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garde! ce n'est pas votre argent que vous perdez, c'est ma réputation.

Ceux qui connaissent cette loyale et franche nature, cette âme noble et généreuse, la défendent, comme nous, contre la calomnie.

Mademoiselle Déjazet donne tout ce qu'elle possède.

Elle est aujourd'hui sans fortune.

Sous sa robe d'actrice a toujours battu le cœur le plus compatissant, et nous pourrions dire le plus évangélique.

C'est la seconde sœur de charité de Bé

ranger.

Entrez, entrez, ô tendres femmes !
Répond le portier des élus :
La charité remplit vos ȧmes;
Mon Dieu n'exige rien de plus.

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On pourrait croire, en assistant aux pièces échevelées qu'on s'est plu, de tout temps, à créer pour mademoiselle Déjazel, que le caractère do la femme est en analogie avec ses rôles.

Il serait difficile de tomber dans une plus grave erreur.

Mademoiselle Déjazet est calme, rangée, méthodique. Sa maison est d'une tranquillité presque bourgeoise.

Devant le parterre seulement, et grâce à messieurs les auteurs, elle se comporte en bacchante, fume, jure et boit du champagne; mais à la ville tout change, n'en

déplaise à ceux que le renseignement désillusionnera.

Déjazet, hors du théâtre, est gaie quelquefois, spirituelle souvent, décente toujours.

Elle est d'une sobriété de colombe et ne boit que de l'eau.

A aucune époque on ne l'a vue souper ni passer les nuits au bal.

Ses uniques débauches sont des débau ches d'esprit. Elle a dans la réplique une finesse adorable, un à-propos ravissant.

Par malheur, le langage un peu libre usité dans les coulisses ne nous permet guère de reproduire, comme ils ont été dits, une foule de mots délicieux, auxquels nous ôterons beaucoup de charme en les

traduisant dans un autre idiome et avec

les voiles obligés.

Un soir, au foyer des acteurs, Volnys parut, tenant un journal et donnant les signes d'une consternation profonde.

zet.

--

Eh! qu'as-tu donc? demanda Déja

Volnys lut à haute voix, sous la rubrique d'Autriche, un article annonçant que Marie-Louise venait de se remarier.

Par exemple! voilà qui est fort!

Déjazet prit le journal, s'assura par ses propres yeux de l'authenticité de la nouvelle et s'écria :

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Quelle honte!... Après avoir été la

femme de César!... Autrichienne, va!

Puis, se tournant vers ses camarades, qui partageaient son indignation:

-Si j'avais eu l'honneur, moi qui vous parle, ajouta-t-elle, de toucher une seule fois la main du grand homme, je n'aurais plus de ma vie lavé les miennes !

On sait que l'histoire a modifié la réponse de Cambronne à Waterloo, ce qui l'a rendue moins sublime 1.

On écrirait des volumes avec tous les

1 Nous ne raconterons pas l'anecdote du Jugement de Paris et de la Feuille de Persil. Beaucoup de personnes savent que le héros de cette anecdote est Lepeintre jeane, ce gros homme d'un burlesque si achevé comme tournure, qu'en le voyant paraître la salle partait d'un éclat de rire olympien. Déjazet, dans le Jugement de Paris, devait jouer le rôle de Vénus, et on destinait à Lepeintre jeune l'emploi de l'heureux berger, appelé à se prononcer sur les charmes des trois déesses.

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