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XXX.
Pourquoi

des autresPé

putations, où tout le reste à ce qu'on prétend, convenoit si bien, le principal manque c'est que selon ces calculs l'Empire papal devroit être tombé en 1620 ou 1653 (1): or il est encore, et il a quelque répit. Pour le troisième calcul, il finit en 1690, à quatre ou cinq ans d'ici, dit notre auteur ce seroit trop s'exposer que de prendre un terme si court. Cependant tout y convenoit parfaitement. Voilà ce que c'est que ces convenances dont on fait un si grand cas: ce sont des illusions manifestes, des songes, des visions démenties par l'événement.

<< Mais, dit-on (2), la principale raison pourl'idolatrie de » quoi Dieu ne veut pas compter la naissance de S. Basile, et » l'antichristianisme de ces années 360, 393 et » 430 », encore que la nouvelle idolâtrie, qu'on temps, n'est veut être le caractère de l'antichristianisme, y pas réputée fût établie, c'est « qu'il y avoit un quatrième antichrétien- » caractère de la naissance de cet Empire anti

res de même

ne.

» chrétien qui n'étoit pas encore arrivé »; c'est que l'Empire romain devoit être détruit; c'est qu'il devoit y avoir sept rois (3), c'est-à-dire, selon tous les Protestans, sept formes de gouvernement dans la ville aux sept montagnes, c'est-àdire, dans Rome. L'Empire papal devoit faire le septième gouvernement: et il falloit que les six autres fussent détruits pour donner lieu au septième, qui étoit celui du Pape et de l'Antechrist. Lorsque Rome devoit cesser d'être maîtresse, que l'Empire antichrétien devoit commencer, il

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et

(1) Acc. 11. part. p. 22. — · (2) Ibid. p. 23. — (3) Apoc. XVII. 9. falloit

falloit qu'il y eût dix rois qui reçussent en même temps la souveraine puissance; et dix royaumes, dans lesquels l'Empire de Rome devoit être subdivisé (1), selon l'oracle de l'Apocalypse. Tout cela s'est accompli à point nommé dans le temps de saint Léon c'est donc là le temps précis de la naissance de l'Antechrist, et on ne peut pas résister à ces convenances.

XXXI.

Absurdité

Doctrine admirable! Ce n'étoit pas ces dix rois ni ce démembrement de l'empire qui devoit inouie. constituer l'Antechrist; et ce n'étoit là tout au plus qu'une marque extérieure de sa naissance : ce qui le constitue véritablement, c'est la corruption des mœurs, c'est la prétention de la supériorité, c'est principalement la nouvelle idolâtrie. Tout cela n'est pas plus sous saint Léon que quatre-vingts ou cent ans auparavant : mais Dieu ne le vouloit pas encore imputer à antichristianisme, et il ne lui plaisoit pas que la nouvelle idolâtrie, quoique déjà toute formée, fût antichrétienne. Il n'est pas possible à la fin que de telles extravagances, où l'impiété et l'absurdité combattent ensemble à qui emportera le dessus, n'ouvrent les yeux à nos frères; et ils se désabuseront à la fin de ceux qui leur débitent de tels songes.

XXXII.

Le systême

Mais entrons un peu dans le détail de ces belles convenances, qui ont tant ébloui nos Réformés; des ministres et commençons par ces sept rois, qui, selon sur les sept. saint Jean, sont les sept têtes de la bête; et par

(1) Apoc. xv11. 12. BOSSUET. XX.

21

rois de l'A

pocalypse, ces dix cornes, qui, selon le même saint Jean, évidemment sont dix autres rois. Le sens, dit-on, en est ma

confondu

par les ter nifeste. « Les sept têtes, dit saint Jean (1), sont mes de cette » les sept montagnes sur lesquelles la femme est prophétie.

