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XVI.
Ces difficul-

vivant de Jésus-Christ: c'est le comble de l'aveuglement.

Pendant que les Catholiques, et les Luthériens tés faisoient mieux écoutés qu'eux dans la nouvelle Réforme,' revenir plu- poussoient ces raisonnemens, plusieurs Calvisieurs Calvi- nistes revenoient : et voyant d'ailleurs parmi les

nistes.

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Luthériens une doctrine plus douce, ils s'y laissoient attirer. Une volonté générale en Dieu de sauver tous les hommes; en Jésus-Christ une intention sincère de les racheter, et des moyens suffisans offerts à tous; c'est ce qu'enseignoient les Luthériens dans le livre de la Concorde. Nous l'avons vu : nous avons vu même leurs excès touchant ces moyens offerts, et la coopération du libre arbitre (1): ils entroient tous les jours de plus en plus dans ces sentimens ; et on commençoit à les écouter dans le calvinisme, principalement en Hollande.

Jacques Arminius, célèbre ministre d'Amsterdam, et depuis professeur en théologie dans l'académie de Leyde, fut le premier à se déclarer dans l'académie contre les maximes reçues par les Eglises du pays : mais un homme si véhément n'étoit pas propre à garder de justes mesures. Il blâmoit ouvertement Bèze, Calvin, Zanchius, et les autres qu'on regardoit comme les colonnes du calvinisme (2). Mais il combattoit des excès par d'autres excès; et outre qu'on le voyoit s'approcher beaucoup des Pélagiens, on le soup

(1) Ci-dessus, liv. VIII, n. 52 et suiv. Epit. c. xi. Concord. p.621. Solid. repet. 669, 805 et seq. — (2) Act. Syn. Dordr. edit. Dordr. 1620, præf. ad Ecc. ante Synod. Dordr.

connoit, non sans raison, de quelque chose de pis: certaines paroles qui lui échappoient, le faisoient croire favorable aux Sociniens; et un grand nombre de ses disciples tournés depuis de ce côté-là, ont confirmé ce soupçon.

Opposition

le calvinis

me. Parti des

montrans.

Il trouva un terrible adversaire en la personne XVIII. de François Gomar, professeur en théologie de Gomar, dans l'académie de Leyde (*), rigoureux calvi- qui soutient niste s'il en fut jamais. Les académies se partagèrent entre ces deux professeurs: la division Remontrans s'augmenta les ministres prenoient parti: Ar- et Contre-reminius vit des Eglises entières dans le sien: sa mort ne termina pas la querelle; et les esprits s'échauffèrent tellement de part et d'autre sous le nom de Remontrans et Contre-remontrans, c'étoit à dire d'Arminiens et de Gomaristes, que les Provinces-Unies se voyoient à la veille d'une guerre civile.

XIX.

Le prince

Le prince d'Orange Maurice eut ses raisons pour soutenir les Gomaristes. On croyoit Barne- d'Orange apveld, son ennemi, favorable aux Arminiens; et puie le derla raison qu'on en eut, c'est qu'il proposa une nier parti, et tolérance mutuelle, et qu'on imposât silence aux l'autre. uns et aux autres (1).

C'étoit en effet ce que souhaitoient les Remon

(*) Les deux premières éditions in-4.o et in-12 portoient dans l'académie de Groningue. Bossuet dans ses Remarques sur quelques ouvrages, imprimées à la fin du sixième Avertissement aux Protestans, a corrigé Leyde, au lieu de Groningue, et ajoute: Il ne fut à Groningue qu'après la mort d'Arminius. (Note de Lequeux.)

(1) Act. Syn. Dordr. edit. Dordr. 1620, præf. ad Ecc. ante Synod. Dordr.

Barneveld

XX.
Les Remon-

trans. Un parti naissant, et foible encore, ne demande que du temps pour s'affermir. Mais les ministres, parmi lesquels Gomar prévaloit, vouloient vaincre, et le prince d'Orange étoit trop habile pour laisser fortifier un parti qu'il croyoit autant opposé à sa grandeur qu'aux maximes primitives de la Réforme.

