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se mirent plus que jamais à parler entre eux de la hême qui se

réforme de l'Eglise. La messe, la transsubstan- séparent de

la coupe

Roquesane et tiation, la prière pour les morts, les honneurs des Calixtins. des saints, et surtout la puissance du Pape les choquoit. Enfin ils se plaignoient que les Calixtins romanisoient en tout et partout, à la réserve de (1). Ils entreprirent de les corriger. Roquesane irrité contre le saint Siége leur parut un instrument propre à entreprendre cette affaire. Rebutés par ses superbes réponses qui ne respiroient que l'amour du monde, ils lui reprochèrent son ambition; qu'il n'étoit qu'un mondain, et qu'il les abandonneroit plutôt que ses honneurs (2). En même temps ils mirent à leur tête un Kelesiski, maître cordonnier, qui leur fit un corps de doctrine qu'on appela les formes de Kelesiski. Dans la suite ils se choisirent un pasteur nommé Matthias Convalde, homme laïque et ignorant; et en l'an 1467, ils se séparèrent publiquement des Calixtins, comme les Calixtins avoient fait de Rome. Telle a été la naissance des Frères de Bohême; et voilà ce que Camérarius, et eux-mêmes, tant dans leurs Annales que dans leurs Apologies et dans les préfaces de leurs Confessions de foi, nous racontent de leur origine; si ce n'est qu'ils mettent leur séparation en 1457; et il me paroît plus net de la mettre dix ans après en 1467, dans le temps qu'ils marquent euxmêmes la création de leurs nouveaux pasteurs.

(1) Apol. 1532, 1. part. (2) Camer. de Eccles. frat. p. 67, 84, etc. Apol. frat. 1532, 1. part.

BOSSUET. XX.

15

CLXXIV. Foibles com

mencemens

de cette sec

te.

CLXXV.

Hus, et n'en

Je trouve ici un peu de contradiction entre ce qu'ils racontent de leur histoire dans leur Apologie de 1532, et ce qu'ils en disent dans la préface de 1572 car ils disent dans cette préface qu'en 1457, dans le temps qu'ils se séparèrent d'avec les Calixtins, ils étoient un peuple ramassé de toute sorte de conditions (1): et dans leur Apologie de 1532 où ils étoient un peu moins fiers, ils reconnoissent franchement qu'ils étoient ramassés du menu peuple et de quelques prétres Bohémiens en petit nombre, tous ensemble un très-petit nombre de gens, petit reste, et méprisables ordures, ou, comme on voudra traduire, miserabiles quisquiliæ, laissées dans le monde par Jean Hus (2). C'est ainsi qu'ils se séparèrent des Calixtins, c'est-à-dire des seuls Hussites qui fussent alors. Voilà comme ils sont disciples de Jean Hus: morceau rompu d'un morceau; schisme séparé d'un schisme; Hussites divisés des Hussites, et qui n'en avoient presque retenu que la désobéissance et la rupture avec l'Eglise romaine.

Si on demande comment ils pouvoient reconIls ne pre- noître Jean Hus, comme ils font partout, pour noient que le nom de Jean un docteur évangélique, pour un saint martyr, pour leur maître, et pour l'apôtre des Bohémiens, la doctrine. et en même temps rejeter comme sacrilège la messe que leur apôtre avoit dite constamment jusqu'à la fin, la transsubstantiation et les autres dogmes qu'il avoit toujours retenus; c'est qu'ils

suivoient pas

(1) De orig. Eccl. Boh. post hist. Camer. p. 267. — (2) 1. parts 'Apol. Lyd. t. 11, 221 et 222, 232, etc.

disoient
que Jean Hus n'avoit fait que commen-
cer le rétablissement de l'Evangile; et ils vou-
loient croire qu'il auroit bien changé d'autres
choses, si on lui en eút laissé le temps (1). En
attendant il ne laissoit pas d'être martyr et apôtre,
encore qu'il persévérât dans des pratiques si dam-
nables selon eux ; et les Frères en célébroient le
martyre dans leurs Eglises le huitième juillet,
comme nous l'apprenons de Rudiger (2).

CLXXVI.

