SECONDE ANALYSE

DU SYSTÈME DE NEWTON,

Comparé à celui de DESCARTES.

J

PREMIERE BRANCHE.

La Defcription des ORBES ELLIPTIQUES.

E commence par les deux derniers Articles de l'Analyfe précédente. Peut-être feroit-il plus régulier d'en suivre les cinq Articles dans leur ordre naturel, en commençant par les Centres qui font les fondemens de l'Edifice.

Mais, outre que s'il eft naturel de commencer la con. ftruction d'un Edifice par les fondemens, il eft naturel au contraire d'en finir par-là la Démolition, bien des raisons me portent à m'attacher d'abord à ce corps même d'Edifice.

& en

1o. Parce que c'eft l'Edifice & le Corps même, quelque forte Newton en perfonne; ce grand Homme n'ayant déja été que trop pris par ce qu'il a de moins perfonnel, de moins propre, de moins digne de lui. Quand je dis perfonnel, je ne parle que de la Perfonne

Scientifique, ou fyftêmatique, comme on le voit.

2o. J'ai déja moi-même pris Newton par ce côté des Centres de Pefanteur & de Révolution, dans mon Traité de Phyfique fur la Pefanteur univerfelle des Corps; & je n'aime point à me copier. Pour le moins ne fuis-je donc pas fi preffé de m'expliquer là-deffus.

30. Comme la Defcription Newtonienne des Ellipfes céleftes, eft le fort du Systême, je crois auffi que ce que j'ai à en dire eft le fort de tout ce que je puis avoir à dire fur Newton.

Or dans un pareil Ouvrage, plus fait pour les Sçavans que pour les Commençans, il convient de commencer par le plus fort, puifque c'eft ce qui doit entraîner tout le refte.

I.

Etat de la Question, & But de M. Newton dans fon 3e Livre des PRINcipes MathémATIQUES

L

de la Philofophie naturelle.

'OUVRAGE des Principes eft partagé en trois Livres, dont les deux premiers tout Mathématiques, fervent de Préparation prochaine & très-immédiate au troifiéme, tout Phyfique, felon l'intention de l'Auteur, quoique non moins Mathématique dans fa façon.

Car en général il faut bien fe fouvenir, que tout ce qui a été établi Mathématiquement dans les deux pre

miers Livres, furtout dans le premier, fe trouve adopté Phyfiquement au troifiéme, & tout au plus amplifié un peu par un Calcul pratique, immédiatement dérivé des Principes fpéculatifs de ce premier Livre.

De forte qu'il eft de fait que le Systême de Physique de M. Newton, c'est-à-dire, le Syftême qu'il donne dans fon troifiéme Livre pour un Systême de Phyfique, eft réellement un Systême tout Mathématique.

Ce qui lui affure incontestablement le nom de Phyfi co-Mathématique: reftant à fçavoir fi un Syftême vraiment Phyfico-Mathématique peut être regardé comme un vrai Systême de Phyfique.

M. Newton n'a formé lui-même aucun doute là-deffus. Il termine fon fecond Livre, après la Réfutation des Tourbillons céleftes de Descartes, par ces paroles très-remarquables.

Quomodo vero motus ifti (coeleftes) peragantur, intelligi poteft ex Libro primo, & in Mundi Syftemate (Lib. 3.) plenius docebitur.

D'abord il faut remarquer, qu'il fe flate d'avoir expliqué la Génération des Mouvemens céleftes dans le premier Livre, & qu'il n'annonce le troifiéme, que comme une Explication plus pleine & plus détaillée de ces Mouvemens.

Enfuite il faut bien prendre garde au mot quomodo dont il fe fert. Le comment de la Génération des Mouvemens céleftes, eft la Partie Phyfique de l' Aftronomie. C'eftlà bien furement l'intention & l'idée du célebre Auteur.

Remarquons même, que c'est après avoir réfuté les

Tourbillons Cartefiens, qu'il parle ainfi, oppofant fon quomodo à des Tourbillons, & promettant de faire dans le troifiéme Livre, à l'aide du premier, ce que Descartes n'a point pu faire avec fes Tourbillons.

Et preuve que c'est bien en effet la pensée de Newton, c'est qu'il commence sa treiziéme Propofition du troifiéme Livre par ces paroles:

Jam cognitis motuum Principiis, ex his colligimus Motus cœleftes à priori.

C'eft-à-dire que, connoiffant les principes des Mouvemens céleftes, il prétend en déduire à priori les Mouvemens céleftes.

Or cette Propofition treiziéme a pour titre, Planeta Moventur in Ellipfibus.

Son But eft donc d'y donner la Génération Phyfique des Ellipfes céleftes, en la tirant à priori, de fes premiers Principes.

Dans la trente-neuviéme Propofition du même Livre, ilfe flate d'avoir rempli fon Deffein; puifqu'il la termine par ces paroles :

Defcripfimus jam Syftema Solis & Terræ & Planeta

rum.

J

E

I I.

Expofition des Principes Phyfiques de Newton.

remarque dans fon Syftême & dans fes Principes une qualité fort estimable qui eft la plus extrême fimplicité.

Tout pefe: Tout pefe en raison réciproque des Quarrés des Distances, voilà tous les Principes.

Donc les Aftres fe meuvent dans des Ellipfes, Voilà tout le Systême rien n'eft plus débarrassé.

Il

:

y a bien plus d'attirail dans le Systême des Tourbillons. D'abord il faut un vafte Fluide, conditionné comme ceci & comme cela.

C'étoient des Cubes.

Ce font des Globules.

C'eft de la Matiere fubtile.

C'est un mêlange de ces deux Matieres.

Chaque Planete doit y trouver fa place avec sa Matiere ftriée, felon les Loix d'un jufte Equilibre. Et puis ces Loix font le Naud-Gordien. La vie de Descartes n'a fuffi pour le délier.

pas

Il faut encore une diverfité de Centres & de Tourbillons, les uns adoffés aux autres, les uns ayant leurs Poles, aux Ecliptiques des autres, les uns tournant à l'Orient, les autres à l'Occident, au Midi, au Septentrion, Newton dégage mieux fa Physique.