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XLIX.

chéens, leur attribuent d'un commun accord la même erreur (1).

Dans la seconde partie de son ouvrage Alanus Le même traite des Vaudois, et il y fait un dénombrement auteur distingue les de leurs erreurs, que nous verrons en son lieu : Vaudois des il nous suffit d'observer ici qu'il n'y a rien qui ressente le manichéisme, et de voir d'abord ces deux sectes entièrement distinguées.

Manichéens.

L.

Vaucernai

deux sectes,

Manichéens.

Celle de Valdo étoit encore assez nouvelle. Pierre de Elle avoit pris naissance à Lyon en l'an 1160, et distingue Alanus écrivoit en 1202 au commencement du très-bien ces treizième siècle. Un peu après, et environ l'an et fait voir 1209, Pierre de Vaucernai fit son Histoire des que les Albi- Albigeois, où traitant d'abord des diverses sectes geois sont et hérésies de son temps, il met en premier lieu les Manichéens, dont il rapporte les divers partis (2); mais où l'on voit toujours quelques caractères de ceux qu'on a remarqués dans le manichéisme, encore que dans les uns il soit outré, et dans les autres mitigé et adouci selon la fantaisie de ces hérétiques. Quoi qu'il en soit, tout est du fond du manichéisme; et c'est le propre caractère de l'hérésie que Pierre de Vaucernai nous représente dans la province de Narbonne, c'est-à-dire de l'hérésie des Albigeois dont il entreprend l'histoire. Il n'attribue rien de semblable à d'autres hérétiques dont il parle. « Il y avoit, >> dit-il, d'autres hérétiques qu'on appeloit Vau» dois, d'un certain Valdius de Lyon. Ceux-là

(1) Ebrard Anti-hær. c. 13. tom. ïv. Bib. PP. p. 1332. Ermeng. c. vi. ibid. 1339, etc. - (2) Hist. Albig. Petr. Mon. Val. Cern. c. 2, t. v, Hist. Franc. Duch.

>> sans doute étoient mauvais; mais non pas à >> comparaison de ces premiers ». Il marque ensuite en peu de paroles quatre de leurs erreurs principales, et revient aussitôt après à ses Albigeois. Mais ces erreurs des Vaudois sont trèséloignées du manichéisme, comme nous verrons bientôt : et voilà encore une fois les Albigeois et les Vaudois, deux sectes très-bien distinguées, et la dernière sans aucune marque de Manichéens.

chéens.

Les Protestans veulent croire que Pierre de LI. Que Pierre Vaucernai y parloit de l'hérésie des Albigeois de Vaucernai sans trop savoir ce qu'il disoit, à cause qu'il leur dans sa simattribue des blasphêmes qu'on ne trouve point plicité a bien marqué les même dans les Manichéens. Mais qui peut garan- caractères tir tous les secrets et toutes les nouvelles inven- des Manitions de cette abominable secte? Ce que Pierre de Vaucernai leur fait dire des deux Jésus, dont l'un est né dans une visible et terrestre Bethleem, et l'autre dans la Bethléem céleste et invisible, est à peu près de même génie que les autres rê- ' veries des Manichéens. Cette Bethléem invisible revient assez à la Jérusalem d'en haut, que les Pauliciens de Pierre de Sicile appeloient la mère de Dieu, d'où Jésus-Christ étoit sorti. Qu'on dise tout ce qu'on voudra de Jésus visible qui n'étoit point le vrai Christ, et que ces hérétiques croyoient mauvais; je ne vois rien en cela de plus insensé que les autres blasphêmes des Manichéens. Nous trouvons chez Renier des hérétiques qui tiennent quelque chose des Manichéens (1), et qui reconnoissent un Christ fils de

(1) Ren. cont. Val. v. 6, t. iv, II. part. Bib. PP. p. 753.

LII.

Joseph et de Marie, mauvais d'abord et pécheur, mais ensuite devenu bon et réparateur de leur secte. Il est constant que ces hérétiques manichéens changeoient beaucoup. Renier, qui a été parmi eux, distingue les opinions nouvelles d'avec les anciennes, et remarque qu'il s'y étoit produit beaucoup de nouveautés de son temps, et depuis l'an 1230 (1). L'ignorance et l'extravagance ne demeurent guère dans un même état, et n'ont point de bornes dans les hommes. Quoi qu'il en soit, si c'étoit la haine qu'on avoit pour les Albigeois qui leur faisoit attribuer le manichéisme, ou si l'on veut quelque chose de pis; d'où vient le soin qu'on prenoit d'en excuser les Vaudois, puisqu'on ne peut pas supposer qu'ils fussent plus aimés que les autres, ni ennemis moins déclarés de l'Eglise romaine? Cependant voilà déjà deux auteurs très-zélés pour la doctrine catholique, et très-opposés aux Vaudois, qui prennent soin de les séparer des Albigeois manichéens.

