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fit un parfaitement beau discours à son ordinaire.

Le seizième de juillet, le roi avec toute sa cour alla à Sceaux chez M. de Seignelay. En arrivant il se promena et vit tout le jardin, qui est un des plus beaux de l'Europe, et si grand qu'il étoit plus de huit heures et demie du soir quand il eut achevé de le voir.

En rentrant dans la maison, Sa Majesté alla droit à l'orangerie, dans laquelle on avoit dressé un théâtre pour y chanter une idylle à la louange du roi, dont les vers étoient de la composition de Racine et la musique de celle de Lulli: ce dernier réussit mieux que le poète, et le roi trouva sa musique si agréable qu'il en fit recommencer une bonne partie.

Ce spectacle étant fini, Sa Majesté passa dans le jardin de l'orangerie, dont elle trouva les ber

mier aumônier de Monsieur, mais il avoit été chassé de sa maison à peu près dans le même temps que madame de Saint-Chaumont en fut chassée, et même il avoit été long-temps exilé de la cour. C'étoit un des hommes du monde qui haranguoit le mieux, et il avoit parlé plusieurs fois avec beaucoup de succès. Cependant il y eut des gens qui trouvèrent à redire en plusieurs endroits de cette dernière harangue.

ceaux illuminés par un million de petites lampes qui faisoient le plus agréable effet du monde. Au milieu de ce jardin étoit une fontaine dont la figure étoit un carré long, et les deux bouts en étoient cintrés. Autour de ces deux cintres étoient dressées deux tables, l'une pour le roi et l'autre pour monseigneur le Dauphin, avec lesquels soupèrent toutes les dames qui étoient priées à cette fête, à la réserve de celles de la famille de M. de Seignelay, qui firent les honneurs du souper. Le reste de la fontaine étoit environné d'autres tables, sur lesquelles il y avoit seulement des pots de fleurs et des girandoles chargées de bougies.

Pendant le souper qui fut magnifique, tous les violons et hautbois de l'Opéra jouèrent des airs de la composition de Lulli, et tous les seigneurs de la cour allèrent dans la maison, où ils trouvèrent plusieurs tables magnifiquement servies.

Enfin le roi revint avec toute la cour, très satisfait de cette fête, et il arriva à Versailles vers les deux heures après minuit.

En ce temps-là, mourut Bellay1, premier mé

(1) Il étoit natif de Blois, d'où Mademoiselle le fit venir pour être son premier médecin, le connoissant

decin de Mademoiselle, un des plus habiles médecins et des plus agréables hommes de son temps, et qui n'avoit d'autre défaut que celui d'être huguenot.

On disoit aussi que le parti de M. de Monmouth se fortifioit journellement; que son armée étoit déjà de dix-sept mille hommes, et qu'il se conduisoit par les conseils d'un vieil républicain nommé Ludelaw1, lequel s'étoit retiré d'Angleterre lorsque le feu roi étoit rentré en posession de la couronne, et s'étoit habitué en Suisse, d'où il n'étoit revenu que pour assister M. de Monmouth de ses conseils; car il avoit plus de

depuis long-temps pour l'avoir vu médecin de feu Monsieur, son père, oncle du roi, lequel ne l'appeloit jamais que petit Zuingle, à cause de sa religion.

(1) Comme on n'avoit pas bonne opinion du jugement de M. de Monmouth, on étoit fort persuadé qu'un bon conseil lui étoit fort nécessaire, et l'on s'imaginoit que ce Ludelaw étoit véritablement son fait, parce qu'il avoit de l'esprit et qu'il avoit autrefois vula guerre, ayant commandé la cavalerie pour le Parlement. Mais il étoit bien vieux pour soutenir les fatigues d'une guerre,qui ne laissoient pas d'être grandes, quoiqu'il se fit traîner en chaise roulante.

soixante-dix ans, et se faisoit traîner en chaise roulante, ne pouvant plus monter à cheval.

le

Peu de jours après, on eut nouvelle que comte d'Argile avoit été exécuté sans être appliqué à la question, parce qu'il avoit déclaré de lui-même tous ses complices. On disoit aussi que le milord Feverschem, s'étant approché du duc de Montmouth, l'avoit obligé de se retirer six lieues en arrière, et de se poster derrière le ruisseau de Bridgewater, et qu'il l'avoit suivi pour

observer ses mouvements.

A peu près dans le même temps, le bruit couroit que le roi de Pologne étoit attaqué d'une hydropisie tympanique, c'est-à-dire d'une hydropisie de vents, que tous les médecins regardent comme une maladie incurable.

On disoit encore que le pape s'etoit enfin résolu de faire au mois de septembre une promotion de cardinaux ; mais on n'étoit pas trop assuré s'il s'y pourroit résoudre, et si en faisant la promotion, il donneroit les chapeaux des couronnes1.

(1) On appréhendoit particulièrement qu'il ne donnât pas de chapeau à M. l'évêque de Beauvais, qui avoit la nomination de Pologne, à cause des mauvais offices qu'on avoit rendus à ce prélat auprès de Sa Sain

Le vingt-unième de juillet, les prélats de l'assemblée du clergé vinrent faire au roi leur dernière harangue au sujet de la religion. Le coadjuteur de Rouen, frère de M. de Seignelay, porta la parole et fit un parfaitement beau discours.

Dans le même temps, le roi donna au marquis de Coignée1, une pension de mille écus, et à son fils, le marquis de Beaumont, une pension de deux mille livres. Les courtisans publioient que M. Le Grand y avoit beaucoup contribué, en faisant que le marquis de Beaumont donnât au roi des chiens couchants dont il s'étoit bien trouvé; mais sans vouloir diminuer le crédit ni les bons offices de M. Le Grand, qui pouvoient y avoir contribué, on pouvoit, pour parler plus juste, assurer que ces pensions avoient été accordées par la protec

teté, dans les derniers voyages qu'il avoit faits en Pologne pour le service du roi, où elle croyoit qu'il avoit eu commerce avec les ennemis de la chrétienté.

(1) Gentilhomme du Maine ou du Vandômois, qui avoit autrefois été de la religion prétendue réformée. Ni lui ni son fils n'avoient pas beaucoup servi; mais ils avoient bien besoin que le roi les aidât dans le mauvais état où étoient alors leurs affaires.

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