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raconte qu'il la traita de bâtarde (1). Il s'étonna de son audace de prendre possession de la couronne d'Angleterre, qui étoit un fief du saint Siége, sans son aveu, et ne lui donna aucune espérance de mériter ses bonnes grâces, qu'en renonçant à ses prétentions, et se soumettant au siége de Rome. De tels discours, s'ils sont véritables, n'étoient guère propres à ramener une reine. Elisabeth rebutée s'éloigna aisément d'un Siége, dont aussi bien les décrets condamnoient sa naissance, et s'engagea dans la nouvelle réformation mais elle n'approuvoit pas celle d'Edouard en tous ses chefs. Il y avoit quatre points qui lui faisoient peine (2); celui des cérémonies, celui des images, celui de la présence réelle, et celui de la primauté ou suprématie royale : et il faut ici raconter ce qui fut fait de son temps sur ces quatre points.

Pour ce qui est des cérémonies, « elle aimoit, » dit M. Burnet (3), celles que le Roi son père avoit

II.

I. Point.

Les céré

>> retenues; et recherchant l'éclat et la pompe monies. jusque dans le service divin, elle estimoit que

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» les ministres de son frère avoient outré le re

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» tranchement des ornemens extérieurs, et trop dépouillé la religion ». Je ne vois pas néanmoins qu'elle ait rien fait sur cela de considérable.

Pour les images, « son dessein étoit, surtout, » de les conserver dans les Eglises, et dans le >> service divin : elle faisoit tous ses efforts pour

(1) Burn. liv. 1, p. 555. — (2) Burn. ibid. p. 558.— (3) Liv. m, p. 557.

III.
II. Point.

Les images.
Pieux senti-

mens de la » cela; car elle affectionnoit extrêmement les

Reine.

IV.

suade par des

demment

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images, qu'elle croyoit d'un grand secours » pour exciter la dévotion; et tout au moins elle >> estimoit que les églises en seroient bien plus » fréquentées (1) ». C'étoit en penser au fond tout ce qu'en pensent les Catholiques. Si elles excitent la dévotion envers Dieu, elles pouvoient bien aussi en exciter les marques extérieures : c'est là tout le culte que nous leur rendons: y étre affectionné dans ce sens, comme la reine Elisabeth, n'étoit pas un sentiment si grossier qu'on veut à présent nous le faire croire; et je doute que M. Burnet voulût accuser une Reine, qui, selon lui, a fixé la religion en Angleterre, d'avoir eu des sentimens d'idolâtrie. Mais le parti des Iconoclastes avoit prévalu; la Reine ne leur put résister; et on lui fit tellement outrer la matière, que non contente d'ordonner qu'on ôtát les images des églises, elle défendit à tous ses sujets de les garder dans leurs maisons (2): il n'y eut que le crucifix qui s'en sauva; encore ne fut-ce que dans la chapelle royale, d'où l'on ne put persuader à la Reine de l'arracher (3).

Il est bon de considérer ce que les Protestans On la per- lui représentèrent, pour l'obliger à cette ordonraisons évi- nance contre les images, afin qu'on en voie ou la vanité, ou l'excès. Le fondement principal est que le deuxième commandement défend de faire des images à la similitude de Dieu (4) : ce qui manifestement ne conclut rien contre les images ni (3) Thuan.

mauvaises.

(1) Burn. liv. 11, p. 551, 558. (2) P. 590. lib. xxi. an. 1559. —(4) Burn. ibid,

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de Jésus-Christ en tant qu'homme, ni des saints, ni en général contre celles où l'on déclare publiquement, comme fait l'Eglise catholique, qu'on ne prétend nullement représenter la divinité. Le reste étoit si excessif que personne ne le peut soutenir car ou il ne conclut rien, ou il conclut à la défense absolue de l'usage de la peinture et de la sculpture: foiblesse, qui à présent est universellement rejetée de tous les chrétiens, et réservée à la superstition et grossièreté des Mahométans et des Juifs.

V.