En voici encore un troisième, qui n'est pas Distinction moins considérable. C'est Ebrard, natif de Bédes deux sec- thune, dont le livre, intitulé Antihérésie, est Ebrard de composé contre les hérétiques de Flandre. Ces

tcs par

Béthune.

hérétiques s'appeloient Piples ou Piphles dans le langage du pays (2). Un auteur protestant ne conjecture pas mal, quand il veut que ce mot de Piphles soit corrompu de celui de Poplicains (3); et par-là on peut connoître que ces hérétiques

(1) Ren. cont. Val. c. 6, t. w, II. part. Bib. PP. p. 759. (2) Ibid. p. 1075. Pet. de Val. Cern. ib. o. 2. —(3) La Roq. 454.

flamands étoient comme les Poplicains, des Manichéens parfaits; bons Protestans toutefois si nous en croyons les Calvinistes, et dignes d'être leurs ancêtres. Mais pour ne nous arrêter pas au nom, il n'y a qu'à entendre Ebrard, auteur du pays, quand il nous parle de ces hérétiques (1). Le premier trait qu'il leur donne, c'est qu'ils rejetoient la loi et le Dieu qui l'avoit donnée : le reste va de même pied, et ils méprisoient ensemble le mariage, l'usage des viandes et les sacremens.

LIII.

bien distin

Après avoir mis par ordre tout ce qu'il avoit à dire contre cette secte, il parle contre celle des Les Vaudois Vaudois (2), qu'il distingue comme les autres gués des Made celle des nouveaux Manichéens; et c'est le nichéens. troisième témoin que nous ayons à produire. Mais en voici un quatrième plus important en ce fait que tous les autres.

LIV.

Témoigna

des Mani

C'est Renier, de l'ordre des Frères Prêcheurs, dont nous avons déjà rapporté quelques pas- ge de Renier, sages. Il écrivit environ l'an 1250 ou 54, et il qui avoit été intitula son livre: De Hæreticis : Des Héréti- de la secte ques, comme il le témoigne dans sa préface. Il chéens d'Itase qualifie, frère Renier, autrefois hérésiarque, lie dix-sept et maintenant prêtre, à cause qu'il avoit été dixsept ans parmi les Cathares, comme il le répète

par
deux fois. Cet auteur est bien connu des Pro-
testans, qui ne cessent de nous vanter la belle
peinture qu'il a faite des mœurs des Vaudois (3).
Il en est d'autant plus croyable, puisqu'il nous

3 et seq.

(1) La Roq. c. 1, 2, (2) Cap. 25. (3) Ren. cont. Val. tom. v. Bib. PP. part. II. p. 746, præf. ibid. 7 46. Ibid. 756,

757. Ibid. c. 7, p. 765. Ibid. c. 3, p. 748.

ans.

LV.

Il les dis

tères du ma

dit si sincèrement le bien et le mal. Au reste, on ne peut pas dire qu'il n'ait pas été bien instruit de toutes les sectes de son temps. Il avoit souvent assisté à l'examen des hérétiques; et c'étoit là qu'on approfondissoit avec un soin extrême jusques aux moindres différences de tant de sectes obscures et artificieuses, dont la chrétienté étoit alors inondée. Plusieurs se convertissoient et révéloient tous les secrets de leur secte, qu'on prenoit grand soin de retenir. C'étoit une partie de la guérison, de bien connoître le mal. Outre cela Renier s'appliquoit à lire les livres des hérétiques, comme il fit le grand volume de Jean de Lyon, un des chefs des nouveaux Manichéens (1); et c'est de là qu'il a extrait les articles de sa doctrine qu'il a rapportés. Il ne faut donc pas s'étonner que cet auteur nous ait raconté plus exactement qu'aucun autre les différences des sectes de son temps.

La première dont il nous parle est celle des tingue très pauvres de Lyon, descendus de Pierre Valdo; bien des Vau- et il en rapporte tous les dogmes jusques aux dois. Carac- moindres précisions (2). Tout y est très-éloigné nichéisme des Manichéens, comme on verra dans la suite. dans les Ca- De là il passe aux autres sectes qui tiennent du manichéisme; et il vient enfin aux Cathares, dont il savoit tout le secret; car outre qu'il avoit été, comme on a vu, dix-sept ans entiers parmi et des plus avant dans la secte, il avoit entendu prêcher leurs plus grands docteurs, et

thares.

eux,

(1) Ren. cont. Val. tom. 1v, Bib. PP. part. II, cap. 6, p. 762, 763.—(2) Ibid. c. 5, p. 749 et seq.

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