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LXII.

de ces héré

:

ministres.

ouverte aux abominations dont les anciens et les nouveaux Manichéens sont convaincus. Mais comme, parmi les sectes différentes de ces nouveaux Manichéens, il y avoit des degrés de mal, les plus infâmes de tous étoient ceux qu'on appeloit Patariens (1): ce que je suis bien aise de remarquer à cause de nos Réformés qui les mettent nommément parmi les Vaudois, qu'ils se glorifient d'avoir pour ancêtres (2).

Ceux qui vantent le plus leur vertu et la puDoctrine reté de leur vie, sont ordinairement les plus cortiques que rompus. On aura pu remarquer comme ces impurs l'effet des sa- Manichéens se sont glorifiés dans leur origine, et cremens dédans toute la suite de la secte, d'une vertu plus pend de la sainteté des sévère que les autres; et pour se faire valoir davantage, ils disoient que les sacremens et les mystères perdoient leur force dans des mains impures. Il importe de bien remarquer cette partie de leur doctrine, que nous avons vue dans Enervin, dans saint Bernard, et dans le concile de Lombez. C'est pourquoi Renier répète par deux fois (3), que cette imposition des mains qu'ils appeloient la consolation, et où ils mettoient la rémission des péchés, étoit inutile à celui qui la recevoit, si celui qui la donnoit étoit en péché lui-même, quand son péché seroit caché. La raison qu'ils rendoient de cette doctrine, selon Ermengard (4), est que lorsqu'on a perdu le Saint

(1) Ren. c. 16. Ebrard. c. 26, tom. 1v, Bibl. PP. I. part. p. 1178. Ren. c. 6, t. iv. Bibl. PP. II, part. p. 753. — 2) La Roq. hist. de l'Euch. II. part. c. 18, p. 445. — (3) Ren. c. 6. Ibid. p. 756, 759— (4) Ermeng. c. 14. de imp. Man. ibid. p. 1254.

Esprit, on ne peut plus le donner, qui étoit la même raison dont se servoient les anciens Donatistes.

LXIII.

nent lous ser

crimes.

C'étoit encore pour faire les saints, et s'élever au-dessus des autres, qu'ils disoient que le chré- Ils condamtien ne devoit jamais affirmer la vérité par ser- mens, et la ment (1), pour quelque cause que ce fût, pas punition des même en justice; et qu'il n'étoit permis de punir personne de mort, pas même les plus criminels (2). Les Vaudois, comme nous verrons, prirent d'eux toutes ces maximes outrées et tout ce vain extérieur de piété.

LXIV.

Réponse des que l'imputation du ma

ministres,

nichéisme est calom

monstration

Voilà quels étoient les Albigeois, selon tous les auteurs du temps, sans en excepter un seul. Les Protestans en rougissent, et nous disent pour toute réponse que ces excès, ces erreurs, et tous ces déréglemens des Albigeois sont des calomnies. de leurs ennemis. Mais ont-ils une seule preuve nieuse. Déde ce qu'ils avancent, ou un seul auteur du temps, du contraire. et de plus de quatre cents ans après, qui les justifient? Pour nous, nous produisons autant de témoins qu'il y a eu dans tout l'univers d'auteurs qui ont parlé de cette secte. Ceux qui ont été dans leur croyance nous ont révélé ses abominables secrets après leur conversion. Nous suivons la secte damnable jusqu'à sa source: nous montrons d'où elle est venue, par où elle a passé, tous ses caractères, et toute sa descendance, qui la lie au manichéisme. On nous oppose des conjectures, et encore quelles

(1) Bern. serm. LXV. in Cant. n. 2. — (2) Ebrard, c. 14, 15. Erm. c. 18, 19. ibid. p. 1134, 1136, 1260, 1261.

LXV.

Examen de

tion des mi

conjectures? On les va voir; car je veux ici rap porter les plus vraisemblables.

Le plus grand effort des adversaires est pour la doctrine justifier Pierre de Bruis et son disciple Henri. de Pierre de Saint Bernard, dit-on, les accuse de condamner. Bruis. Objec- et la viande et le mariage. Mais Pierre le Vénénistres, tirée rable, abbé de Clugni, qui a réfuté presqu'en de Pierre le même temps Pierre de Bruis, ne parle point de Vénérable. ces erreurs, et ne lui en attribue que cinq: de nier le baptême des petits enfans, de condamner les temples sacrés, de briser les croix au lieu de les adorer, de rejeter l'Eucharistie, de se moquer des oblations et des prières pour les morts (1). Saint Bernard assure que cet hérétique et ses sectateurs ne recevoient que l'Evangile (2). Mais Pierre le Vénérable n'en parle qu'en doutant. « La » renommée, dit-il (3), a publié que vous ne >> croyez pas tout-à-fait ni à Jésus-Christ, ni aux » prophètes, ni aux apôtres : mais il ne faut pas » croire aisément les bruits qui sont souvent >> trompeurs; puisque même il y en a qui disent » que vous rejetez tout le canon des Ecritures ». Sur quoi il ajoute : « Je ne veux pas vous blâmer » de ce qui n'est pas certain ». Ici les Protestans louent la prudence de Pierre le Vénérable, et blâment la crédulité de saint Bernard, qui avoit trop légèrement déféré à des bruits confus.