» assise, et ce sont sept rois: cinq sont passés ; >> l'un subsiste, l'autre n'est pas encore arrivé ; et » lorsqu'il sera arrivé, il faut qu'il subsiste peu; » et la bête, qui étoit et qui n'est pas, est aussi le >> huitième roi, et en même temps un des sept; » et il va tomber en ruine ». Les sept rois, c'est, dit-on (2), les sept formes de gouvernement sous lesquelles Rome a vécu : les rois, les consuls, les dictateurs, les décemvirs, les tribuns militaires qui avoient la puissance consulaire, les empereurs, et enfin le Pape. Cing ont passé, dit saint Jean: cinq de ces gouvernemens étoient écoulés lorsqu'il écrivit sa prophétie : l'un est encore; c'étoit l'empire des Césars sous lequel il écrivoit : et l'autre doit bientôt venir; qui ne voit l'Empire papal? C'est un des sept rois; une des sept formes de gouvernement: et c'est aussi le huitième roi, c'est-à-dire, la huitième forme de gouvernement: la septième, parce que le Pape tient beaucoup des Empereurs par la domination qu'il exerce; et la huitième, parce qu'il a quelque chose de particulier, cet empire spirituel, cette domination sur les consciences. Il n'y a rien de plus juste: mais un petit mot gâte tout. Premièrement, je demanderois volontiers pourquoi les sept rois sont sept formes de gouvernement, et non pas sept rois effectifs. Qu'on me montre dans les

(1) Apoc. XVII. 3, 9, 10, 11, 12. — (2) Acc. I. part. p. 11.

Ecritures sque des formes de gouvernement soient nommées des rois au contraire, je vois, trois versets après, que les dix rois sont dix vrais rois, et non pas dix sortes de gouvernement. Pourquoi les sept rois du verset 9 seroient-ils si différens des dix rois du verset 12? Prétend-on nous faire accroire que les consuls, des magistrats annuels, soient des rois? que l'abolition absolue de la puissance royale dans Rome soit un des sept rois de Rome? que dix hommes, les décemvirs, soient un roi, et toute la suite de quatre ou six tribuns militaires, plus ou moins, un autre roi? Mais en vérité est-ce là une autre forme de gouvernement? Qui ne sait que les tribuns militaires ne différoient des consuls que dans le nombre? c'est pourquoi on les appeloit, Tribuni militum consulari potestate. Et si saint Jean a voulu marquer tous les noms de la suprême puissance parmi les Romains, pourquoi avoir oublié les triumvirs? N'eurent-ils pas pour le moins autant de puissance que les décemvirs? Que si l'on dit qu'elle fut si courte qu'elle ne mérite pas d'être comptée; pourquoi celle des décemvirs, qui ne dura que deux ans, le sera-t-elle plutôt. Il est vrai, nous dira-t-on : mettons-les à la place des dictateurs; aussi bien n'y a-t-il guère d'apparence de mettre la dictature comme une forme de gouvernement sous laquelle Rome ait vécu un certain temps. C'étoit une magistrature extraordinaire qu'on faisoit selon l'exigence dans tous les temps de la république, et non une forme particulière de gouvernement. Déplaçons-les donc, et mettons les trium

XXXIII.

virs à leur place. J'y consens; et je suis bien aise moi-même de donner à l'interprétation des Protestans toute la plus belle apparence qu'elle puisse avoir: car, avec tout cela, ce n'est qu'illusion un petit mot, comme je l'ai dit, va tout réduire en fumée: car enfin il est dit du septième roi, qui sera donc, puisqu'on le veut, un septième gouvernement, que lorsqu'il sera venu, il faut qu'il subsiste peu de temps. A peine saint Jean l'a-t-il fait paroître; et incontinent, il va, dit-il (1), en ruine. Si c'est l'Empire papal, il doit être court. Or on prétend que selon saint Jean il doit durer du moins douze cent soixante ans, autant de temps, comme le confesse notre nouvel interprète, que tous les autres gouvernemens ensemble (2). Ce n'est donc pas l'Empire papal dont il s'agit.

Mais c'est, dit-on, que devant Dieu mille ans, Réponse il- comme dit saint Pierre (3), ne sont qu'un jour. Le Jusoire. beau dénouement! Tout est également court aux yeux de Dieu, et non-seulement le règne du septième roi, mais encore le règne de tous les autres. Or saint Jean vouloit caractériser ce septième roi en le comparant avec les autres ; et son règne devoit être remarquable par la brièveté de sa durée. Pour faire trouver ce caractère dans le gouvernement papal, qui ne voit qu'il ne suffit pas qu'il soit court devant Dieu, devant qui rien n'est durable? Il faudroit qu'il fût court à comparaison des autres gouvernemens; plus court par conséquent que (1) Apoc. XVII. 10. — (2) Acc. I. part. p. 11. — (3) II. Petr.

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