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de son ambassade à Tibrique, qu'il avoit été ré- instruction solu dans le conseil des Pauliciens, d'envoyer des de Pierre de Sicile pour prédicateurs de leur secte dans la Bulgarie, pour en empêcher en séduire les peuples nouvellement convertis (1), l'effet. La Thrace, voisine de cette province, étoit il y avoit déjà long-temps infectée de cette hérésie. Ainsi il n'y avoit que trop à craindre pour les Bulgares, si les Pauliciens les plus artificieux des Manichéens, entreprenoient de les séduire; et c'est ce qui obligea Pierre de Sicile d'adresser à leur archevêque le livre dont nous venons de parler, afin de les prémunir contre des hérétiques si dangereux. Malgré ses soins, il est constant que l'hérésie manichéenne jeta de profondes racines dans la Bulgarie, et c'est de là qu'elle se répandit bientôt après dans le reste de l'Europe; ce qui fit donner, comme nous verrons, le nom de Bulgares aux sectateurs de cette hérésie.

XVII. Les Manichéens com

mencent à

Occident après l'an

1000 de no

Mille ans s'étoient écoulés depuis la naissance de Jésus-Christ, et le prodigieux relâchement de la discipline menaçoit l'Eglise d'Occident de quelque malheur extraordinaire. C'étoit peut- paroître en être aussi le temps de ce terrible déchaînement de Satan, marqué dans l'Apocalypse (2), après mille ans; ce qui peut signifier d'extrêmes désordres mille ans après que le fort armé, c'est-à-dire le démon victorieux, fut lié par Jésus-Christ venant au monde (3). Quoi qu'il en soit, dans ce temps et en 1017, sous le roi Robert on découvrit à Orléans des hérétiques d'une doctrine qu'on ne con

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:

tre Seigneur.

XVIII.

noissoit plus il y avoit long-temps parmi les Latins (1).

Une femme italienne avoit apporté en France Manichéens cette damnable hérésie. Deux chanoines d'Orvenus d'Ita

roi Robert à

Orléans.

lie, décou- léans, l'un nommé Etienne ou Heribert, et l'autre verts sous le nommé Lisoïus, qui étoient en réputation, furent les premiers séduits. On eut beaucoup de peine à découvrir leur secret. Mais enfin un Arifaste, qui soupçonna ce que c'étoit, s'étant introduit dans leur familiarité, ces hérétiques et leurs sectateurs confessèrent avec beaucoup de peine qu'ils nioient la chair humaine en Jésus-Christ; qu'ils ne croyoient pas que la rémission des péchés fût donnée dans le Baptême, ni que le pain et le vin pussent être changés au corps et au sang de Jésus-Christ (2). On découvrit qu'ils avoient une Eu-. charistie particulière, qu'ils appeloient la viande céleste. Elle étoit cruelle et abominable, et toutà-fait du génie des Manichéens, quoiqu'on ne la trouve pas dans les anciens. Mais outre ce qu'on en vit à Orléans, Gui de Nogent la remarque encore en d'autres pays (3). Il ne faut pas s'étonner qu'on trouve de nouveaux prodiges dans une secte si cachée, soit qu'elle les invente, ou qu'on les y découvre de nouveau.

XIX.

Suite.

Voilà de vrais caractères de manichéisme. On a vu que ces hérétiques rejetoient l'Incarnation. Pour le Baptême, saint Augustin dit expressément que les Manichéens ne le donnoient pas, et ·

(1) Acta Conc. Aurel. Spicil. tom. 11. Conc. Lab. t. 1x : col. 836. Glab. lib. 1. c. 8. (2) Glab. ibid. Acta Conc. Aurel. Conc. Labb. ibid. (3) De vita sua lib. 1. c. 16.

le

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le croyoient inutile (1). Pierre de Sicile, et après lui Cédrénus nous apprennent la même chose des Pauliciens (2): tous ensemble nous font voir que les Manichéens avoient une autre Eucharistie que la nôtre. Ce que disoient les hérétiques d'Orléans, qu'il ne falloit pas implorer le secours des saints, étoit encore de même caractère, et venoit, comme on a vu, de l'ancienne source de cette secte.

Ils ne dirent rien ouvertement des deux principes: mais ils parlèrent avec mépris de la création, et des livres où elle étoit écrite. Cela regardoit l'ancien Testament; et ils confessèrent dans le supplice, qu'ils avoient eu de mauvais sentimens sur le Seigneur de l'univers (3). Le lecteur se souvient bien que c'est celui que les Manichéens croyoient mauvais. Ils allèrent au feu avec joie, dans l'espérance d'en être miraculeusement délivrés; tant l'esprit de séduction agissoit en eux. Au reste, c'est ici le premier exemple d'une semblable condamnation. On sait que les lois romaines condamnoient à mort les Manichéens (4): le saint roi Robert les jugea dignes du feu.

