Images de page
PDF
ePub

ce Valdo, touché des paroles de l'Evangile où la pauvreté est si hautement recommandée, crut que la vie apostolique ne se trouvoit plus sur la terre (1). Résolu de la renouveler, il vendit tout ce qu'il avoit. D'autres en firent autant touchés de componction, et ils s'unirent ensemble dans ce dessein. Au commencement cette secte, obscure et timide, ou n'avoit encore aucun dogme particulier, ou ne se déclaroit pas ; ce qui a fait qu'Ebrard de Béthune n'y remarque que l'affectation d'une superbe et oisive pauvreté. On voyoit ces Insabbatés ou ces Sabbatés, comme il les nomme (2), avec leurs pieds nus, ou plutôt avec leurs souliers coupés par-dessus, attendre l'aumône, et ne vivre que de ce qu'on leur donnoit. On n'y blâmoit d'abord que l'ostentation; et sans encore les ranger avec les hérétiques, on leur reprochoit seulement qu'ils en imitoient l'orgueil (3). Mais écoutons la suite de leur histoire (4). «< Après avoir vécu quelque temps dans >> leur pauvreté prétendue apostolique, ils s'a» visèrent que les apôtres n'étoient pas seulement » pauvres, mais encore prédicateurs » de l'Evangile. Ils se mirent donc à prêcher à leur exemple, afin d'imiter en tout la vie apostolique. Mais les apôtres étoient envoyés; et ceux-ci, que leur ignorance rendoit incapables de cette mission, furent exclus par les prélats, et enfin par le saint Siége, d'un ministère qu'ils avoient usurpé sans leur permission. Ils ne laissèrent pas de con

(1) Lib. cont. Vald. c. 1; tom. 1v. Bibl. PP. II.part. p. 779.— (2) Antih. c. 25. Ibid. 1168. — (3) Ibid. 1170.— (4) Pylicd. ibid.

tinuer secrètement, et murmuroient contre le clergé qui les empêchoit de prêcher, à ce qu'ils disoient, par jalousie, et à cause que leur doctrine et leur sainte vie confondoient ses mœurs corrompues (1).

Si Valdo

Quelques Protestans ont voulu dire que Valdo LXXIV. étoit un homme de savoir: mais Renier dit seu- étoit un homlement qu'il avoit quelque peu de littérature; me de savoir. aliquantulum litteratus (2). D'autres Protestans, au contraire, tirent avantage du grand succès qu'il a eu dans son ignorance. Mais on ne sait que trop les adresses qui se peuvent souvent trouver dans les esprits les plus ignorans pour attirer leurs semblables et Valdo n'a séduit que de telles gens.

Cette secte en peu de temps fit des progrès.

LXXV.

Les Vau

Bernard, abbé de Fontcald, qui en a vu les com- dois conmencemens, en marque l'élévation sous le pape damnés par Lucius III (3). Le pontificat de ce Pape commence Lucius III. en 1181, c'est-à-dire vingt ans après que Valdo eut paru dans Lyon. Il lui fallut bien vingt ans à s'étendre, et à faire un corps de secte qui méritât d'être regardé. Alors donc Lucius III les condamna: et comme son pontificat n'a duré que quatre ans, il faut que cette première condamnation des Vaudois soit arrivée entre l'année 1 181, où ce Pape fut élevé à la chaire de saint Pierre, et l'année 1185, où il mourut.

LXXVI.

Conrad, abbé d'Ursperg, qui a vu de près les Vaudois, comme nous dirons, a écrit que le pape nent à Rome.

(1) Pylicd. ibid. Ren. ibid. (2) Ren. c. 6. (3) Bern. Abb.

[ocr errors]

Fontisc. adv. Vald. sect. t. 1v. Bibl. PP. præf. p. 1195.

Ils vien

On ne les ac- Lucius les mit au nombre des hérétiques, à cause cuse de rien de quelques dogmes et observances superstitieu

sur la pré

sence réelle. ses (1). Jusques ici ces dogmes ne sont pas encore

LXXVII.

Autre preu

ve que leurs

point l'Eucharistie.

:

expliqués mais on m'avouera que si les Vaudois eussent nié des dogmes aussi remarquables que celui de la présence réelle, matière rendue si célèbre par la condamnation de Bérenger, on ne se seroit pas contenté de dire en gros qu'ils avoient quelques dogmes superstitieux.

