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» core aux mauvais, que leur mauvaise vie ne » leur fait pas perdre leur puissance; que c'est à » l'ordre sacré qu'il faut attribuer le pouvoir de » consacrer, et celui de lier et de délier, et non » pas au mérite de la personne; qu'il se faut con>> fesser aux prêtres, et non aux laïques; qu'il est

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permis de jurer en certain cas, et de punir de >> mort les malfaiteurs (1) ». C'est à peu près ce qu'il oppose aux erreurs des Vaudois. S'ils avoient erré sur l'Eucharistie, Alanus ne l'auroit pas oùblié; car il sait bien le reprocher aux Albigeois, contre lesquels il entreprend de prouver et la présence réelle et la transsubstantiation (2); et après avoir repris dans les Vaudois tant de choses moins importantes, il n'en auroit pas omis une si essentielle.

LXXXII.

Ni Pierre

Un peu après Alanus, et environ l'an 1209, Pierre de Vaucernai, homme assez simple, et as- de Vaucersurément très-sincère, distingue les Vaudois des nai. Albigeois par leurs propres caractères, en disant que les Vaudois étoient méchans, mais bien moins que ces autres hérétiques (3), qui admettoient les deux principes et toutes les suites de cette damnable doctrine. « Pour ne point parler, poursuit » cet auteur, de leurs autres infidélités, leur er>>reur consistoit principalement en quatre chefs: » en ce qu'ils portoient des sandales à la manière » des apôtres; en ce qu'ils disoient qu'il n'étoit » permis de jurer pour quelque cause que ce fût;

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(1) Alan. lib. 1, p. 175 et seq. (2) Lib. 1, p. 128 et seq. (3) Pet. de Vall. Cern. hist. Albig. c. 2. Duch. Hist. Franc. t. v. p. 557.

BOSSUET. XX.

10

LXXXIII.
Les Vaudois

les

>> et qu'il n'étoit non plus permis de faire mourir >> les hommes (même pour crime;) enfin en ce » qu'ils disoient que chacun d'eux, (quoiqu'ils » fussent de purs laïques) pourvu qu'il eût des » sandales, (c'est-à-dire, comme on a vu, la » marque de la pauvreté apostolique) pouvoit >> consacrer le corps de Jésus-Christ ». Voilà en effet les caractères particuliers qui désignent le vrai esprit des Vaudois : l'affectation de la pauvreté dans les sandales qui en étoient la marque; la simplicité et la douceur apparente, en rejetant tout serment et tout supplice; et ce qu'il y avoit de plus propre à cette secte, la croyance que laïques, pourvu qu'ils eussent embrassé leur prétendue pauvreté apostolique, et qu'ils en portassent la marque, c'est-à-dire pourvu qu'ils fussent de leur secte, pouvoient faire les sacremens, et même le corps de Jésus-Christ. Le reste, comme leur doctrine sur les prières pour les morts, alloit avec les autres infidélités de ces hérétiques, que cet auteur ne veut pas marquer en particulier. Mais s'ils s'étoient élevés contre la présence réelle, après le bruit que cette matière avoit fait dans l'Eglise, non-seulement ce religieux ne l'auroit pas oublié, mais encore il se seroit bien gardé de dire qu'ils faisoient le corps de Jésus-Christ; ne les faisant en ce point différer d'avec les Catholiques, sinon en ce qu'ils attribuoient aux laïques le pouvoir que les Catholiques ne reconnoissent que dans les prêtres.

Il paroît donc clairement que les Vaudois en vienner de- 1209, lorsque Pierre de Vaucernai écrivoit, n'a

d'Innocent

voient pas seulement songé à nier la présence mander l'apréelle; et il leur restoit alors tant de soumission probation ou véritable ou apparente envers l'Eglise ro- III. maine, qu'encore en 1212 ils vinrent à Rome pour y obtenir du saint Siége l'approbation de leur secte. Ce fut alors que Conrad, abbé d'Ursperg les y vit, comme il le raconte lui-même (1), avec leur maître Bernard. On les reconnoît aux caractères que leur donne ce chroniqueur : c'étoit les pauvres de Lyon, ceux que Lucius III avoit mis au nombre des hérétiques, qui se rendoient remarquables par l'affectation de la pauvreté apostolique, avec leurs souliers coupés pardessus; qui dans leurs secrètes prédications et dans leurs assemblées cachées ravilissoient l'Eglise et le sacerdoce. Le Pape trouvoit étrange l'affectation qu'ils faisoient paroître dans ces souliers coupés par-dessus, et dans leurs capes semblables à celles des religieux, quoiqu'ils eussent contre la coutume une longue chevelure comme les laïques. En effet, ordinairement ces affectations bizarres couvrent quelque chose de mauvais. Mais surtout on fut offensé de la liberté que se donnoient ces nouveaux apôtres d'aller pêlemêle, hommes et femmes, à l'exemple, à ce qu'ils disoient, des femmes pieuses qui suivoient Jésus-Christ et les apôtres pour les servir: mais les temps, les personnes et les circonstances étoient bien différentes.

