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nous fait voir combien est certain ce qu'il leur objecte.

Mais, dit-on, il étoit crédule, et Othon de Frisingue, auteur du temps, lui en a fait le reproche. Il faut encore écouter cette conjecture que les Protestans font tant valoir (1). Il est vrai, Othon de Frisingue trouve saint Bernard trop crédule, à cause qu'il fit condamner les erreurs visibles de Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers (2), que son disciple Othon tâchoit d'excuser. Ce reproche d'Othon est donc une excuse qu'un disciple affectionné prépare à son maître. Voyons toutefois en quoi il fait consister la crédulité de saint Bernard. « C'est, dit Othon (3), que cet abbé, >> par la ferveur de sa foi, et par sa bonté natu» relle, avoit un peu trop de crédulité; en sorte » que des docteurs qui se fioient trop à la raison » humaine, et à la sagesse du siècle, lui deve>> noient suspects; et si on lui rapportoit que leur » doctrine ne fût pas tout-à-fait conforme à la » foi, il le croyoit aisément ». Avoit-il tort? Non sans doute, et l'expérience fait assez voir que Pierre Abelard, qui lui devint suspect par cette raison, et Gilbert, qui expliquoit la Trinité plutôt selon les Topiques d'Aristote que selon la tradition et la règle de la foi, s'écartèrent du bon chemin, puisque leurs erreurs, condamnées dans les conciles, sont également abandonnées des Catholiques et des Protestans.

(1) Albert. La Roq. — (3) Oth. Fris. in Frider. lib. 1, c. 46, 47. — (3) Ibid.

LXVIII. Réponse à ce qu'on ob

jecte de la crédulité de

S. Bernard.

LXIX.

N'accusons donc pas ici la crédulité de saint S. Bernard Bernard. S'il nous a représenté Henri le disciple n'impute rien à Pierre de Pierre de Bruis, et le séducteur des Touloude Bruis et à sains, comme le plus scélérat et le plus hypocrite

Henri, sé

ducteur des de tous les hommes, tous les auteurs du temps en Toulousains, ont fait le même jugement (1). Les erreurs qu'il qu'il ne le attribue aux disciples de ces hérétiques ont été

sache.

>>

reconnues, et se découvroient tous les jours de plus en plus, comme la suite de cette histoire l'a fait paroître. Ce n'étoit pas témérairement que saint Bernard leur imputoit celles que nous trouvons dans ses sermons. « Je veux, dit-il (2), vous » raconter leurs impertinences, que nous avons >> reconnues par leurs réponses qu'ils ont faites » sans y penser aux Catholiques, ou par les reproches mutuels que leurs divisions ont fait » éclater, ou par les choses qu'ils ont avouées » lorsqu'ils se sont convertis ». Voilà comme on reconnut ces impertinences, que saint Bernard appelle dans la suite des blasphêmes. Quand il n'y auroit autre chose dans les Henriciens que leur aveugle attachement pour ces femmes qu'ils tenoient dans leur compagnie, comme leur raconte saint Bernard, et avec lesquelles ils passoient leur vie enfermés dans la même chambre nuit et jour, c'en seroit assez pour les avoir en horreur. Cependant la chose étoit si publique, que saint Bernard vouloit qu'on les connût à cette marque : « Dites-moi, leur disoit-il (3), mon ami

(1) Epist. CCXLI. ad Hildef. com. Pet. Ven. cont. Petrol. Act. Hild. Anal. 111, p. 312 et seq. etc. — • (2) Serm. LXV. in Cant, n.8. (3) Ibid. n. 6.

» quelle est cette femme ? Est-ce votre épouse? » Non, répondent-ils, cela ne convient pas à ma >> profession. Est-ce votre fille, votre sœur, votre » nièce? Non, elle ne m'appartient par aucun » degré de parenté. Mais savez-vous qu'il n'est » pas permis selon les lois de l'Eglise à ceux qui » ont professé la continence, de demeurer avec » des femmes? Chassez donc celle-ci, si vous ne >> voulez pas scandaliser l'Eglise autrement ce >> fait, qui est manifeste, nous fera soupçonner >> le reste qui ne l'est pas tant ». Il n'étoit pas trop crédule dans ce soupçon; et la turpitude de ces faux continens a depuis été révélée à toute la

terre.

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LXX. Conclusion.