Leur extrê

me ignoran

et leur

Camérarius demeure d'accord de leur extrême ignorance, et fait ce qu'il peut pour l'excuser. Ce qui est de bien certain, c'est que Dieu ne fit ce, pas des miracles pour les éclairer. Tant de siècles audace à rebaptiser touaprès que la question du baptême des hérétiques te la terre. avoit été si bien éclaircie du commun consentement de toute l'Eglise, ils furent si ignorans qu'ils rebaptisèrent tous ceux qui venoient à eux des autres Eglises (3). Ils persistèrent cent ans durant dans cette erreur, comme ils l'avouent dans tous leurs écrits; et ils reconnoissent dans la préface de 1558 qu'il n'y avoit que très-peu de temps qu'ils en étoient revenus (4). Il ne faut pas s'imaginer que ce fût une erreur médiocre, puisque c'étoit dire que le Baptême étoit perdu dans toute l'Eglise, et ne restoit que parmi eux. C'est ce qu'osèrent penser deux ou trois mille hommes, plus ou moins, également révoltés et contre les

(1) Apol. 1532, 1. part. ap. Lyd. t. 11, p. 116, 117, 118, etc. (3) Camer. hist. (2) Rudig, narr. post. Cam. hist. p. 151. narr. p. 102. — (4) Præf. Apol. 1538, apud. Lyd. t. 11. p. 105. Ibid. Apol. p. IV. p. 274. Conf. fid. 1558. art. 12 Synt. Gen. p. 195. Ibid. p. 170.

Calixtins parmi lesquels ils vivoient, et contre l'Eglise romaine dont ils s'étoient séparés les uns et les autres trente ou quarante ans auparavant. Une si petite parcelle d'une autre parcelle, détachée depuis si peu d'années de l'Eglise catholique, osoit rebaptiser tout le reste de l'univers, et réduire tout l'héritage de Jésus-Christ à un coin de la Bohême. Ils se croyoient donc les seuls chrétiens, puisqu'ils se croyoient les seuls baptisés; et quoi qu'ils aient pu dire pour se défendre de ce crime, leur rebaptisation les en convainquoit. Pour toute excuse, ils répondoient que s'ils rebaptisoient les Catholiques, les Catholiques aussi les rebaptisoient. Mais on sait assez que l'Eglise romaine n'a jamais rebaptisé ceux qui avoient été baptisés par qui que ce fût au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; et quand il y auroit eu dans la Bohême des Catholiques assez ignorans pour ne savoir pas une chose si triviale, ceux qui se disoient leurs Réformateurs ne devoient-ils pas en savoir davantage? Après tout, comment ces nouveaux rebaptisateurs ne se firent-ils pas rebaptiser eux-mêmes? Si lorsqu'ils vinrent au monde le Baptême avoit cessé dans toute la chrétienté, celui qu'ils avoient reçu ne valoit pas mieux que celui des autres; et en cassant le Baptême de ceux qui les avoient baptisés, que pouvoit devenir le leur? Ils devoient donc aussitôt se faire rebaptiser, que de rebaptiser le reste de l'univers; et il n'y avoit à cela qu'un inconvénient: c'est que, selon leurs principes, il n'y avoit plus personne sur la terre qui

leur pût rendre cet office, puisque le Baptême de quelque côté qu'il pût venir, étoit également nul. Voilà ce que c'est d'être réformés de la façon d'un cordonnier, qui de leur aveu, dans une préface de leur Confession de foi (1), ne sut jamais un mot de latin, et qui n'étoit pas moins présomptueux qu'ignorant. Voilà les hommes qu'on admire parmi les Protestans. S'agit-il de condamner l'Eglise romaine? Ils ne cessent de lui reprocher l'ignorance de ses prêtres et de ses moines. S'agit-il des ignorans de ces derniers siècles, qui ont prétendu réformer l'Eglise par le schisme? Ce sont des pécheurs devenus apôtres; encore que leur ignorance demeure marquée éternellement dès le premier pas qu'ils ont fait. N'importe ; si nous en croyons les Luthériens, dans la préface qu'ils mirent à la tête de l'Apologie des Frères, en l'imprimant à Vitemberg du temps de Luther; si, dis-je, nous les en croyons, c'étoit dans cette ignorante société et dans cette poignée de gens que «<l'Eglise de Dieu s'étoit conservée, lorsqu'on » la croyoit tout-à-fait perdue (2) ».

Cependant ces restes de l'Eglise, ces déposi- CLXXVII. taires de l'ancien christianisme, étoient eux

mêmes honteux de ne voir dans tout le monde

aucune Eglise de leur croyance. Camérarius nous

Leurs vai

nes enquêtes à chercher dans tout l'univers quelque Eglise de

apprend (3) qu'au commencement de leur séparation il leur vint en la pensée de s'informer s'ils leur croyan

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(1) Conf. fid. 1558, Synt. Gen. II. part. p. 164. (2) Joan. Eusleb. in orat. præfixá Apol. frat. sub hoc titulo: OEconomia, etc. ap. Lyd. t. 11, p. 95. — (3) De Eccl. frat. p. 91.

ce.

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