Ce fut, dit l'abbé d'Ursperg, pour donner à LXXXIV. l'Eglise de vrais pauvres, plus dépouillés et plus

(1) Conr. Ursper. ad an. 1212.

On commence à trai

dois comme hérétiques opiniâtres.

:

ter les Vau- soumis que ces faux pauvres de Lyon, que le Pape approuva dans la suite l'institut des frères mineurs, rassemblés sous la conduite de saint François, un modèle d'humilité, et la merveille de ce siècle et ces pauvres remplis de haine contre l'Eglise et ses ministres, malgré leur humilité trompeuse, furent rejetés par le saint Siége; de sorte qu'on les traita dans la suite comme des hérétiques opiniâtres et incorrigibles. Mais enfin ils firent semblant d'être soumis jusqu'à l'an 1212, qui étoit le quinzième d'Innocent III, et cinquante ans après leur naissance.

LXXXV. Patience de l'Eglise en

dois.

De là on peut juger de la patience de l'Eglise envers ces hérétiques; puisqu'on voit cinquante vers les Vau- ans durant qu'on n'exerce contre eux aucune rigueur, mais qu'on tâche de les ramener par des conférences. Outre celle que Bernard abbé de Fontcald nous a rapportée, nous en avons encore une dans Pierre de Vaucernai, environ l'an 1206, où les Vaudois furent confondus (1); et enfin en 1212 ils viennent encore à Rome, où l'on se contente seulement de rejeter leur tromperie. Trois ans après Innocent III tint le grand concile de Latran, où en condamnant les hérétiques, il note en particulier ceux qui, sous prétexte de piété, s'attribuent l'autorité de précher sans être envoyés (2): par où il semble avoir voulu noter principalement les Vaudois, et les faire remarquer par l'origine de leur schisme.

(1) Pet. de Vall. t. v1, p. 56. — (3) Conc. Lat. Iy. Can. 3. de hæret. Labb. t. x1, part. I. col. 147.

On voit maintenant avec évidence les com- LXXXVI.

La secte

mencemens de la secte. C'étoit une espèce de vaudoise est donatisme, mais différent de celui que les anciens

une espèce ont combattu dans l'Afrique, en ce que ces Do- de donatisnatistes d'Afrique en faisant dépendre l'effet des me. sacremens de la vertu des ministres, réservoient du moins aux saints prêtres et aux saints évêques le pouvoir de les conférer, au lieu que ces nouveaux Donatistes l'attribuoient, comme on a vu, aux laïques dont la vie étoit pure. Mais ils n'en vinrent à cet excès que par degrés; car d'abord ils ne permettoient aux laïques que la prédication. Ils reprenoient non-seulement les mauvaises mœurs que l'Eglise condamnoit aussi, mais encore beaucoup d'autres choses qu'elle approuvoit, comme les. cérémonies, sans néanmoins toucher aux sacremens: car Pylicdorf, qui a très-bien remarqué et l'ancien esprit et tout le progrès de la secte, remarque qu'ils détruisoient toutes les choses dont on se servoit dans l'Eglise pour édifier les fidèles, à la réserve, dit-il (1), des sacremens seuls; ce qui montre qu'ils les laissèrent en leur entier. Le même auteur raconte encore (2) que ce ne fut « qu'après un long temps

>>

qu'ils commencèrent étant laïques à entendre » les confessions, à enjoindre des pénitences et à » donner l'absolution. Et depuis peu, continue» t-il, on a remarqué qu'un de ces hérétiques » pur laïque, a fait, selon sa pensée, le corps » de notre Seigneur, et s'est communié lui-même

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(1) Pet. Pylicd. cont. Vald. c. 1. t. xv. Bib. PP. II. part. p. 780. — (2) Ibid.

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