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I.

Jean Hus, qui se glorifie d'être son disciple, l'abandonne sur le point de l'Eucharistie. Les disciples de Jean Hus divisés en Taborites et en Calixtins. Confusion de toutes ces sectes. Les Protestans n'en peuvent tirer aucun avantage pour établir leur mission, et la succession de leur doctrine. Accord des Luthériens, des Bohémiens et des Zuingliens dans la Pologne. Les divisions et les réconciliations des sectaires font également contre eux.

Ce qu'ont entrepris nos Réformés, pour se donQuelle est la sucession ner des prédécesseurs dans tous les siècles passés, des Protes- est inoui. Encore qu'au quatrième siècle le plus

tans.

éclairé de tous, il ne se soit trouvé qu'un seul Vigilance qui se soit opposé aux honneurs des saints et au culte de leurs reliques, il est considéré par les Protestans comme celui qui a conservé le dépôt, c'est-à-dire, la succession de la doctrine apostolique; et il est préféré à saint Jérôme, qui a pour lui toute l'Eglise. Aërius par cette raison devoit aussi être regardé comme le seul que Dieu éclairoit dans le même siècle, puisque seul il rejetoit le sacrifice qu'on offroit partout ailleurs, et en Orient comme en Occident, pour le soulagement des morts. Par malheur il étoit Arien; et on a eu honte de compter parmi les témoins de la vérité un homme qui nioit la divinité du Fils de Dieu. Mais je m'étonne qu'on n'ait point passé par-dessus cette considération. Claude de Turin étoit Arien et disciple de Félix d'Urgel (1), c'est-à-dire, Nestorien de plus. Mais parce (1) Jon. Aur. præf. cont. Claud. Taur.

qu'il

qu'il a brisé les images, il est compté parmi les prédécesseurs des Protestans. Les autres Iconoclastes ont eu beau aussi bien que lui outrer la matière, jusqu'à dire que la peinture et la sculpture étoient des arts défendus de Dieu : c'est assez qu'ils aient accusé le reste de l'Eglise d'idolâtrie, pour mériter un rang honorable parmi les témoins de la vérité. Bérenger n'attaqua jamais que la présence réelle, et laissa tout le reste en son entier mais c'est assez qu'il ait rejeté un seul dogme pour en faire un Calviniste, et le compter parmi les docteurs de la vraie Eglise. Viclef y tiendra sa place, malgré les impiétés que nous verrons; et encore qu'en assurant qu'on n'est plus ni roi, ni seigneur, ni magistrat, ni prêtre, ni pasteur, dès qu'on est en péché mortel, il ait également renversé l'ordre du monde et celui de l'Eglise, et qu'il ait rempli l'un et l'autre de sédition et de trouble. Jean Hus aura suivi cette doctrine, et de plus jusqu'à la fin de ses jours il aura dit la messe et adoré l'Eucharistie: mais à cause qu'en d'autres points il aura combattu l'Eglise romaine, nos Réformés le mettront au nombre de leurs martyrs. Enfin, pourvu qu'on ait murmuré contre quelqu'un de nos dogmes, et surtout qu'on ait grondé ou crié contre le Pape, quel qu'on ait été d'ailleurs, et quelque opinion qu'on ait soutenue, on est compté parmi les prédécesseurs des Protestans, et on est jugé digne d'entretenir la succession de leur Eglise.

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II.

Les Vau

cours

se

aux

Mais de tous ces prédécesseurs que les Protestans se veulent donner, les Vaudois et les Albidois et les Albigeois geois sont les mieux traités, du moins par les Calroient d'un vinistes. Que prétendent-ils par-là ? Ce secours est foible se- foible. Faire remonter leur antiquité de quelques Calvinistes. siècles, (car les Vaudois, à leur accorder selon leurs désirs Pierre de Bruis et son disciple Henri, ne vont pas plus haut que le siècle onzième); et là tout-à-coup demeurer court sans montrer personne devant soi, c'est être contraint de s'arrêter trop au-dessous du temps des apôtres; c'est tirer son secours de gens aussi foibles et aussi embarrassés que vous; à qui on demande, comme à vous, leurs prédécesseurs; qui ne peuvent, non plus que vous, les montrer; qui par conséquent sont coupables du même crime d'innovation dont on vous accuse de sorte que nous les nommer dans ce procès, c'est nommer les complices du même crime, et non pas des témoins qui puissent légitimement déposer de votre innocence.