Environ dans le même temps, en l'an 1194, une ordonnance d'Alphonse ou Ildephonse, roi erreurs ne re- d'Arragon, range les Vaudois ou Insabbatés, gardent autrement les pauvres de Lyon, parmi les hérétiques anathématisés par l'Eglise; et c'est une suite manifeste de la sentence prononcée par Lucius III (2). Après la mort de ce Pape, comme malgré son décret ces hérétiques s'étendoient beaucoup, et que Bernard, archevêque de Narbonne, qui les condamna de nouveau après un grand examen, ne put arrêter le cours de cette secte; plusieurs personnes pieuses, ecclésiastiques et autres, procurèrent une conférence pour les ramener à l'amiable (3). On choisit de part et d'autre pour arbitre de la conférence un saint prêtre nommé Raimond de Daventrie, homme illustre par sa naissance, mais encore plus illustre par sa sainte vie. L'assemblée fut fort solennelle, et la dispute fut longue. On produisit de part et

(1) Chron. ad an. 1212.- (2) Apud. Em. II. part. direct. Ing. q. xiv. p. 287. et apud Maria. Præf. in Luc. Tud. t. xv. Bibl. PP. II. part. p. 582. (3) Bern. de Font. Cal. adversùs Vald. sect. in præf. t. 1v. Bibl. PP. III. part. p. 1195.

d'autre les passages de l'Ecriture dont on prétendoit s'appuyer. Les Vaudois furent condamnés, et déclarés hérétiques sur tous les chefs de l'accusation.

Preuve de

On voit par-là que les Vaudois, quoique con- LXXVIII. damnés, n'avoient pas encore rompu toutes me- la même vérisures avec l'Eglise romaine, puisqu'ils convinrent té par une céd'un arbitre catholique et prêtre. L'abbé de lèbre conféFontcald, qui fut présent à la conférence, a ré- rence où tous les points digé par écrit avec beaucoup de netteté et de sont traités. jugement les points débattus, et les passages qu'on employa de part et d'autre : de sorte qu'il n'y a rien de meilleur pour connoître tout l'état de la question telle qu'elle étoit alors, et au commencement de la secte.

Articles de

la conféren

La dispute roule principalement sur l'obéis- LXXIX. sance qui étoit due aux pasteurs. On voit que les Vaudois la leur refusoient, et que malgré toutes ce. les défenses ils se croyoient en droit de prêcher, hommes et femmes. Comme cette désobéissance ne pouvoit être fondée que sur l'indignité des pasteurs, les Catholiques, en prouvant l'obéissance qui leur est due, prouvent qu'elle est due même à ceux qui sont mauvais, et que quel que soit le canal, la grâce ne laisse pas de se répandre sur les fidèles (1). Pour la même raison on fait voir que les médisances contre les pasteurs, dont on prenoit le prétexte de la désobéissance, sont défendues par la loi de Dieu (2). Dans la suite on attaque la liberté que se donnoient les laïques de prêcher sans la permission des pasteurs, et même malgré (1) Ibid. c. 1, 2. — (2) Ibid. c. 3.

LXXX. On n'y par

l'Eucharis

tie.

leurs défenses; et on fait voir que ces prédications séditieuses tendent à la subversion des foibles et des ignorans (1). Surtout, on prouve par l'Ecriture que les femmes, qui n'ont que le silence en partage, ne doivent pas se mêler d'enseigner (2). Enfin on montre aux Vaudois le tort qu'ils ont de rejeter la prière pour les morts qui avoit tant de fondement dans l'Ecriture, et une suite si évidente de la tradition (3) : et comme ces hérétiques s'absentoient des églises pour prier entre eux en particulier dans leurs maisons, on leur fait voir qu'ils ne devoient pas abandonner la maison d'oraison, dont toute l'Ecriture et le Fils de Dieu lui-même avoit tant recommandé la sainteté (4).

Sans examiner ici qui a raison ou tort dans le point de cette querelle, on voit quel en étoit le fondement, et quels furent les points contestés; et il est plus clair que le jour, que dans ces commencemens, loin qu'il s'agît ou de la présence réelle et de la transsubstantiation, ou des sacremens, on ne parloit pas encore de la prière des saints, de leurs reliques, ou de leurs images.

LXXXI.

fait le dé

Ce fut à peu près dans ce même temps qu'A、 Alanus, qui lanus écrivit le livre dont il a été parlé; où, après nombrement avoir soigneusement distingué les Vaudois des audes erreurs tres hérétiques de son temps, il entreprend de vaudoises, prouver, contre leur doctrine : « Qu'on ne doit rien sur l'Eu- >>> point prêcher sans mission; qu'il faut obéir aux prélats, et non-seulement aux bons, mais en

n'objecte

charistie,

>>

(1) Ibid. c. 4 et seq. (3) Ibid. c. 7. - (3) Ibid. 8. (4) Ibid. 9.

» core

« PrécédentContinuer »