Qu'il n'y a que de la

honte d'a

vouer les Al

D'où vient donc que les Protestans entreprennent la défense de ces scélérats? La cause en est trop claire. C'est l'envie de se donner des prédécesseurs. Ils ne trouvent que de telles gens qui rejettent et le culte de la croix, et la prière des bigeois pour saints, et l'oblation pour les morts. Ils sont fâchés auteurs. de ne remarquer les commencemens de leur Réforme que dans des Manichéens. Parce qu'ils grondent contre le Pape et contre l'Eglise romaine, la Réforme est bien disposée en leur faveur. Les Catholiques de ce temps- là leur reprochent de penser mal de l'Eucharistie. Nos Protestans voudroient bien que ce fussent de simples Bérengariens, et non pas des Manichéens à qui l'Eucharistie déplaît dans son fond, Mais enfin quand cela seroit, ces Réformés, que vous voulez être de vos gens, cachoient leur doctrine, fréquentoient les Eglises, honoroient les prê

» tres, alloient à l'offrandre; ils se confessoient, >> ils communioient, ils prenoient avec nous, » poursuit saint Bernard, le corps et le sang de >> Jésus-Christ (1)». Les voilà donc dans nos assemblées, qu'ils détestoient dans leur cœur comme des conventicules de Satan; à la messe, qu'ils regardoient dans leur erreur comme une idolâtrie et un sacrilége; et enfin dans les exercices de l'Eglise romaine, qu'ils croyoient le royaume de l'Antechrist. Est-ce là les disciples de celui qui a ordonné de prêcher son Evangile sur les toits? Sont-ce là les enfans de lumière? Ces œuvres sont-elles de celles qui paroissent dans le jour, ou de celles que la nuit doit cacher? En un mot, est-ce là les prédécesseurs que se donne la Réforme ?

LXXI.

Commen

cement des

Lyon.

HISTOIRE DES VAUDOIS.

LES Vaudois ne valent pas mieux pour établir une succession légitime. Leur nom est tiré de Vaudois, ou Valdo, auteur de la secte. C'est dans Lyon qu'ils pauvres de prirent naissance. On les nomma les pauvres de Lyon, à cause de la pauvreté qu'ils affectoient; et comme la ville de Lyon se nommoit alors Leona en latin, on les appela aussi tout court Léonistes, ou Lionistes, comme qui eût dit les Lionnais. On les appela encore les Insabbatés, d'un anLes noms cien mot qui signifioit des souliers, d'où sont ve

LXXII.

de la secte.

(1) Serm. LXV. in Cant. n. 8. Ecbert. Ren.

nus d'autres mots d'une semblable signification, qui sont encore en usage en beaucoup de langues aussi bien que dans la nôtre. C'est de là donc qu'on les appela les Insabbatés (1), à cause de certains souliers d'une forme particulière qu'ils coupoient par-dessus pour faire paroître les pieds nus, à l'exemple des apôtres, à ce qu'ils disoient; et ils affectoient cette chaussure, pour marque de leur pauvreté apostolique.

Leur histoire divisée en

deux. Leurs commencemens spécieux.

Voici maintenant leur histoire en abrégé. LXXIII. Lorsqu'ils se sont séparés, ils n'avoient encore que très-peu de dogmes contraires aux nôtres, et peut-être point du tout. En l'an 1160, Pierre Valdo, marchand de Lyon, dans une assemblée où il étoit selon la coutume avec les autres riches trafiquans, fut si vivement frappé de la mort subite d'un des plus apparens de la troupe, qu'il distribua aussitôt tout son bien, qui étoit grand, aux pauvres de cette ville (2), et en ayant par ce moyen ramassé un grand nombre, il leur apprit la pauvreté volontaire, et à imiter la vie de Jésus-Christ et des apôtres. Voilà ce que dit Renier, que les Protestans, flattés des éloges que nous verrons qu'il donne aux Vaudois, veulent qu'on croie sur ce sujet plus que tous les autres auteurs. Mais on va voir ce que peut la piété mal conduite. Pierre Pylicdorf, qui a vu les Vaudois dans leur force, et en à représenté non-seulement les dogmes, mais encore la conduite avec beaucoup de simplicité et de doctrine, dit que

(1) Ebrard. ibid. c. 25. Conrad. Ursper, Chron. ad an. 1212. - (2) Ren. cap. v, p. 749.

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