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III. Acte séparé relatif à la Servie

Au nom de Dieu tout-puissant.

La Sublime Porte, dans l'unique intention de remplir fidèlement les stipulations de l'art. 8 du traité de Bucharest, ayant précédemment permis aux députés serviens à Constantinople de lui présenter les demandes de leur nation, sur les objets les plus convenables pour consolider la sûreté et le bien-être du pays, ces députés avoient précédemment exposé dans leur requête le voeu de la nation relativement à quelques-uns de ces objets, tels que la liberté du culte, le choix de ses chefs, l'indépendance de son administration intérieure, la réunion des districts détachés de la Servie, la réunion des différens impôts en un seul, l'abandon aux Serviens de la régie des biens appartenant à des Musulmans, à charge d'en payer le revenu ensemble avec le tribut, la liberté de commerce, la permission aux négocians serviens de voyager dans les états ottomans avec leurs propres passeports, l'établissement d'hôpitaux, écoles et imprimeries, et enfin la défense aux Musulmans, autres que ceux appartenant aux garnisons, de s'établir en Servie. Tandis que l'on s'occupoit à vérifier et à régler les articles ci-dessus spécifiés, certains empêchemens survenus en motivèrent l'ajournement. Mais la Sublime Porte persistant aujourd'hui encore dans la ferme résolution d'accorder à la nation Servienne les avantages stipulés dans l'art. 8 du traité de Bucharest, elle règlera de concert avec les députés serviens à Constantinople, les demandes ci-dessus mentionnées de cette nation fidèle et soumise, comme aussi toutes les autres qui lui seroient présentées par la députation servienne, et qui ne seroient point contraires à la qualité de sujets de l'empire Ottoman. La Sublime Porte informera la cour impériale de Russie de l'exécution qu'aura reçue l'art. 8 du traité de Bucharest, et lui communiquera le firman revêtu du Hatti-Chérif par lequel les susdits avantages seront accordés.

C'est pourquoi, nous soussignés, plénipotentiaires de S. M. l'Empereur et Padischah de toutes les Russies, munis des plein-pouvoirs souverains, de concert avec les plénipotentiaires de la Sublime Porte Ottomane, avons arrêté et réglé à l'égard des Serviens les points ci-dessus, lesquels sont la conséquence de l'art. 5 de la convention explicative et confirmative du traité de Bucharest, conclue en huit articles dans les conférences d'Ackerman, entre nous et les plénipotentiaires ottomans.

En conséquence, le présent acte séparé a été rédigé, muni de nos cachets et de nos signatures, et délivré entre les mains des plénipotentiaires de la Sublime Porte.

Fait à Ackerman le 25. Sept. (7. Octobre) 1826.

Comte M. Woronzow.

Ribeaupierre.

Traité de paix

entre la Russie et la Porte Ottomane

signé à ANDRINOPLE

le 2. (14.) Septembre 1829.

Au nom du tout-puissant.

Sa Majesté Impériale le très-haut et très-puissant Empereur et Autocrate de toutes les Russies et Sa Hautesse le très-haut et très-puissant Empereur des Ottomans, animés d'un égal désir de mettre un terme aux calamités de la guerre et de rétablir sur des bases solides et immuables la paix, l'amitié et la bonne harmonie entre leurs empires, ont résolu d'un commun accord de confier cette oeuvre salutaire aux soins et à la direction de leurs plénipotentiaires respectifs, c'est-à-dire S. M. I. de toutes les Russies au trèsillustre et très-excellent comte Diebitsch etc. etc. lequel, en vertu des pleinpouvoirs suprêmes, dont il est muni, a délégué et nommé comme plénipotentiaire de la part de la cour impériale de Russie, les très-excellens et très-honorables comte Alexis Orloff etc., et comte Frédéric Pahlen, et S. M. l'Empereur des Ottomans, les très-excellens et très-honorables Méhemmed Sadick-Effendi, actuel Grand-Defterdar de la S. Porte Ottomane, et Abdul Kadir-Bey, Cazi Asker d'Anatolie, lesquels s'étant assemblés en la ville d'Andrinople, après avoir échangé leurs plein-pouvoirs, sont convenus des articles suivans:

Art. I. Toute inimitié et tout différend, qui ont subsisté jusqu'à présent entre les deux empires cesseront à dater de ce jour, tant sur terre que sur mer, et il y aura à perpétuité paix, amitié et bonne intelligence entre S. M. l'Empereur et Padischah de toutes les Russies et S. H. l'Empereur et Padischah des Ottomans, leurs héritiers et successeurs au trône, ainsi qu'entre leurs empires. Les deux hautes parties contractantes apporteront une attention particulière à prévenir tout ce qui pourroit faire renaître la mésintelligence entre leurs sujets respectifs. Elles rempliront scrupuleusement toutes les conditions du présent traité de paix, et veilleront de même à ce qu'il n'y soit contrevenu d'aucune manière directe ou indirecte.

Art. II. S. M. l'Empereur et Padischah de toutes les Russies, voulant donner à S. H. l'Empereur et Padischah des Ottomans un témoignage de la sincérité de ses dispositions amicales, restitue à la S. P. la principauté de Moldavie avec les limites qu'elle avoit avant le commencement de la guerre à laquelle le présent traité vient de mettre un terme. S. M. I. restitue également la principauté de Valachie, le banat de Crajova sans exception quelconque, la Bulgarie et le pays de Dobridgé depuis le Danube jusqu'à la mer, avee Silistrie, Hirsova, Matchin, Isaktscha, Toultscha, Babadag, Bazardschick, Varna, Pravody et autres villes, bourgs et villages qu'il renferme, toute l'étendue du Balkan depuis Eminé-Bournou jusqu'à Kasar, et tout le pays

depuis les Balkans jusqu'à la mer Noire, avec Slimna, Tschamboly, Aida, Karnabat, Missemiria, Okhioly, Burgas, Sizépolis, Kirk-Klissi, la ville d'Andrinople, Lulé-Burgas et enfin toutes les villes, bourgs et villages, et en général tous les endroits que les troupes russes ont occupés en Romélie.

Art. III. Le Pruth continuera à former la limite de deux empires, du point où cette rivière touche le territoire de la Moldavie jusqu'à son confluent avec le Danube. De cet endroit la ligne des frontières suivra le cours du Danube jusqu'à l'embouchure de St. Georges, de sorte qu'en laissant toutes les isles formées par les différens bras de ce fleuve en possession de la Russie, la rive droite en restera comme par le passé à la Porte Ottomane. Il est convenu néanmoins que cette rive droite, à partir du point où le bras de St. Georges se sépare de celui de Souliné, demeurera inhabitée à la distance de deux heures de ce fleuve et qu'il n'y sera formé d'établissement d'aucune espèce, et que de même sur les isles qui resteront en possession de la cour de Russie, à l'exception des quarantaines qui y seront établies, il ne sera permis d'y faire aucun autre établissement, ni fortification. Les bâtimens marchands des deux puissances auront la faculté de naviguer sur le Danube, dans tout son cours, et ceux portant le pavillon Ottoman pourront entrer librement dans les embouchures de Vili et de Souliné, celle de Saint-Georges demeurera commune aux pavillons de guerre et marchands des deux puissances contractantes. Mais les vaisseaux de guerre russes ne pourront, en remontant le Danube, dépasser l'endroit de sa jonction avec le Pruth.

