l'avouë, veritablement zelé pour l'étude & pour le progrès de la faine Phyfique, j'ai balancé longtems, fi je revelerois en ce point l'erreur de M. Newton; craignant qu'un fait fi averé en apparence, venant à être reconnu pour une illufion affez groffiere, fa chute n'entrainât celle de la Phyfique entiere, tout y devenant litigieux, fufpe&t & problematique, & tous les efprits devenant exceffivement timides, défians &Pyrrhoniens,

Rrr

Si un Bayle vivoit, quel triomphe pour son esprit fceptique & difficultueux? La plupart des gens vont vo

lontiers d'une extrêmité à l'autre.

J'ai beau ne parler que par faits. Newton eft en poffeffion de n'avoir point parlé autrement. J'ai beau citer des faits faciles à verifier, des Expériences que tout le monde peut faire, des Obfervations pour lesquelles il ne faut qu'un Prisme, & le mettre feulement devant les yeux.

Il y a un an que la Découverte de M. D. eft publique, avec le commentaire très-parlant & très-ample que j'en ai donné. Qui fçait fi depuis ce moment quelqu'un s'eft donné la peine d'y regarder? Je fçais bien positivement que des plus curieux en ces matieres, n'ont pas même été tentés d'en avoir la curiofité.

N'importe : il faut toujours dire la verité, ne dût-on, comme le dit un bon Citoyen de ce fiécle, la faire goûter qu'à une perfonne, fix fiècles après celui-ci. Et du reste il n'eft pas indifférent pour quelqu'un qui eft vraiment Philosophe, de reconnoître fi ce goût du vrai, dont tout le monde fe vante depuis Descartes, réfide encore dans beaucoup d'efprits. C'est dans ces momens de crife, que la verité découvre ceux qui l'aiment pour elle-même.

Dès qu'on a reconnu en general avec Grimaldi, que la Lumiere fe dilate en fortant du Prifme, & que les rayons extrêmes, le rouge & le violet font divergens, & vont en s'écartant toujours, il eft affez naturel pour quelqu'un qui prend les couleurs loin du Prisme, lorsque le Bleu & le jaune font croifés, & que tout l'entre-deux

que

du violet & du rouge eft plein de couleur, de croire tous les rayons font divergens, & tous inégalement réfractés & réfrangibles dans l'ordre que le spectre les préfente.

Bien furement ç'a été là la marche précise de M. Newton. Ignorant la convergence du jaune & du Bleu, & leur croisement pour la Production du verd, il n'a pas balancé à croire que les couleurs fortoient du Prisme, dans l'ordre où il les voyoit fur fon papier, l'indigo audeffus du violet, le bleu au-deffus de l'indigo, enfuite le verd, le jaune, l'orangé & le rouge.

Croyant la chofe inconteftable, tout ce qu'il a fait d'Expériences pour la verifier, ila fçu les diriger à ce but.

J'ai déja remarqué ailleurs, qu'il eft impoffible qu'il ait jamais fait cette verification, fi ce n'eft d'une maniere plus qu'équivoque, & en aidant beaucoup à la lettre ou à l'hypothese.

Je n'aime pas les détails, & je n'aimerois pas à être obligé de fuivre ceux dont eft remplie fon Optique, toute relative à ce but, & où cent mille Expériences n'ont jamais la force que d'une feule Expérience, tant elles font ajustées à cette unique hypothese.

Je vais tout d'un coup au tronc de l'arbre & à la racine. Le célebre Auteur à manqué dans le Principe. Il n'a pas connu les angles originaux des couleurs fortant duPrifme.

Il en a mefuré 7, & il n'y en a que 4. Il les a crues forties de fept points différens du Prisme avec une divergence imaginaire qui n'exclud pas une forte de Parallelifme.