LXVI.

Doctrine

de Pierre de

>>

Mais premièrement, à ne prendre que ce que l'abbé de Cluni reprend comme certain dans cet

(1) Pet. Ven. cont. Petrob. t. xxi. Bib. Max. p. 1034. (2) Serm. Lxv. in Cant. n. 3. (3) Pet. Ven. ib. p. 1037.

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que

Pierre le Vé

nérable.

hérétique, il y en a plus qu'il ne faut pour le con- Bruis, selon damner. Calvin a compté parmi les blasphêmes la doctrine qui nie le baptême des petits enfans (1). Le nier avec Pierre de Bruis et son disciple Henri, c'étoit refuser le salut à l'âge le plus innocent qui soit parmi les hommes: c'étoit dire que depuis. tant de siècles, où l'on ne baptise presque plus des enfans, il n'y a plus de Baptême dans le monde, il n'y a plus de sacremens, il n'y a plus d'Eglise, ni de chrétiens. C'est ce qui donnoit de l'horreur à Pierre le Vénérable. Les autres erreurs de Pierre de Bruis, que ce vénérable auteur a réfutées, ne sont pas moins insupportables. Ecoutons ce que lui reproche sur l'Eucharistie le saint abbé de Cluni, qui vient de nous déclarer qu'il ne lui veut rien objecter que de certain. « Il nie, dit-il (2), que le corps et le sang de Jé»sus-Christ puissent être faits par la vertu de la » divine parole, et le ministère du prêtre, et il >> assure que tout ce qu'on fait à l'autel est inu» tile ». Ce n'est pas nier seulement la vérité du corps et du sang, mais, comme les Manichéens rejeter absolument l'Eucharistie. C'est pourquoi le saint abbé ajoute un peu après : « Si votre » hérésie se renfermoit dans les bornes de celle » de Bérenger, qui en niant la vérité du corps, » n'en nioit pas le sacrement ou l'apparence et » la figure, je vous renvoyerois aux docteurs qui » l'ont réfuté. Mais, poursuit-il un peu après, » vous ajoutez erreur à erreur, hérésie à hérésie, » et vous ne niez pas seulement la vérité de la

(1) Opusc. cont. Servet. — (2) Ibid. p. 1057.

LXVII.

S. Bernard

spect que

nérable.

>> chair et du sang de Jésus-Christ, mais leur sa>> crement, leur figure et leur apparence; et >> ainsi vous laissez le peuple de Dieu sans sa>> crifice >>.

Pour les erreurs dont ce saint abbé ne parle aussi circon- pas, et celles dont il doute, il est aisé de comprendre que c'est qu'elles n'étoient pas encore Pierre le Vé- assez avérées, et qu'on n'avoit pas pénétré d'abord tous les secrets d'une secte qui avoit tant de replis et tant de détours. On les découvroit peu à peu ; et Pierre le Vénérable nous apprend lui-même que Henri, disciple de Bruis, avoit beaucoup ajouté aux cinq chapitres qu'on avoit repris dans son maître (1). Il avoit entre ses mains l'écrit où l'on avoit recueilli de la propre bouche de l'hérésiarque toutes ses nouvelles erreurs. Mais ce saint abbé attendoit, pour les réfuter, qu'il en fût encore plus assuré. Saint Bernard, qui a vu de près ces hérétiques, en savoit plus que Pierre le Vénérable, qui n'en écrivoit que par rapport: mais il ne savoit pas tout; et c'est pourquoi il n'osoit pas les appeler tout-à-fait Manichéens (2); car il n'étoit pas moins circónspect que Pierre le Vénérable à ne leur rien imputer que de certain. En effet, voici comme il parle de leurs impuretés: On dit qu'ils font en secret des choses honteuses (3). On dit, c'est qu'il ne les savoit pas encore avec certitude, et c'est pourquoi il n'osoit en parler positivement. Ceux qui les ont sues en ont parlé mais cette discrétion de saint Bernard

(1) Ep. ad Episc. Arelat. etc. ante Epist. contra Petrob. ibid. p. 1034. (2) Serm, XVI. in Cant. (3) Serm. LXV.

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