Art. IV. La Géorgie, l'Iméritie, la Mingrélie, le Gouriel et plusieurs autres provinces du Caucase se trouvant réunies depuis de longues années et à perpétuité à l'Empire de Russie, et cet Empire ayant en outre par le traité conclu avec la Perse à Touramantchai, le 10. Février 1828, acquis les Khanats d'Erivan et de Nakhitchévan, les deux hautes puissances contractantes ont reconnu la nécessité d'établir entre leurs étals respectifs, sur toute cette ligne, une frontière bien déterminée et propre à prévenir toute discussion future. Elles ont pris également en considération les moyens propres à opposer des obstacles insurmontables aux incursions et aux brigandages qu'avoient exercés jusqu'ici les peuplades limitrophes, et qui ont si souvent compromis les rapports d'amitié et de bon voisinage entre les deux Empires. En conséquence il a été convenu de reconnoître désormais pour frontière entre les états de la cour impériale de Russie et ceux de la Sublime Porte Ottomane en Asie, la ligne qui, en suivant la limite actuelle du Gouriel, depuis la mer Noire, remonte jusqu'à la limite de l'Iméritie et de là dans la direction la plus droite jusqu'au point de réunion des frontières des pachaliks d'Akhaltzik et de Kars avec celles de la Géorgie, laissant de cette manière au Nord et en dedans de cette ligne, la ville d'Akhaltzik et le fort d'Akhalkalaki, à une distance qui ne seroit pas moindre de deux heures. Tous les pays situés au sud et à l'ouest de cette ligne de démarcation vers les pachaliks de Kars et de Trébisonde, avec la majeure partie du pachalik d'Akhaltzik, resteront

à perpétuité sous la domination de la Sublime Porte, tandis que ceux qui sont situés au Nord et à l'Est, de la dite ligne vers la Géorgie, l'Imérite et le Gouriel, aussi bien que tout le littoral de la mer Noire, depuis l'embouchure du Kouban jusqu'au port de St.-Nicolas inclusivement, demeureront à perpétuité sous la domination de l'Empire de Russie. En conséquence la cour impériale de Russie rend et restitue à la Sublime Porte le restant du pachalik d'Akhaltzik, la ville et le pachalik de Kars, la ville et le pachalik de Bayazid, la ville et le pachalik d'Erzerum, ainsi que tous les endroits occupés par les troupes russes, et qui se trouvent hors de la ligne ci-dessus indiquée.

Art. V. Les principautés de Moldavie et de Valachie s'étant, par suite d'une capitulation, placées sous la suzeraineté de la Sublime Porte, et la Russie ayant garanti leur prospérité, il est entendu qu'elles conserveront tous les privilèges et immunités qui leur ont été accordés, soit par leurs capitulations, soit par les traités conclus entre les deux Empires, ou par les hatti-chérifs émanés en divers temps. En conséquence elles jouiront du libre exercice de leur culte, d'une sûreté parfaite, d'une administration nationale indépendante et d'une pleine liberté de commerce, les clauses additionnelles aux stipulations antécédentes, jugées nécessaires pour assurer à ces deux provinces la jouissance de leurs droits, sont consignées dans l'acte séparé ci-joint, qui est et sera considéré comme faisant partie intégrante du présent traité.

Art. VI. Les circonstances survenues depuis la conclusion de la convention d'Ackerman, n'ayant pas permis à la Sublime Porte de s'occuper immédiatement de la mise à exécution des clauses de l'acte séparé, relatif à la Servie et annexé à l'article V de la dite convention, elle s'engage de la manière la plus solennelle à les remplir sans le moindre délai et avec la plus scrupuleuse exactitude, et à procéder nommément à la restitution immédiate des six districts détachés de la Servie, de manière à assurer pour toujours la tranquillité et le bien-être de cette nation fidèle et soumise. Le Firman revêtu du hatti-cherif qui ordonnera l'exécution des susdites clauses, sera délivré et officiellement communiqué à la cour impériale de Russie, dans le terme d'un mois, à dater de la signature du présent traité de paix.

