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CLXVII. Les Taborites.

bien que de son disciple Jérôme de Prague, il ne faut plus disputer des articles fondamentaux: le seul article fondamental est de crier contre le Pape et l'Eglise romaine: mais surtout si l'on s'emporte avec Viclef et Jean Hus, jusqu'à appeler cette Eglise, l'Eglise de l'Antechrist, cette doctrine est la rémission de tous les péchés, et couvre toutes les erreurs.

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Revenons aux Frères de Bohême, et voyons comme ils sont disciples de Jean Hus. Incontinent après sa condamnation et son supplice, on vit deux sectes s'élever en Bohême sous son nom; la secte des Calixtins et la secte des Taborites : les Calixtins, sous Roquesane, qui, du commun consentement de tous les auteurs catholiques et protestans, fut, sous prétexte de réforme, le plus ambitieux de tous les hommes les Taborites, sous Zisca, dont les actions sanguinaires ne sont pas moins connues que sa valeur et ses succès. Sans nous informer de la doctrine des Taborites, leurs rebellions et leur cruauté les ont rendus odieux à la plupart des Protestans. Des gens qui ont porté le fer et le feu dans le sein de leur patrie vingt ans durant, et qui ont laissé pour marque de leur passage, tout en sang et tout en cendres, ne sont guère propres à être tenus pour les principaux défenseurs de la vérité, ni à donner à des Eglises une origine chrétienne. Rudiger, qui seul de sa secte, faute d'avoir trouvé mieux, a voulu que les Frères bohémiens descendissent des Taborites (1), demeure (1) De frat. narrat. p. 158.

d'accord que Zisca, «< Zisca,« poussé par ses inimitiés » particulières, porta si loin la haine qu'il avoit >> contre les moines et contre les prêtres, que » non-seulement il mettoit le feu aux Eglises et » aux monastères (où ils servoient Dieu ); mais >> encore que pour ne leur laisser aucune de» meure sur la terre, il faisoit passer au fil de >> l'épée tous les habitans des lieux qu'ils occu» poient (1) ». C'est ce que dit Rudiger, auteur non suspect; et il ajoute que les Frères, qu'il faisoit descendre de ces barbares Taborites, avoient honte de cette origine (2). En effet, ils y renoncent en termes formels dans toutes leurs Confessions de foi et dans toutes leurs apologies, et ils montrent même qu'il est impossible qu'ils soient sortis des Taborites, parce que dans le temps qu'ils ont commencé de paroître, cette secte abattue par la mort de ses généraux, et par la paix générale des Catholiques et des Calixtins, qui réunirent toutes les forces de l'Etat pour la détruire, «< ne fit plus que traîner jusqu'à ce que >> Pogiebrac et Roquesane achevassent d'en ruiner » les misérables restes; en sorte, disent-ils, qu'il » ne resta plus de Taborites dans le monde (3) » : ce que Camérarius confirme dans son histoire (4). L'autre secte, qui se glorifia du nom de Jean CLXVIII. Hus, fut celle des Calixtins, ainsi appelés, parce qu'ils croyoient le calice absolument nécessaire au peuple. Et c'est constamment de cette secte

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(1) De frat. nurrat. p. 155. (a) Ibid. (3) Præf. Confess. 1572, seu de orig. Eccl. Boh, etc, post Hist. Camer, init. præf.

Les Calix

tins.

(4) Pag. 176.

CLXIX.

tatum, ou les

que sortirent les Frères en 1457, selon qu'ils le déclarent eux-mêmes dans la préface de leur Confession de foi de 1558, et encore dans celle de 1572 que nous avons tant de fois citées, où ils parlent en ces termes : « Ceux qui ont fondé »nos Eglises se séparèrent alors des Calixtins par » une nouvelle séparation (1) »; c'est-à-dire, comme ils l'expliquent dans leur apologie de 1532, que de même que les Calixtins s'étoient séparés de Rome, ainsi les Frères se séparèrent des Calixtins (2) : de sorte que ce fut un schisme et une division dans une autre division et dans un autre schisme. Mais quelles furent les causes de cette séparation? On ne les peut pas bien comprendre sans connoître et la croyance et l'état où se trouvèrent alors les Calixtins.