III.

tes les ont

fait valoir.

Cependant ce secours tel quel est embrassé Pourquoi avec ardeur par nos Calvinistes, et en voici la les Calvinis- raison : c'est que les Vaudois et les Albigeois ont formé des Eglises séparées de Rome, ce que Bérenger et Viclef n'ont jamais fait. C'est donc en quelque façon se faire une suite d'Eglise que de se les donner pour prédécesseurs. Comme l'origine de ces Eglises, aussi bien que la croyance dont elles faisoient profession, étoit encore assez obscure du temps de la Réformation prétendue, on faisoit accroire au peuple qu'elles étoient

d'une très-grande antiquité, et qu'elles venoient des premiers siècles du christianisme.

IV. Prétentions ridicules des

Je ne m'étonne pas que Léger, un des Barbes des Vaudois (c'est ainsi qu'ils appeloient leurs pasteurs) et leur plus célèbre historien, ait donné Vaudois et dans cette erreur; car c'est constamment le plus de Bèze. ignorant, comme le plus hardi de tous les hommes. Mais il y a sujet de s'étonner que Bèze l'ait embrassée, et qu'il ait écrit dans son histoire ecclésiastique, non - seulement que « les Vaudois » de temps immémorial s'étoient opposés aux abus » de l'Eglise romaine (1) »; mais encore qu'en l'an 1541 « ils couchèrent par acte public en >> bonne forme la doctrine à eux enseignée comme » de père en fils, depuis l'an 120, après la nati>>vité de Jésus-Christ, comme ils l'avoient toujours » entendu par leurs anciens et ancêtres (2) ».

V. Fausse ori

Voilà sans doute une belle tradition, si elle étoit soutenue par la moindre preuve. Mais par gine dont se malheur les premiers disciples de Valdo ne le vantoient les prenoient pas si haut; et lorsqu'ils se vouloient Vaudois. attribuer la plus grande antiquité, ils se contentoient de dire qu'ils s'étoient retirés de l'Eglise romaine, lorsque, sous le pape Silvestre I, elle avoit accepté les biens temporels que lui donna Constantin, premier empereur chrétien. Cette cause de rupture est si vaine, et cette prétention est d'ailleurs si ridicule, qu'elle ne mérite pas d'être réfutée. Il faudroit être insensé pour se mettre dans l'esprit que dès le temps de saint Silvestre, c'est-à-dire, environ l'an 320, il y ait eu

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une secte parmi les chrétiens dont les Pères n'aient jamais eu de connoissance. Nous avons dans les conciles tenus dans la communion de l'Eglise romaine, des anathêmes prononcés contre une infinité de sectes diverses; nous avons des catalogues des hérésies dressés par saint Epiphane, parsaint Augustin, et par plusieurs autres auteurs ecclésiatiques. Les sectes les plus obscures et les moins suivies; celles qui ont paru dans un coin du monde, comme celles de certaines femmes. qu'on appeloit Collyridiennes, qui n'étoient que je ne sais où dans l'Arabie; celle des Tertullianistes ou des Abéliens, qui n'étoit que dans Carthage, ou dans quelques villages autour d'Hippone, et plusieurs autres aussi cachées, ne leur ont pas été inconnues (1). Le zèle des pasteurs, qui travailloient à ramener les brebis égarées, découvroit tout pour tout sauver : il n'y a que ces séparés pour les biens ecclésiastiques, que personne n'a jamais connus. Plus modérés que les Athanases, que les Basiles, que les Ambroises et que tous les autres docteurs; plus sages que tous les conciles, qui sans rejeter les biens donnés aux Eglises, se contentoient de faire des règles pour les bien administrer, ils ont encore si bien fait qu'ils ont échappé à leur connoissance. Que les premiers Vaudois l'aient osé dire, c'est une impudence extrême; mais de faire remonter avec Bèze cette secte inconnue à tous les siècles jusqu'à l'an 120 de notre Seigneur,

(1) Epiph. Hær. 79. tom. 1, p. 1057. August. Hær. 86, 87. tom. viii, col. 24, 25. Tertul. de Prescrip.

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