Les synodes provinciaux n'avoient fait qu'aitrans ou Ar- grir le mal en condamnant les Remontrans. Il en miniens con- fallut enfin venir à un plus grand remède. Ainsi damnés dans les Etats-Généraux convoquèrent un synode nales synodes provinciaux. tional, où ils invitèrent tous ceux de leur religion Convocation en quelque pays qu'ils fussent. A cette invitation, du synode de Dordrect. l'Angleterre, l'Ecosse, le Palatinat, la Hesse, les Suisses, les républiques de Genève, de Brême, d'Embden, et en un mot tout le corps de la Réforme qui n'étoit pas uni aux Luthériens, députèrent, à la réserve des Français, qui en furent empêchés par des raisons d'Etat et de tous ces députés joints à ceux de toutes les ProvincesUnies, fut composé ce fameux synode de Dordrect, dont il nous faut maintenant expliquer la doctrine et la procédure.

XXI. Ouverture du synode. 1618.

XXII.

L'ouverture de cette assemblée se fit le 14 novembre 1618, par un sermon de Baltasar Lydius, ministre de Dordrect. Les premières séances furent employées à régler diverses choses de discipline, ou de procédure; et ce ne fut proprement que le 13 décembre, dans la trente-unième séance, que l'on commença à parler de la doctrine.

Pour entendre de quelle manière on y proLa dispute céda, il faut savoir qu'après beaucoup de livres

réduite à

et

Déclaration

et de conférences, la dispute s'étoit enfin réduite cinq chefs. à cinq chefs. Le premier regardoit la prédesti- des Remonnation; le second', l'universalité de la rédem- trans en géption; le troisième et le quatrième qu'on traitoit néral sur les toujours ensemble, regardoient la corruption de l'homme, et la conversion; le cinquième, regardoit la persévérance.

Sur ces cinq chefs les Remontrans avoient déclaré en général en plein synode par la bouche de Simon Episcopius, professeur en théologie à Leyde, qui paroît toujours à leur tête, que des hommes de grand nom et de grande réputation dans la Réforme avoient établi des choses qui ne convenoient ni avec la sagesse de Dieu, ni avec sa bonté et sa justice, ni avec l'amour que JésusChrist avoit pour les hommes, ni avec sa satisfaction et ses mérites, ni avec la sainteté de la prédication et du ministère, ni avec l'usage des sacremens, ni enfin avec les devoirs du chrétien. Ces grands hommes qu'ils vouloient taxer, étoient les auteurs de la Réforme, Calvin, Bèze, Zanchius, et les autres qu'on ne leur permettoit pas de nommer, mais qu'ils n'avoient pas épargnés dans leurs écrits. Après cette déclaration générale de leur sentiment, ils s'expliquèrent en particulier sur les cinq articles (1), et leur déclaration attaquoit principalement la certitude du salut, et l'inamissibilité de la justice dogmes par lesquels ils prétendoient qu'on avoit ruiné la piété dans la Réforme, et déshonoré un si beau

(1) Sess. 31, p. 112.

BOSSUET. XX.

23

cinq chefs.

XXIII.
Ce que por-

toit la décla

ration des Remontrans sur chaque

chef particu

nom. Je rapporterai la substance de cette déclaration des Remontrans, afin qu'on entende mieux ce qui fit la principale matière de la délibération, et ensuite des décisions du synode.

Sur la prédestination, ils disoient (1) « qu'il ne >> falloit reconnoître en Dieu aucun décret absolu, >> par lequel il eût résolu de donner Jésus-Christ >> aux élus seuls, ni de leur donner non plus à eux » seuls par une vocation efficace, la foi, la justilier. Sur la »fication, la persévérance, et la gloire; mais prédestina» qu'il avoit ordonné Jésus-Christ rédempteur tion. > commun de tout le monde, et résolu par ce » décret de justifier et sauver tous ceux qui croi» roient en lui, et en même temps leur donner à » tous les moyens suffisans pour être sauvés; que » personne ne périssoit pour n'avoir point ces » moyens, mais pour en avoir abusé; que l'élec>>tion absolue et précise des particuliers se faisoit » en vue de leur foi et de leur persévérance fu»ture, et qu'il n'y avoit d'élection que condi>>tionnelle ; que la réprobation se faisoit de même >> en vue de l'infidélité et de la persévérance dans » un si grand mal ».

XXIV.'

des Remon

Ils ajoutoient deux points dignes d'une partiDoctrine culière considération : l'un, que tous les enfans trans sur le des fidèles étoient sanctifiés, et qu'aucun de ces baptême des enfans qui mouroient devant l'usage de la raison enfans, et ce n'étoit damné : l'autre, qu'à plus forte raison qu'ils en vouloient con- aucun de ces enfans qui mouroient après le Bapclure. tême avant l'usage de la raison, ne l'étoit non plus (2).

(1) Sess. 31, p. 112.- (2) Art. 9, 10. Ibid.

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