Art. VII. Les sujets russes jouiront dans toute l'étendue de l'empire ottoman, tant sur terre que sur mer, de la pleine et entière liberté de commerce que leur assurent les traités, conclus antérieurement entre les deux hautes puissances contractantes. Il ne sera porté aucune atteinte à cette liberté de commerce, et elle ne pourra être gênée dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, par une prohibition ou restriction quelconque, ni par suite d'aucun règlement ou mesure soit d'administration soit de législation intérieure Les sujets, bâtimens et marchandises russes seront à l'abri de toute violence et de toute chicane: les premiers demeureront sous la juridiction et police exclusive du ministre et des consuls de Russie, les bâtimens russes ne seront jamais soumis à aucune visite de bord quelconque de la part des autorités ottomanes, ni en pleine mer, ni dans aucun des ports ou rades soumis à la domination de la Sublime Porte, et toute marchandise ou denrée appartenant

à un sujet russe, après avoir acquitté les droits de douane réglés par les tarifs, pourra être librement vendue, déposée à terre dans les magasins du propriétaire ou consignataire, ou bien transportée sur un autre bâtiment, de quelque nation que ce puisse être, sans que le sujet russe ait besoin dans ce cas d'en donner avis aux autorités locales et encore moins de leur en demander la permission. Il est expressément convenu que les blés provenant de Russie jouiront de ces mêmes privilèges, et que leur libre transit ne souffrira jamais et sous aucun prétexte la moindre difficulté ou empêchement. La Sublime Porte s'engage en outre à veiller soigneusement à ce que le commerce et la navigation de la mer Noire en particulier, ne puissent éprouver aucune entrave de quelque nature que ce soit. A cet effet, elle reconnoit et déclare le passage du canal de Constantinople et du détroit des Dardanelles entièrement libre et ouvert aux bâtimens russes sous pavillon marchand, chargés ou sur lest, soit qu'ils viennent de la mer Noire pour entrer dans la Méditerranée, soit que venant de la Méditerranée ils veuillent entrer dans la mer Noire. Ces navires, pourvu qu'ils soient des bâtimens marchands, de quelque grandeur et de quelque portée qu'ils puissent être, ne seront exposés à aucun empêchement ou vexation quelconque ainsi qu'il a été réglé ci-dessus. Les deux cours s'entendront sur les moyens les plus propres à prévenir tout retard dans la délivrance des expéditions nécessaires. En vertu du même principe le passage du canal de Constantinople et du détroit des Dardanelles est déclaré libre et ouvert à tous les bâtimens marchands des puissances qui se trouvent en état de paix avec la Sublime Porte, soit qu'ils aillent dans les ports russes de la mer Noire, ou qu'ils en viennent chargés ou sur lest, aux mêmes conditions qui sont stipulées pour les navires sous pavillon russe.

Enfin la Sublime Porte reconnoissant à la cour impériale de Russie le droit de s'assurer des garanties de cette pleine liberté de commerce et de navigation dans la mer Noire, déclare solennellement qu'il n'y sera jamais, et sous aucun prétexte quelconque, apporté de sa part le moindre obstacle. Elle promet surtout de ne jamais se permettre dorénavant d'arrêter ou de retenir les bâtimens chargés ou sur lest, soit russes, soit appartenant à des nations avec lesquelles l'empire ottoman ne seroit pas en état de guerre déclarée, et passant par le canal de Constantinople et le détroit des Dardanelles pour se rendre de la mer Noire dans la Méditerranée, ou de la Méditerranée dans les ports russes de la mer Noire. Et si, ce qu'à Dieu ne plaise, quelqu'une des stipulations contenues dans le présent article venoit à être enfreinte, sans que les réclamations du ministre de Russie à ce sujet obtinssent une pleine et prompte satisfaction, la Sublime Porte reconnoit d'avance à la cour impériale de Russie, le droit de considérer une pareille infraction comme un acte d'hostilité et d'user immédiatement de représailles envers l'empire ottoman.

Art. VIII. Les arrangemens précédemment stipulés par l'art. VI de la convention d'Ackerman, à l'effet de régler et de liquider les réclamations des sujets et négocians respectifs, relativement à l'indemnité des pertes essuyées

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