XX.

Suite.

XXI.

La même

En même temps la même hérésie se trouve en Aquitaine et à Toulouse, comme il paroît par hérésie en l'histoire d'Adémare de Chabanes, moine de l'abGascogne et baye de saint Cibard d'Angoulême, contempo- à Toulouse. rain de ces hérétiques (5). Un ancien auteur de l'histoire d'Aquitaine, que le célèbre Pierre Pithou

(1) De Hares. in hæres. Manich. tom. VIII, col. 17. (2) Petr. Sic. ibid. Cedr. tom. 1, p. 434. — (3) Ibid. (4) Cod. de hær. 1. 5. — (5) Bib. nov. Labb. t. 11. p. 176, 180.

BOSSUET. XX.

7

XXII.

chéens d'Ita

a donné au public, nous apprend qu'on découvrit en cette province, dont le Périgord faisoit partie, des Manichéens qui rejetoient le Baptéme, le signe de la sainte croix, l'Eglise, et le Rédempteur lui-même, dont ils nioient l'incarnation et la passion, l'honneur dú aux saints, le mariage légitime, et l'usage de la viande (1). Et le même auteur nous fait voir qu'ils étoient de la même secte que les hérétiques d'Orléans, dont l'erreur étoit venue d'Italie.

En effet, nous voyons que les Manichéens s'éLes Mani- toient établis en ce pays - là. On les appeloit lie appelés Cathares, c'est-à-dire, purs. D'autres héréCathares, et tiques avoient autrefois pris ce nom; et c'étoit pourquoi.

les Novatiens, dans la pensée qu'ils avoient que leur vie étoit plus pure que celle des autres, à cause de la sévérité de leur discipline. Mais les Manichéens enorgueillis de leur continence et de l'abstinence de la viande qu'ils croyoient immonde, se regardoient non seulement comme Cathares ou purs, mais encore, au rapport de saint Augustin (2), comme Catharistes, c'est-àdire, purificateurs, à cause de la partie de la substance divine mêlée dans les herbes et dans les légumes, avec la substance contraire, dont ils séparaient et purifioient cette substance divine en la mangeant. Ce sont là des prodiges, je l'avoue; et on n'auroit jamais cru que les hommes en pussent être si étrangement entêtés, si on ne l'avoit connu par expérience, Dieu voulant don

(1) Fragm. hist. Aquit. edita à Petro Pith. Bar. t. x1, an. 1017.

- (2) De Hær. in hær. Manich. tom. viii, col. 15.

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ner à l'esprit humain des exemples de l'aveuglement où il peut tomber, quand il est laissé à lui-même. Voilà donc la véritable origine des hérétiques de France venus des Cathares d'Italie.

>>

XXIII.

Origine des

Vignier, que nos Réformés ont regardé comme le restaurateur de l'histoire dans le dernier siècle, Manichéens parle de cette hérésie et de la découverte qui s'en de Toulouse et d'Italic. fit au concile d'Orléans, dont il met la date par Preuve qu'ils erreur en 1022 (1); et il remarque qu'en cette venoient de année «< furent pris et brûlés publiquement plu- Bulgarie. » sieurs personnages en présence du roi Robert » pour crime d'hérésie; car on écrit, poursuit-il, » qu'ils parloient mal de Dieu et des sacremens, » à savoir du Baptême, et du corps et du sang » de Jésus-Christ, ensemble aussi du mariage; » et ne vouloient user des viandes ayant sang et » graisse, les réputant immondes ». Il raconte aussi que le principal de ces hérétiques s'appeloit Etienne, dont il donne Glaber pour témoin avec la chronique de saint Cibard: « Selon les>>quels, continue - t - il, plusieurs autres sec» taires de la même hérésie, qu'on appeloit des » Manichéens, furent exécutés ailleurs, comme >> à Toulouse et en Italie ». N'importe que cet auteur se soit trompé dans la date et dans quelques autres circonstances de l'histoire : il n'avoit pas vu les actes qu'on a recouvrés depuis. Il suffit que cette hérésie d'Orléans dont Etienne fut l'un des auteurs, dont le roi Robert dont le roi Robert vengea les excès, et dont Glaber nous a raconté l'histoire, soit reconnue pour manichéenne par Vignier; qu'il (1) Bib. hist. II. part. à l'an 1922. p. 672.

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