Leur doctrine consistoit d'abord en quatre arLe Compac- ticles. Le premier concernoit la coupe : les trois quatre arti- autres regardoient la correction des péchés pucles accordés blics et particuliers qu'ils portoient à certains par le concile excès; la libre prédication de la parole de Dieu, de Bâle. qu'ils ne vouloient pas qu'on pût défendre à personne; et les biens d'Eglise. Il y avoit là quelque mélange des erreurs des Vaudois. Ces quatre articles furent réglés dans le concile de Bâle d'une manière dont les Calixtins furent d'accord, et la coupe leur fut accordée à certaines conditions, dont ils convinrent. Cet accord s'appela Compactatum, nom célèbre dans l'histoire de Bohême. Mais une partie des Hussites, qui ne voulut pas

(1) De frat. narrat. p. 267: Præf. Boh. Conf. 1558. Synt. Gen. p. 164. — (2) Apol. frat. 1. 1. part. ap. Lyd. t. 11, p. 129.

se contenter de ces articles, commença, sous le nom des Taborites, ces sanglantes guerres dont nous venons de parler; et les Calixtins, l'autre partie des Hussites qui avoit accepté l'accord, ne s'y tint pas; puisqu'au lieu de déclarer, comme on en étoit convenu à Bâle, que la coupe n'étoit pas nécessaire, ri commandée de Jésus-Christ, ils en pressèrent la nécessité, même à l'égard des enfans nouvellement baptisés. A la réserve de ce point, on est d'accord que les Calixtins convenoient de tout le dogme avec l'Eglise romaine; et leurs disputes avec les Taborites le font voir. Lydius un ministre de Dordrect en a recueilli les actes (1); et ils ne sont pas révoqués en doute par les Protestans.

CLXX. Les Calix

tins disposés

On y voit donc que les Calixtins ne conviennent pas seulement de la transsubstantiation, mais encore en tout et partout sur la matière de l'Eu- à reconnoîcharistie, de la doctrine et des pratiques reçues tre le Pape. dans l'Eglise romaine, à la réserve de la communion sous les deux espèces; et pourvu que le Pape l'accordât, ils étoient prêts à reconnoître son autorité (2).

On pourroit ici demander d'où vient donc qu'a- CLXXI. vec de tels sentimens ils conservoient tant de res

D'où vient

donc qu'ils

pect pour Viclef, qu'ils appeloient aussi bien que respectoient

les Taborites le docteur évangélique par excel- tant la mélence (3)? C'est en un mot qu'on ne trouve rien de moire de Virégulier dans ces sectes séparées. Quoique Viclef

(1) Lyd. Valdens. t. 1. Rotero. 1616.—(2) Syn. Prag. an. 1431. ap. Lyd. p. 304, et an. 1434. Ibid. p. 332, 354. (3) Disp. cum Rokys. Can. 15. Ant. lect. tom. 111, 11. part.

clef.

CLXXII.

L'ambition

che leur réu

eût parlé avec tout l'emportement possible contre la doctrine de l'Eglise romaine, et en particulier contre la transsubstantiation, les Calixtins l'excusoient, en répondant que ce qu'il avoit dit contre ce dogme, il ne l'avoit pas dit décisivement, mais scholastiquement (1), comme on parloit, c'est-à-dire par manière de dispute; et on peut juger par-là combien ils trouvoient de facilité à justifier, quoi qu'on leur pût dire, un auteur dont ils étoient entêtés.

Ils n'en étoient pas moins bien disposés à reconde Roquesa noître le Pape; et les seuls intérêts de Roquesane ne et des Ca- empêchèrent leur réunion. Ce docteur avoit luilixtins empê- même ménagé l'accommodement, dans l'espénion avec l'E- rance qu'il avoit conçue, qu'après un si grand glise. service le Pape se porteroit aisément à le pourvoir de l'archevêché de Prague, qui étoit l'objet de ses vœux (2). Mais le Pape, qui ne vouloit pas commettre les ames et le dépôt de la foi à un homme si factieux, donna cette prélature à Budovix, autant supérieur à Roquesane en mérite qu'en naissance. Tout manqua par cet endroit. La Bohême se vit replongée dans des guerres plus sanglantes que toutes les précédentes : Roquesane, malgré le pape, s'érigea en archevêque de Prague, ou plutôt en Pape dans la Bohême : et Pogiebrac qu'il éleva par ses intrigues à la royauté ne lui pouvoit rien refuser.

CLXXIII.

Durant ces troubles, des gens de métier qui Origine des commençoient à gronder dès le règne précédent,

Frères de Bo

(1) Disp: cum Rokys. Can. 15. Ant. lect. tom. 1, II. part. p. 472.—(2) Camer. hist. narr. Apol. frat. p. 115, etc.

se

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