On varie manifeste

La Reine demeura plus ferme sur le point de l'Eucharistie. Il est de la dernière importance de bien comprendre ses sentimens, selon que ment sur la M. Burnet les rapporte (1): « Elle estimoit qu'on presence réelle. La poli» s'était restreint, du temps d'Edouard, sur cer- tique règle la >> tains dogmes, dans des limites trop étroites et religion. >> sous des termes trop précis; qu'il falloit user

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d'expressions plus générales, où les partis opposés trouvassent leur compte ». Voilà ses idées en général. En les appliquant à l'Eucharistie, << son dessein étoit de faire concevoir en des pa» roles un peu VAGUES la manière de la présence » de Jésus-Christ dans l'Eucharistie. Elle trou>> voit fort mauvais que par des explications si » subtiles on eût chassé du sein de l'Eglise ceux qui croyoient la présence corporelle ». Et encore (2): « Le dessein étoit de dresser un office » pour la communion, dont les expressions fus» sent si bien ménagées, qu'en évitant de con

>>

(3) Burn. ibid. 557. — (2) Ibid. 579

VI.

prétendus

» damner la présence corporelle, on réunît tous » les Anglais dans une seule et même Eglise ».

On pourroit croire peut-être que la Reine jugea inutile de s'expliquer contre la présence réelle, à cause que ses sujets se portoient d'euxmêmes à l'exclure; mais au contraire, «< la plu» part des gens étoient imbus de ce dogme de la » présence corporelle: ainsi la Reine chargea les théologiens de ne rien dire qui le censurât ab>>solument; mais de le laisser indécis, comme » une opinion spéculative que chacun auroit la » liberté d'embrasser ou de rejeter ».

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C'étoit ici une étrange variation dans un des La foi des principaux fondemens de la Réformation anglimartyrs est cane. Dans la Confession de foi de 1551, sous changée. Edouard, on avoit pris avec tant de force le parti contraire à la présence réelle, qu'on la déclara impossible et contraire à l'ascension de notre Seigneur. Lorsque sous la reine Marie, Cranmer fut condamné comme hérétique, il reconnut que le sujet principal de sa condamnation fut de ne point reconnoître dans l'Eucharistie une présence corporelle de son Sauveur. Ridley, Latimer, et les autres prétendus martyrs de la Réformation anglicane, rapportés par M. Burnet, ont souffert pour la même cause. Calvin en dit autant des martyrs français, dont il oppose l'autorité aux Luthériens (1). Cet article paroissoit encore si important en 1549, et durant le règne d'Edouard, que lorsqu'on y voulut travailler à faire un sys

(1) Calv. Diluc. explic. Opusc. p. 861.

tême de doctrine qui embrassat, dit M. Burnet (1), tous les points fondamentaux de la religion, on approfondit surtout l'opinion de la présence de Jésus-Christ dans le sacrement. C'étoit donc alors non-seulement un des points fondamentaux, mais encore parmi les fondamentaux un des premiers. Si c'étoit un point si fondamental, et le principal sujet de ces martyres tant vantés, on ne pouvoit l'expliquer en termes trop précis. Après une explication aussi claire que celle qu'on avoit donnée sous Edouard, en revenir, comme vouloit Elisabeth, à des expressions générales qui laissassent la chose indécise, et où les partis opposés trouvassent leur compte, en sorte qu'on en pût croire tout ce qu'on voudroit, c'étoit rahir la vérité et lui égaler l'erreur. En un mot ces termes vagues dans une Confession de foi n'étoient qu'une illusion dans la matière du monde la plus sérieuse, et qui demande le plus de sincérité. C'est ce que les Réformés d'Angleterre eussent dû représenter à Elisabeth. Mais la politique l'emporta contre la religion, et l'on n'étoit plus d'humeur à tant rejeter la présence réelle. Ainsi l'article xxIx de la Confession d'Edouard, où elle étoit condamnée, fut fort changé (2): on y ôta tout ce qui montroit la présence réelle impossible, et contraire à la séance de Jésus-Christ dans les cieux. « Toute cette forte explication, » dit M. Burnet, fut effacée dans l'original avec » du vermillon ». L'historien remarque avec (1) Liv. 11, p. 158. — (2) Ibid. l. m. 601.

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